Disparition de Delphine Jubillar : quatre questions sur les nouvelles fouilles demandées par une avocate, quatre mois avant le début du procès
/2021/12/14/61b8b989aae5a_catherine-fournier.png)
/2025/05/19/000-34pm6lr-682b4f1a70c50731979397.jpg)
Pauline Rongier a demandé à la présidente de la Cour d'assises du Tarn d'ordonner des recherches dans une zone où le téléphone de Cédric Jubillar a été localisé à plusieurs reprises.
L'enquête est-elle passée à côté d'un élément déterminant ? Alors que le procès de Cédric Jubillar pour le meurtre de son épouse Delphine Aussaguel doit s'ouvrir le 22 septembre, l'avocate de la meilleure amie de la disparue veut relancer les investigations.
Dans un courrier adressé le 12 mai à la présidente de la cour d'assises du Tarn, qui jugera l'ex-mari de cette infirmière âgée de 33 ans lors de sa disparition, Pauline Rongier demande qu'une zone boisée soit fouillée avant le début de l'audience, dans l'objectif de retrouver le corps de la victime, qui n'a plus donné signe de vie depuis la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Motif : le téléphone de Cédric Jubillar y a été géolocalisé à plusieurs reprises. Franceinfo revient sur ce sujet en quatre questions.
1 Qu'ont révélé les investigations sur le téléphone de Cédric Jubillar ?
L'exploitation du téléphone de Cédric Jubillar, réalisée peu de temps après la disparition de sa femme, a notamment révélé que cette nuit-là, son portable est resté éteint entre 22h08 et 3h53 – fait très inhabituel pour lui. Malgré la mise hors service de l'appareil, des coordonnées GPS avaient été identifiées par les enquêteurs. Elles localisent le téléphone à 3h21 aux alentours de la commune de Mirandol-Bourgnounac, dans une zone boisée située à une trentaine de kilomètres de Cagnac-les-Mines (Tarn) où le couple, en instance de séparation, habitait.
Comme le relève Pauline Rongier dans son courrier à la présidente de la cour d'assises, consulté par franceinfo, le téléphone avait aussi été localisé dans cette zone la veille, entre 12h24 et 13h10. "En examinant l'ensemble des auditions des témoins, il semble que personne n'ait déclaré avoir vu Cédric Jubillar à l'heure du déjeuner", souligne l'avocate, qui représente Emy, une amie très proche de Delphine Aussaguel.
Au total, l'appareil a borné à 17 reprises dans cette zone, le 15 novembre, les 2, 15 et 16 décembre, précise à franceinfo Pauline Rongier, confirmant les déclarations sur BFMTV de son confrère Mourad Battikh, avocat de l'oncle et de la tante de Delphine Aussaguel.
2 La zone en question avait-elle déjà été fouillée ?
Un enquêteur de la section de recherches de Toulouse s'était rendu sur place à la fin avril 2021. Mais selon son procès-verbal, cité par Pauline Rongier dans son courrier, il n'était resté qu'une demi-heure sur place et avait précisé que l'endroit n'était pas accessible en voiture par une route carrossable. Depuis, aucun autre acte d'enquête n'a été réalisé dans cette zone, alors que d'autres fouilles ont été effectuées début 2022 dans le secteur d'une ferme incendiée, non loin. Selon un ancien codétenu, Cédric Jubillar avait en effet confié avoir tué son épouse puis l'avoir enterrée près d'une ferme qui avait brûlé. Une "blague", a assuré plus tard l'intéressé. Mais dix hectares ont bien brûlé dans la commune de Mirandol en juillet 2019, rappelle l'avocate.
"Contrairement à ce qui a pu être dit, l'accès [à cette zone] en transportant un corps, n'est pas matériellement impossible", estime encore Pauline Rongier dans sa lettre, soulignant que l'endroit "est tout de même accessible par un chemin".
"Quand on a une piste aussi sérieuse, on ne la ferme pas au motif que la route n'est pas goudronnée."
Pauline Rongier, avocate de la partie civileà franceinfo
L'avocate mentionne "le petit gabarit" de cette mère de deux enfants et la découverte de traces salivaire lui appartenant sur le pyjama de Cédric Jubillar. Pour la partie civile, la distance entre ce lieu et le domicile du couple est en outre "parfaitement compatible" avec l'heure à laquelle Cédric Jubillar a rallumé son téléphone, soit 3h53.
"Si on avait authentifié à proprement parler un déplacement de Cédric Jubillar, les choses auraient été faites pour aller le verrouiller bien en amont", a opposé auprès de France Télévisions Jean-Baptiste Alary, l'un des trois avocats de Cédric Jubillar.
3 Pourquoi ces données de géolocalisation du téléphone sont-elles évoquées maintenant ?
Selon Pauline Rongier, le manque d'intérêt des juges d'instruction pour ces points de localisation du téléphone de Cédric Jubillar relève du "quiproquo". S'agissant de la nuit du 15 au 16 décembre, les experts mandatés par les magistrats ont émis "un doute sur la fiabilité de ces coordonnées géographiques", associées à des fichiers retrouvés dans la mémoire cache du téléphone. "Ils n'ont pas réussi à prouver la source, le chemin d'accès de la localisation", explique l'avocate à franceinfo, tout en soutenant qu'"il est certain qu'un téléphone éteint peut capter des données de localisation".
S'agissant des données GPS des autres jours, et notamment du 15 décembre à l'heure du déjeuner, la localisation a pu être sourcée via l'application YouTube du téléphone, explique Pauline Rongier. Selon elle, c'est le doute sur la fiabilité des données de la nuit de la disparition qui a emporté la conviction des juges.
Mais pour les parties civiles, cette piste n'a pas été suffisamment explorée. "Emy a mis énormément d'énergie dans les fouilles de terrain et a mis la même énergie à éplucher le dossier", dans l'espoir de retrouver le corps de Delphine Aussaguel avant le procès, affirme son avocate. En plus de demander de nouvelles recherches, Pauline Rongier sollicite également une nouvelle expertise téléphonique, avec l'utilisation de techniques plus récentes.
4 Ces fouilles et cette nouvelle expertise téléphonique peuvent-elles être réalisées avant le procès ?
Pauline Rongier a effectué ces demandes d'acte sur le fondement de l'article 283 du code de procédure pénale, qui permet à un président de cour d'assises d'ordonner des investigations supplémentaires avant l'ouverture d'un procès. "Il n'y a pas de délai pour répondre, c'est la présidente qui décide, c'est à sa discrétion", observe l'avocate. Contacté par franceinfo, le parquet général de Toulouse, dont dépend la cour d'assises du Tarn, n'a pas répondu.
Si aucune démarche n'est faite d'ici au 22 septembre, Pauline Rongier prévient : "Le procès va s'ouvrir par une demande de fouilles. Je ne vais pas lâcher cette piste, car j'y crois profondément. Elle est fondée par des éléments d'analyse scientifiques et compatibles avec les éléments du dossier." Et la pénaliste de citer les déclarations de Cédric Jubillar rapportées par des témoins et sa propre mère aux enquêteurs : "J'en ai marre, je vais la tuer, je vais l'enterrer, personne ne la retrouvera."
Selon la partie civile, la possible présence du mari de Delphine Aussaguel dans cette zone boisée la veille de la disparition tend à accréditer "qu'il pourrait s'agir d'un acte prémédité". Les faits pourraient-ils être ainsi requalifiés en cours de procès ? "La notion d'assassinat sur conjoint n'existe pas dans le code pénal et les peines encourues pour meurtre sur conjoint ou assassinat sont les mêmes : la perpétuité", répond Pauline Rongier. Pour autant, l'avocate milite pour la reconnaissance de la "préméditation dans les féminicides", fréquente selon elle. "Le travail d'instruction mené dans cette affaire, colossal et pertinent, montre que le féminicide n'est pas un acte isolé, mais l'aboutissement d'un processus de violence psychologique et de contrôle", a-t-elle déclaré auprès de France 3 Occitanie.
A l'inverse, Alexandre Martin, un autre avocat de Cédric Jubillar, avait estimé auprès de franceinfo que cette demande d'acte était "la démonstration même de ce que nous dénonçons depuis des mois, à savoir que l'instruction est vide". Le procès doit durer près d'un mois.
À regarder
-
Emmanuel Macron sème la confusion sur la réforme des retraites
-
Tornade meurtrière : scènes d'apocalypse dans le Val-d'Oise
-
Nicolas Sarkozy : premier jour en prison
-
La lutte sans relâche contre les chauffards
-
L'OMS alerte sur la résistances aux antibiotiques
-
Les frères Lebrun, du rêve à la réalité
-
Que disent les images de l'incarcération de Nicolas Sarkozy ?
-
Algospeak, le langage secret de TikTok
-
Une Russe de 18 ans en prison après avoir chanté des chants interdits dans la rue
-
Cambriolage au Louvre : d'importantes failles de sécurité
-
"Avec Arco, on rit, on pleure..."
-
Wemby est de retour (et il a grandi)
-
Arnaque aux placements : la bonne affaire était trop belle
-
Une tornade près de Paris, comment c'est possible ?
-
La taxe Zucman exclue du prochain budget
-
Un ancien président en prison, une première
-
Normes : à quand la simplification ?
-
La Terre devient de plus en plus sombre
-
Cambriolage au Louvre : d'importantes failles de sécurité
-
Louis Aliot, vice-président du RN, et les "deux sortes de LR"
-
Nicolas Sarkozy incarcéré à la prison de la Santé
-
Décès d'une femme : les ratés du Samu ?
-
Louvre : cambriolages en série
-
Grues effondrées : tornade meurtrière dans le Val d'Oise
-
De nombreux sites paralysés à cause d'une panne d'Amazon
-
Hong Kong : un avion cargo quitte la piste
-
Quand Red Bull fait sa pub dans les amphis
-
Ces agriculteurs américains qui paient au prix fort la politique de Trump
-
ChatGPT, nouveau supermarché ?
-
Eléphants : des safaris de plus en plus risqués
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter