Mondiaux d'athlétisme : "Encourageant mais doit mieux faire"... Avec deux médailles et 16 places de finalistes, des Français en progression à Tokyo

L'équipe de France quitte le Japon dimanche avec l'or et le bronze du coureur de fond Jimmy Gressier. Elle n'avait plus connu autant de top 8 depuis vingt ans.

Article rédigé par Anaïs Brosseau - envoyée spéciale à Tokyo
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Hilary Kpatcha, Jimmy Gressier et Aurélien Quinion. (AFP/AFP/SIPA)
Hilary Kpatcha, Jimmy Gressier et Aurélien Quinion. (AFP/AFP/SIPA)

Partie au Japon sans ses têtes d'affiche des JO de Paris (Cyréna Samba-Mayela, Alice Finot, Clément Ducos, blessés ou hors de forme), l'équipe de France d'athlétisme a pourtant pris des couleurs au pays du Soleil levant, lors des championnats du monde. Pas tant à cause de la chaleur étouffante qu'en raison d'un bilan jugé "encourageant" par le Directeur technique national (DTN) de la Fédération française d'athlétisme (FFA). 

Avec deux médailles, l'or sur 10 000 m et le bronze sur 5 000 m de Jimmy Gressier, les Bleus font mieux qu'à Budapest en 2023 et Eugene en 2022 (une médaille) et égalent le total des Mondiaux de 2019 au Qatar. Surtout, ils totalisent 16 places de finalistes (top 8), un total plus vu depuis... 2005 et les Mondiaux d'Helsinki, où les Tricolores avaient décroché huit médailles. "C'est encourageant. Même si on peut espérer faire encore mieux sur les finalistes. Je pense qu'on peut et doit mieux faire", a appuyé le DTN.

Les fondeurs et marcheurs en locomotive

Avec deux médailles décrochées sur des courses de fond, et deux autres coureurs présents en finale (sans pour autant intégrer le top 8), le fond tricolore s'affiche comme un moteur chez les Bleus. Frank Bignet a d'ailleurs salué la capacité de l'unique médaillé à avoir "analysé le contexte d'un championnat du monde" et eu une "préparation sportive précise dans les mois, semaines et derniers jours". "Le demi-fond est peut-être la spécialité qui a le plus optimisé l'ensemble des détails qui peuvent composer la performance", a estimé le DTN.

De leur côté, les marcheurs et marcheuses françaises ont confirmé une progression déjà entrevue lors de précédents championnats. Aurélien Quinion est passé tout près de l'exploit à deux reprises. Sur le 35 kilomètres d'abord, où des crampes foudroyantes ont ruiné sa marche vers le podium : il termine, en larmes, 5e. Une semaine plus tard sur le 20 kilomètres, il échoue à quatre secondes de la médaille de bronze, mais le sourire aux lèvres. Il devance alors Gabriel Bordier, 5e. Chez les femmes, Pauline Stey termine 11e du 20 kilomètres, bien mieux que sa 19e place deux ans plus tôt.

Des sauteurs au rendez-vous...

Elle visait le podium mais termine avec une prometteuse médaille en chocolat. À Tokyo, la sauteuse en longueur Hilary Kpatcha a confirmé que son choix de quitter Toulouse pour rejoindre l'Insep était le bon. Après un bon concours de qualification, l'athlète de 27 ans a "ressenti le manque de préparation" en finale : "Techniquement, j'arrivais de moins en moins à tenir", s'est justifiée celle qui a repris l'entraînement seulement en avril. Autre satisfaction autour du bac à sable : Jonathan Seremes, le moins connu des trois triples sauteurs français engagés, et seul qualifié en finale (8e) grâce à un bond à un centimètre de son record.

Le triple sauteur français Jonathan Seremes, le 19 septembre 2025, à Tokyo. (KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP)
Le triple sauteur français Jonathan Seremes, le 19 septembre 2025, à Tokyo. (KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP)

En saut à la perche, les Français ont réalisé un joli quatre sur quatre pour rejoindre les finales féminine et masculine. Derrière un Mondo Duplantis intouchable, Thibaut Collet (5e) n'a pas démérité, mais il lui faudra franchir 6 m s'il veut un jour décrocher une médaille parmi cette génération si talentueuse. Dans une fournaise, la championne du monde en salle Marie-Julie Bonnin n'avait, elle, "pas de cannes" en finale (8e). 

... mais des lanceurs perdus

Les lancers étaient déjà connus pour être le parent pauvre de l'athlétisme tricolore. Les résultats à Tokyo ne feront que confirmer la crise. Sur les six lanceurs engagés dans ces Mondiaux (quatre au disque, deux au marteau), aucun n'a réussi à rejoindre une finale. Le leader Yann Chaussinand, arrivé avec la quatrième meilleure performance mondiale de l'année, n'est pas parvenu à se mettre dans son concours de lancer du marteau et a chuté dès les qualifications. "Je n'avais aucune sensation ni gestion de concours. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même."

De son côté, Mélina Robert-Michon était dépitée. Devant la progression mondiale au disque, son jet à 61,24 m dans le groupe engagé dès 9 heures du matin n'a pas suffi à rejoindre la finale. Le nouveau détenteur du record de France au disque Lolassonn Djouhan (70,25 m) est, lui, resté très loin de cette marque (63,13 m), handicapé par une douleur au genou apparue à l'échauffement et liée à son surpoids actuel. "L'exigence d'une compétition internationale, c'est de lancer tôt le matin, c'est de la régularité, rappelle le DTN. Il va falloir être capable de poser le bon diagnostic et être sans concession."

Des cadres piégés en qualifications

Dès le deuxième jour de compétition, l'équipe de France a connu sa première grosse désillusion avec l'élimination d'Azeddine Habz, meilleur performeur mondial de la saison sur 1 500 m, dès les séries. "Je n'ai vraiment pas d'explication. C'est une contre-performance. J'étais vraiment bien tout le long, mais je n'avais plus rien à la fin", a réagi le Tricolore qui avait pourtant battu le record de France en juin. 

Agathe Guillemot déséquilibrée lors de sa demi-finale mondiale du 1 500 m, le 14 septembre 2025. (MILLEREAU PHILIPPE / AFP)
Agathe Guillemot déséquilibrée lors de sa demi-finale mondiale du 1 500 m, le 14 septembre 2025. (MILLEREAU PHILIPPE / AFP)

Sur le 800 m, les éliminations en demi-finales de Gabriel Tual et Rénelle Lamote n'ont pas surpris, puisque ces cadres apparaissaient trop justes niveau forme. En revanche, celle d'Anaïs Bourgoin est bien plus surprenante tant la Française semblait sur une dynamique ascendante. Autoritaire en série, elle a semblé payer l'enchaînement des courses. Quant à Agathe Guillemot, brillante en 2024, elle est apparue peu sûre d'elle sur le 1 500 m. Mal placée en demi-finales, elle a trébuché après avoir été gênée. Seule Sarah Madeleine a tiré son épingle du jeu en battant son record en finale du 1 500 m (3'58"09) pour décrocher la 8e place.

Trop d'athlètes arrivés hors de forme

Louise Maraval (400 m haies) à une seconde de son temps réalisé en série il y a un an aux JO. Auriana Lazraq-Khlass, à près de 400 points de son résultat de son heptathlon déjà peu réussi à Paris 2024. Sasha Zhoya qui se retire en demi-finales sur le 110 m haies, touché à la cuisse en plus du tendon d'Achille... La liste des Français arrivés au Japon loin de leur niveau est longue. Et la question se pose du bénéfice à placer dans l'arène des athlètes qui n'ont pas les armes pour combattre.

Le hurdleur tricolore Sasha Zhoya, lors des séries du 110 m haies des Mondiaux de Tokyo, le 15 septembre 2025. (KEMPINAIRE STEPHANE / AFP)
Le hurdleur tricolore Sasha Zhoya, lors des séries du 110 m haies des Mondiaux de Tokyo, le 15 septembre 2025. (KEMPINAIRE STEPHANE / AFP)

"La prévention des blessures fait vraiment partie des chantiers que la Fédération doit engager, pose Frank Bignet. On l'a vu, on ne peut pas arriver pas sûr de soi sur un championnat. On a su accompagner certains athlètes en leur disant qu'il était préférable de ne pas venir sur ces Mondiaux. Pour d'autres, il y a eu une prise de risque décidée ensemble." Le DTN estime qu'il faudra peut-être encore plus à l'avenir inciter les Tricolores à renoncer en cas de méforme ou de blessure.

Ne regrettant aucun choix de sélection, le directeur de la haute performance Romain Barras, voit lui l'occasion pour les athlètes de tirer des leçons. "Il n'y a rien qui marque plus que de se prendre la porte en pleine figure. La progression passera par là, par se dire qu'il faut maintenant être professionnel, mettre des choses en place différemment." Au micro de France Télévisions, Auriana Lazraq-Khlass ne disait pas autre chose : "C'est un bon coup de pied aux fesses pour reprendre une nouvelle année sur de bonnes bases". 

Prochain chantier : individualiser encore plus l'accompagnement

Alors que Romain Barras vivait ses derniers Mondiaux dans la peau du directeur de la haute performance – il sera remplacé par Jean Galfione –, l'ancien décathlonien a souligné l'importance de poursuivre le travail entamé. "Dans le sport de haut niveau, ce qui paye, c'est la continuité, la régularité." Attaché à l'émulation, il a notamment salué la dynamique positive du demi-fond où les "athlètes s'entraînent ensemble et se tirent vers le haut".

Avec les Mondiaux de Pékin en 2027 et les JO 2028 comme principaux objectifs, la nouvelle équipe au sein de la haute performance devra désormais convertir les places de finaliste en médailles. Parmi les pistes avancées, le DTN a cité "un accompagnement plus précis des athlètes dans leur singularité". "Je pense que certains ont manqué de projection sur un championnat" , a regretté le DTN.

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