Interdiction des téléphones portables en prison : la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté juge la mesure "peu réaliste"

Le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, a annoncé fin décembre vouloir mettre en place des opérations "place nette" en prison pour saisir des téléphones.

Article rédigé par franceinfo
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Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, en octobre 202, à Paris. (BERTRAND GUAY / AFP)
Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, en octobre 202, à Paris. (BERTRAND GUAY / AFP)

L'interdiction "générale et absolue" des téléphones portables en prison est "peu réaliste", juge la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté Dominique Simonnot, dans un avis publié  mercredi 19 février au Journal officiel. "C'est comme le cannabis, si les détenus ne fumaient pas, je me demande comment ça se passerait", poursuit la contrôleuse générale.  Le ministre de la Justice Gérald Darmanin annonçait fin décembre vouloir "nettoyer les prisons" pour éviter d'avoir des "détenus qui ont des téléphones portables, qui continuent leur trafic, gèrent leur point de deal ou commandent des assassinats de leur prison"

"Tous les directeurs de prison vous le diront, la bataille est perdue, et les saisies sont prudentes et parcimonieuses" pour éviter un embrasement, assure sur France Inter Dominique Simonnot, qui recommande d'élargir les conditions d'accès des détenus à un téléphone, estimant que les conditions actuelles engendrent "une série de discriminations infligées aux personnes détenues". Une assertion contredite sur franceinfo par Joaquim Pueyo, actuel maire d'Alençon et ancien directeur des prisons de Fleury-Mérogis et de Fresnes, qui parle de "grosse erreur".

Le constat de Dominique Simmonot est en revanche confirmé par un détenu, qui raconte mercredi sur France Inter que leur usage est "toléré" à l'intérieur de la prison où il se trouve : "Quand on voit que Darmanin veut sévir [...] ça nous fait rire", assure-t-il. Selon ce détenu, "la plupart" des téléphones mobiles sont ramenés par les surveillants eux-mêmes. 

"L’accès au téléphone doit être garanti aux personnes détenues"

Elle déplore notamment "la fracture numérique entre les milieux libre et fermé", ainsi que "le retard persistant que subissent les personnes incarcérées dans l'accès à la technologie et à l’autonomie". Elle affirme également avoir constaté que certains détenus "souffrent d’un accès limité" à un téléphone, "ce qui porte atteinte à leur droit au maintien des liens avec l’extérieur et est susceptible d’entraver l’exercice de leurs droits de la défense".

"L’accès au téléphone doit être garanti aux personnes détenues, à tout moment et quel que soit leur régime de détention", à la seule condition que leurs conversations soient surveillées, estime ainsi la Contrôleuse général des lieux de privation de liberté. Elle ajoute par ailleurs que "des téléphones vendus" en prison "pourraient faire l'objet des mêmes contrôles et écoutes que les points-phone aujourd'hui". "Je ne suis pas du tout contre que l'on brouille les portables des gros trafiquants", précise-t-elle sur France Inter.

"Le vrai scandale est dans la surpopulation" pas dans "les activités ludiques"

Dominique Simmonot recommande même directement d'autoriser certains détenus, notamment en milieu semi-fermé ou en quartier de préparation à la sortie, à disposer d'un téléphone portable en cellule. Elle remarque par ailleurs que dans les quartiers de semi-liberté où c'est déjà le cas, "aucune tendance à l’accroissement des trafics ou de l’insécurité n’est constatée".

La contrôleure générale des lieux de privation de liberté a également été interrogée sur France Inter au sujet des déclarations du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, qui veut interdire toutes les "activités ludiques" en prison, après une polémique sur des soins du visage enseignés par une école d'esthéticiennes à des détenus à la maison d'arrêt de Toulouse-Seysses. "Je trouve qu'il a eu tort de s'exprimer là-dessus de cette façon", déplore Dominique Simonnot. "Est-ce que vous croyez qu'une demi-heure par jour de distraction va ruiner une réinsertion qui de toute façon est mise à mal ? La prison où ont eu lieu ces 'massages' est surpeuplée à 218%, ils sont trois par cellule, les cafards dévorent les fils du téléphone. Je pense que le vrai scandale est dans la surpopulation et non pas dans des activités plus ou moins ludiques".

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