Mondiaux d'athlétisme : vie de galère et talent brut, comment le Français Lolassonn Djouhan est entré dans le cercle des meilleurs lanceurs de disque du monde
Après des Jeux olympiques de Paris décevants, le discobole de 34 ans a tout remis à plat pour revoir ses ambitions à la hausse. Si ses efforts ont été récompensés par un record de France porté à 70,25 m, ses difficultés financières restent un handicap.
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"Lolassonn, il a une situation qui n'est pas digne de son niveau de performance. Une semaine avant son record de France, il vient me dire qu'il veut arrêter car financièrement, il doit travailler. Je lui dis de continuer. Il passe 70,25 m mais rien n'a changé depuis, financièrement parlant, sauf la Fédération qui met des pansements." Les mots de Magali Brisseault Waldet, entraîneure du lanceur de disque tricolore Lolasson Djouhan résume la situation de l'athlète de 34 ans, engagé dans le concours des Mondiaux, samedi 20 septembre. Le 23 juin dernier, le Français a changé de dimension à Alès, en envoyant son disque au-delà des 70 m, une barre aussi mythique que celle des 6 mètres pour les perchistes masculins. Pourtant, le Tricolore survit plus qu'il ne vit dans une discipline peu médiatisée et qui n'attire pas les sponsors.
À Tokyo, Lolasson Djouhan participe à ses deuxièmes championnats du monde. Membre régulier de l'équipe de France depuis 2013, il compte aussi deux participations aux JO, ceux de Tokyo et de Paris. "Mais personne ne sait que j'ai fait les Jeux car je ne suis pas allé en finale", souffle-t-il, auprès de franceinfo: sport, la veille de s'envoler pour le Japon. Manquer celle de Paris a servi de déclic.
"Jusqu'aux JO 2024, je faisais les championnats sans réelles ambitions. Je ne m'entraînais pas correctement. A Paris, je ne passe pas en finale pour moins d'un mètre. Je me dis que j'ai laissé ma place aux autres car je n'ai pas été sérieux."
Lolassonn Djouhan, lanceur de disqueà franceinfo: sport
Son talent, brut, est pourtant détecté dès l'adolescence. Mais sa motivation est en dents de scie, davantage liée aux lieux des championnats. Une grave blessure aux pectoraux en 2023 le tient éloigné des cages de lancer pendant un an. "Il voulait devenir entraîneur mais il a entendu l'appel des JO. Il a fallu tout reprendre. Un jour, il prend un disque comme ça pour rigoler à l'entraînement et il fait 64 m. Il est vraiment talentueux", retrace son entraîneure, qui n'a pas été surprise de l'élimination en qualifications de son élève aux JO de Paris. "Se qualifier était déjà un pari fou. On avait repris sérieusement l'entraînement six mois plus tôt ."
De trois entraînements par semaine à deux par jour
Pour la saison 2025, Lolassonn Djouhan décide alors de tout changer. De trois à quatre entraînements par semaine, il bascule sur deux séances par jour, six jours sur sept. La durée aussi a doublé. "Avant, je ne m'échauffais pas. Là, je prends trente minutes", détaille-t-il. En musculation, il devient sérieux sur l'exécution de l'ensemble des exercices. Le lanceur passe aussi beaucoup plus de temps chez le kiné, soigne sa récupération.
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Un peu plus soutenu financièrement cette saison par son club et les collectivités publiques, il choisit de s'adjoindre les services d'une préparatrice mentale (l'ancienne sauteuse en longueur Eloyse Lesueur-Aymonin) et d'une nutritionniste. Affichant 150 kilos sur la balance, il est conscient que le poids est un "facteur" déterminant pour jouer une médaille. "Ça faisait longtemps qu'il faisait du haut niveau sans en faire. Cette année, il a changé du tout au tout, salue Magali Brisseault Waldet. On savait que son potentiel valait autour des 70 mètres. Les faire était la première étape. La seconde va être de concrétiser en grand championnat."
Le stress de l'argent
Grâce au travail de préparation mentale, Lolassonn Djouhan affiche des ambitions nouvelles à l'approche des compétitions. "Avant, je m'entraînais pour assurer mon salaire [1 100 euros par mois, du fait de sa présence en ligue professionnelle]. Maintenant, je m'entraîne pour une médaille." Nerf de la guerre, l'argent est une véritable source de préoccupation pour l'athlète, dont le budget de fonctionnement atteint les 9 000 euros, bien loin de ceux de ses adversaires qu'il estime autour des 50 000 euros.
"Pour l'instant, dans ma pratique, je me mets plus à découvert que je ne gagne ma vie. La médaille se joue là aussi."
Lolasson Djouhan, recordman de France de lancer du disqueà franceinfo: sport
"Moi, je prends du poids parce que bien manger coûte cher. Il faut que je mange plus de viande, de légumes, mais les produits sains sont très chers. Je vais toujours prendre du riz et des pâtes. Financièrement, je ne peux pas me permettre de m'acheter une entrecôte pour manger mes 200 g de viande par jour", illustre celui qui est papa d'un petit garçon. La différence se joue aussi sur le matériel. "Lolassonn, avec ses primes de meeting, la première chose qu'il a faite, c'est s'acheter des chaussures de lancer. C'est caricatural", souffle, dépitée, sa coach.
Un équipement coûteux
Sans équipementier, Lolassonn Djouhan use ses chaussures jusqu'à la corde. "Comme je suis très lourd, je les bousille en quinze jours. Je tourne avec quatre paires, alors qu'il m'en faudrait une vingtaine. Elles coûtent 130 euros."
"Parfois, certaines compétitions je ne lance pas loin, pas parce que physiquement je ne suis pas bien, mais à cause de mes chaussures. Certains plateaux sont rugueux, une paire de chaussures neuve t'évite de forcer ton geste et forcément ça va plus loin."
Lolassonn Djouhanà franceinfo: sport
À part quelques disques personnels, les autres appartiennent au pôle où il s'entraîne. Celui de son record de France était un disque d'entraînement, à 30 euros et dont la coque a cassé au bout de quelques compétitions. Un disque de compétition (il en existe plusieurs, le poids étant réparti différemment sur la couronne) coûte plusieurs centaines d'euros. En championnats et meetings, chaque athlète met au pot commun ceux qu'il utilise. Lolassonn Djouhan compte donc sur ses adversaires pour retrouver son "disque préféré", qui coûte, lui, 600 euros. "Je sais qui participe. Et leurs disques préférés sont aussi les miens", sourit le lanceur.
Los Angeles 2028 dans le viseur
S'il ne s'en plaint pas, l'incertitude financière ronge l'athlète. "Comme il a une situation socioprofessionnelle instable, il est stressé et n'arrive pas à arrêter de manger. Son sommeil est aussi très fragile", regrette son entraîneur. Pour s'ôter un peu de stress, le recordman de France a entamé cette année une formation pour devenir chauffeur VTC. Une profession choisie pour la flexibilité des horaires. "Sans travail, je ne peux pas payer de loyer. C'est très précaire aujourd'hui", assène-t-il.
Outre la récompense sportive de son engagement, une place de finaliste à Tokyo pourrait l'aider à trouver de nouveaux sponsors. "Si sa situation change, il pourrait se stabiliser psychologiquement. Cela jouerait sur son poids, son sommeil. On pourrait améliorer sa technique avec des exercices qu'on ne peut pas faire aujourd'hui car il est trop lourd par exemple, liste Magali Brisseault Waldet. On espère l'emmener dans un cercle vertueux." Car malgré ses 34 ans, Lolassonn Djouhan s'estime encore tout jeune dans le haut niveau : "C'est ma première saison à fond. Avant, j'étais à 30-40%." Après Tokyo, les yeux sont déjà rivés vers Los Angeles, et les JO 2028.
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