Témoignage "C'était 18 mois d'esclavage" : un Marseillais de 102 ans, envoyé travailler de force en Allemagne par le régime de Vichy, demande réparation à l'Etat français

Article rédigé par franceinfo - Yvan Plantey
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Albert Corrieri est l'un des milliers de Français victimes du STO, le Service de travail obligatoire imposé par le régime de Vichy. Le voici chez lui, à Marseille, en février 2025. (YVAN PLANTEY / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)
Albert Corrieri est l'un des milliers de Français victimes du STO, le Service de travail obligatoire imposé par le régime de Vichy. Le voici chez lui, à Marseille, en février 2025. (YVAN PLANTEY / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

Albert Corrieri est l'un des milliers de Français victimes du STO, le Service de travail obligatoire imposé par le régime de Vichy, dans des camps dans l'Allemagne nazie. Il réclame aujourd'hui 43 200 euros d'indemnités à l'Etat français.

Il est l'une des 600 000 à 650 000 victimes du Service de travail Obligatoire, le STO imposé par le régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. Quatre-vingts ans après, ce Marseillais, qui était d'ailleurs le doyen des porteurs de la flamme olympique, demande réparation. Albert Corrieri, 102 ans, sera mardi 25 février devant le tribunal administratif de Marseille. Cet homme, qui a été raflé en 1943 et déporté pendant 25 longs mois dans des camps de travail en Allemagne, réclame 43 200 euros d'indemnités à l'Etat français. Mais il veut surtout que l'on reconnaisse le préjudice qu'il a subi, comme il le raconte à franceinfo.

Albert Corrieri nous reçoit chez lui, dans le 15e arrondissement de Marseille. Il sort deux classeurs, très épais, dans lesquels toute son histoire est consignée. "Je raconte les huit fois où j'ai failli y passer", dit-il. Mais le centenaire n'en a pas besoin : son œil est vif et sa mémoire intacte.

"Douze heures de boulot tous les jours, sans arrêt"

"L'histoire commence vraiment le 13 mars 1943." Sur le Vieux-port, il travaille alors dans un restaurant quand les Allemands lui prennent ses papiers. "On me dit : 'Vous allez traverser la rue et monter dans le train.' Quand il était plein, on est partis et on est arrivés à Ludwigshafen. On a été parqués dans des baraquements", détaille Albert Corrieri. C'est ici, dans le camp 6 de Ludwigshafen, une ville située entre Francfort et Stuttgart, qu'il va vivre un enfer. Et qu'il sera blessé au bras dans un bombardement.

"Je chargeais du charbon avec une pelle tous les jours, 12 heures de boulot tous les jours, sans arrêt. On a morflé, c'était 18 mois d'esclavage. Ensuite, un bombardement a duré six heures, et on est partis à Leimen [au sud-est de Ludwigshafen]. Là-bas, c'était bien", se souvient-il.

Le livret de prisonnier, un passeport pour les étrangers qui travaillaient dans les camps du STO, le Service du travail obligatoire en Allemagne nazie, pendant la Seconde Guerre mondiale. (YVAN PLANTEY / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)
Le livret de prisonnier, un passeport pour les étrangers qui travaillaient dans les camps du STO, le Service du travail obligatoire en Allemagne nazie, pendant la Seconde Guerre mondiale. (YVAN PLANTEY / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

Albert Corrieri réclame une indemnisation uniquement sur ses 18 premiers mois de travail forcé. Il a d'abord commencé ses démarches au siècle dernier, puis abandonné avant de repartir au combat en juin dernier. "En 1955, je me suis lancé. J'ai écrit partout, mais je n'ai eu aucune réponse. Ce n'est pas possible, on m'a forcé à travailler dans un pays ennemi. Il me manque deux ans de jeunesse, et malheureusement aujourd'hui, il ne me manque plus que l'argent. Ce n'est pas de l'argent volé, mais de l'argent gagné, pour lequel j'ai sué". 

Le mois dernier, le tribunal administratif de Nice a rejeté une requête similaire, celle d'un travailleur également victime du STO. D'après le juge, la demande de réparation est prescrite depuis 1955. Mais Albert Corrieri n'en a cure, il a attendu cette décision toute sa vie. "Si elle se déclare bonne, tant mieux pour moi, et je dirai 'vive la France'. Sinon, je ne dirai pas 'à bas la France', ça jamais, mais je dirais : 'Honte à la France'". 

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.