: Vrai ou faux Affrontements à Sainte-Soline : est-il exact qu'"aucune arme de guerre n'a été utilisée par les forces de l'ordre", comme l'affirme Gérald Darmanin ?

Alors que deux manifestants ont été grièvement blessés lors des affrontements en marge du rassemblement contre les "méga-bassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), samedi 25 mars, le ministre de l'Intérieur a assuré qu'"a ucune arme de guerre n'[avait] été utilisée par les forces de l'ordre, seulement des armes intermédiaires". "Par contre, des armes de guerre de la part de certains casseurs l'ont été, notamment je pense aux cocktails Molotov",  a déclaré Gérald Darmanin lors d'une conférence de presse lundi soir. Dit-il vrai ou fake ? 

Selon la gendarmerie, des opposants à la construction de ce réservoir à ciel ouvert ont fait usage "de mortiers d'artifices, de chandelles romaines et de cocktails molotov de forte contenance" parmi d'autres projectiles. Les forces de l'ordre ont riposté avec 4 000 grenades de gaz lacrymogènes et de désencerclement, selon un chiffre communiqué par le ministre de l'Intérieur samedi soir, et en utilisant des LBD. De leur côté, les organisateurs ont mis en cause une "violence absolument criminelle" des forces de l'ordre. Un journalistes du site Politis, présent sur place, a partagé sur Twitter une photo de résidus de grenades lacrymogènes retrouvés par terre. 

Des GM2L samedi à #SainteSoline pic.twitter.com/VNcZ84qWgY

— Maxime Sirvins (@MaximeSirvins) March 27, 2023

La secrétaire nationale d'EELV Marine Tondelier, présente dans le cortège, a dénoncé auprès de l'AFP des tirs de grenades vers des personnes blessées. La Ligue des droits de l'homme a pour sa part évoqué des tirs au LBD 40 depuis "les quads en mouvement" des gendarmes à Sainte-Soline. Un de ces tirs a été capté par un média indépendant.

Un motocycliste tir à l’aveugle au LBD sur des manifestants anti-bassines à Sainte-Soline. #greve28mars #BassinesNonMerci #DeuxSèvres #SainteSoline #manifestation #ViolencesPolicieres #DarmaninDemission #BravM #megabassines pic.twitter.com/lshz0ybRVx

— La Luciole - Média (@laluciolemedia) March 25, 2023

Les grenades et les LBD classés dans la catégorie A2

Si elles sont qualifiées d'"armes de force intermédiaire" dans le Schéma national de maintien de l'ordre, les deux types de grenades utilisées à Saintes-Soline sont bien considérées comme des "armes à feu" "relevant des matériels de guerre" par le Code de la sécurité intérieure (CSI). Les grenades lacrymogènes, dont la "grenade modulaire 2 effets lacrymogènes" (GM2L), utilisée depuis l'interdiction de la controversée GLI-F4, ainsi que les grenades à main de désencerclement (GMD), qui projettent des morceaux de caoutchouc , sont classées dans la catégorie A2 des armes, qui contient ces "matériels de guerre". 

Les lanceurs de grenade de 56 mm, utilisés pour propulser les grenades lacrymogènes, sont également classés dans cette catégorie depuis une décision du Conseil d'Etat en juillet 2022, suivie d'un arrêté publié au Journal officiel . Il s'agit des lanceurs Cougar et Chouka, commercialisés par la société Alsetex, comme l'avait signalé sur Twitter le journaliste David Dufresne, spécialisé dans les violences policières.

Trop dangereux, les lanceurs de #grenades #Cougar et #Chouka, utilisés par @PoliceNationale, passent en catégorie A2 («matériels de guerre»). Une décision @Interieur_Gouv publiée au J.O. suite @Conseil_Etat Source: @kesselfr https://t.co/hOh59gu0yj pic.twitter.com/0mOSKh8qfV

— David Dufresne (@davduf) August 23, 2022

Les lanceurs de balles de défense (LBD) de 40×46 mm et leurs munitions sont également classés dans la catégorie A2 par le Code de la sécurité intérieure. Depuis le début de la mobilisation des  "gilets jaunes",  de nombreuses voix, dont celle du Défenseur des droits, ont réclamé l'interdiction du LBD, accusé d'être à l'origine des blessures graves de dizaines de manifestants. Comme l'avait relevé le Canard enchaîné en avril 2019 , les LBD sont bien vendus sous la catégorie "matériel de guerre" lorsqu'ils sont exportés.

Après l'avoir démenti lors de sa conférence de presse, Gérald Darmanin a reconnu dans l'émission C à vous, sur France 5, qu'il y avait bien "eu deux lanceurs de LBD" depuis "ces quads utilisés pour envoyer des grenades lacrymogènes pour repousser les personnes". "C'est totalement proscrit. Ces gendarmes seront suspendus", a assuré le ministre de l'Intérieur. L'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a été saisie et devra déterminer si ces tirs ont eu lieu sous état de légitime défense ou s'il s'agit de comportements individuels inappropriés.