Quelles sont les règles de présentation des invités dans les émissions d'information de France Télévisions ?
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Invités de "Votre télé et vous", présentée par Jérôme Cathala, médiateur de France Télévisions, Jean-Marie Charon, sociologue des médias, Romain Messy, directeur de la rédaction de franceinfo tv, et Pascal Doucet-Bon, directeur délégué de l'information de France Télévisions, commentent la manière dont les invités doivent être présentés à l'antenne.
La séquence a cristallisé nombre de critiques de téléspectateurs et d'internautes. Le 12 septembre dernier, sur France 2, lors de l'émission politique L'Événement, l'un des invités, Mathieu Pigasse, chef d'entreprise, a été présenté comme tel, et seulement comme tel. Or, Mathieu Pigasse a appelé à voter pour le Nouveau Front Populaire en 2024 et est actionnaire minoritaire de Mediawan, groupe qui produit plusieurs émissions pour France Télévisions. Jérôme Cathala y revient dans son émission "Votre télé et vous", dont nous reproduisons des extraits (la retranscription s'écarte très légèrement du prononcé pour permettre une lecture plus fluide).
Jérôme Cathala : "Il me semble que les téléspectateurs ont raison de nous reprendre sur la présentation des invités".
Pascal Doucet-Bon, directeur délégué de l'information, en charge de la déontologie : "Oui, les téléspectateurs ont raison de nous reprendre. Quant aux médias ou offres numériques qui montent cela en épingle, c'est autre chose. [Dans leur cas] c'est une instrumentalisation. Mais les téléspectateurs ont raison. [Monsieur Pigasse] aurait dû être présenté de manière complète sur les deux champs qui nous intéressent : son engagement politique d'une part, et son éventuel lien d'intérêt avec France Télévisions d'autre part. En ce qui concerne l'engagement politique, je parle bien de faits. Il ne s'agit pas de dire d'un interlocuteur qu'il est de droite ou de gauche, mais d'exposer un fait : en l'occurrence M. Pigasse a appelé à voter Nouveau Front Populaire en 2024. C'est un fait récent, qu'il est d'ailleurs le premier à confirmer."
Jérôme Cathala : "Ces questions sont légitimes, surtout en ces temps d'information en temps réel..."
Jean-Marie Charon, sociologue des médias : "Il faut toujours garder à l'esprit que dans la réception d'un programme, d'une information, il se passe quelque chose chez le téléspectateur qui n'est pas ce qu'on imagine. On imagine souvent que c'est le message qui va être déterminant. En réalité, les recherches sur la réception montrent qu'interviennent énormément le background des personnes en question : leur expérience personnelle, leurs a priori, leurs idées, ce qu'elles vivent à un moment donné, et qui vont faire que certaines informations vont complètement passer et que d'autres, au contraire, vont les choquer ou qu'ils vont les privilégier. Ce phénomène, on ne l'a pas toujours à l'esprit. Lorsqu'il disent par exemple que 'tous les invités sont de droite', il faudrait pouvoir aller plus loin avec ces personnes-là, repartir de ce qu'est leur propre ressenti et à partir de quoi elles vont s'exprimer comme ça."
Jérôme Cathala : "Quelle est la réponse de France Télévisions ?"
Pascal Doucet-Bon : "Le monde a changé et je ne suis pas tout à fait sûr que, dans nos rédactions, tout le monde ait bien conscience qu'effectivement, les compétences du public et l'exigence qui va avec ne sont plus celles d'il y a quelques années. Elles sont supérieures, accompagnées de plus d'attentes. C'est à nous de nous mettre au diapason. Le public a aussi une plus grande capacité à connaître les positions passées de tel ou tel invité, sur les réseaux sociaux ou sur le web, exactement comme nos programmateurs d'invités. Voilà pour le contexte. En ce qui concerne l'action, elle commence comme souvent par une charte."
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Jérôme Cathala : "L'information majeure de cette charte tient en une phrase :'
Dès qu'un engagement politique, syndical ou un lien d'intérêt économique est susceptible d'impacter le contenu de l'intervention, les modalités de présentation des spécialistes, des experts et témoins doivent être suffisamment transparentes pour les téléspectateurs.
France TélévisionsCharte de transparence concernant les engagements des invités dans les reportages et sur les plateaux de France Télévisions
Jérôme Cathala : "Quand on voit ça, on se dit que c'est quand même un travail de bénédictin..."
Pascal Doucet-Bon : "Non, je pense que ce n'est pas un si gros travail. Nous avons les moyens de le faire. Les invités ont une empreinte numérique, se présentent eux-mêmes sur le site de leur employeur, sur leur propre site, sur leurs comptes de réseaux sociaux. Donc ça n'est pas un travail de grande investigation que de vérifier cette empreinte. Parfois, il faut creuser un petit peu plus, mais ce n'est pas du tout impossible. En tous cas, c'est indispensable."
Jérôme Cathala : "Comment décide-t-on ce qu'il faut dire aux téléspectateurs ? A propos des engagements passés, par exemple, il n'est pas évident qu'il faille absolument tout révéler au public."
Pascal Doucet-Bon : "La charte évite d'imposer un carcan aux équipes éditoriales. Il faut qu'elles aient une liberté d'appréciation."
Le texte parle d'engagements politiques ou de liens d'intérêt avec le groupe France Télévisions susceptibles d'impacter la conversation qui a lieu. C'est cet impact sur la conversation qui doit être évalué par l'équipe éditoriale.
Pascal Doucet-BonDirecteur délégué de l'information de France Télévisions
"Par exemple, nous avons reçu, au journal de 20 heures, il y a quelques jours, la rabbin Delphine Horvilleur. Elle a été, il y a près de 30 ans, journaliste à France Télévisions. Elle couvrait les affaires de santé. Fallait-il le dire, pas le dire ? Elle venait parler de l'antisémitisme en France. Son travail passé à France Télévisions est très ancien. Elle n'était pas rabbin à ce moment-là. Nous avons choisi, en conscience, de ne pas le dire à l'antenne. Nous l'avons indiqué dans nosSources, sous le replay du journal de 20H et sous le replay de l'interview elle-même. Ce choix peut se discuter. Quant aux engagements politiques anciens, faut-il les signaler systématiquement ? Chacun a le droit de changer d'avis dans la vie."
Jérôme Cathala : "Comment cette charte et ses obligations ont-elles été reçues à franceinfo ?"
Romain Messy, directeur de la rédaction de franceinfo (télévision) : "C'est un changement de culture par rapport à la manière dont on travaillait sur les invités auparavant. Aujourd'hui, présenter un invité comme étant spécialiste du Proche-Orient ou simple économiste, ça ne suffit plus. Avant, cela servait à avoir un "totem d'expertise", mais on sait qu'il y a autant d'économistes que de visions différentes sur la réforme des retraites, par exemple, ou qu'il y a autant de spécialistes du Proche-Orient que de positions sur la politique israélienne et la question palestinienne. Donc il est très important, à travers leurs engagements passés, leurs bibliographies, leur parcours, de qualifier nos invités. Nous recevons sur France Info le prix Nobel d'économie, Philippe Aghion. Il est prix Nobel d'économie, donc son expertise n'est pas à remettre en question. En revanche, il nous faut rappeler systématiquement qu'il a été engagé auprès d'Emmanuel Macron en 2017 dans la rédaction de son programme économique, même s'il en est depuis revenu et qu'il en parle très souvent. Cela explique en partie sa pensée économique, ses positions sur la question du budget, sur la réforme des retraites... Si nous ne donnions pas ces informations, cela nous serait légitimement reproché."
Retrouvez le replay intégral de "Votre télé et vous" :
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