Agression d'un rabbin à Orléans : "Il faut se demander quels sont les récits dont on nourrit toute une jeunesse pour qu'elle se croie héroïque à frapper un autre", estime Delphine Horvilleur

La rabbin et philosophe réagit mardi sur France Inter après l'agression du rabbin d'Orléans. Le jeune homme qui a porté les coups sera jugé en avril.

Article rédigé par franceinfo
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La rabbin et philosophe Delphine Horvilleur, le 25 mars sur France Inter. (FRANCE INTER / RADIOFRANCE)
La rabbin et philosophe Delphine Horvilleur, le 25 mars sur France Inter. (FRANCE INTER / RADIOFRANCE)

"Il faut se demander quels sont les récits dont on nourrit toute une population ou toute une jeunesse pour qu'elle se croie héroïque à frapper un autre", estime mardi 25 mars sur France Inter la rabbin et philosophe Delphine Horvilleur, après l'agression d'un rabbin samedi à Orléans, sous les yeux de son fils.

Un jeune homme de 16 ans sera jugé en avril prochain devant un tribunal pour enfants pour avoir insulté, frappé, mordu ce rabbin, tout en filmant la scène. Delphine Horvilleur se demande "quelle histoire on a pu raconter à ce jeune homme pour qu'il en arrive là". Elle dénonce des "récits qui nous assassinent", "des récits et des mots qui font de nous des salopards", disant "perdre les mots" face à la situation actuelle.

Marche contre le racisme

"On voit bien qu'on est tous bien en peine pour parler de la violence, de ce qui nous arrive. J'ai beaucoup pensé ces derniers jours au petit garçon, ce fils du rabbin, et à ce dont il a été témoin et je me suis demandé quel effet cela allait avoir sur lui", ajoute-t-elle, en écho à son livre Comment parler de la mort aux enfants (Grasset), à paraître le 2 avril.

La philosophe explique qu'elle n'a pas souhaité se rendre à la marche du samedi 22 mars contre le racisme. "Beaucoup de gens cherchent désespérément à nous diviser, racontent des histoires qui nous divisent. On a l'impression qu'aujourd'hui, une partie du combat antiraciste est instrumentalisée par des gens qui cherchent à y faire monter d'autres haines", déplore-t-elle. "Je m'interroge sur ce qui fait que personnellement, je n'aurais pas pu prendre part à la manifestation de samedi dernier, je ne m'y serai pas sentie en sécurité et je pense que mes enfants n'y auraient pas été en sécurité", indique-t-elle, déplorant une marche dans laquelle "les gens ne s'interrogent pas sur ce qui fait qu'on peut marcher contre le racisme après avoir publié des affiches aux relents clairement antisémites", en référence à l'affiche de Cyril Hanouna créée par La France insoumise et vivement critiquée.

Méfiance à propos de l'extrême droite

"Je ne connais plus dans ma synagogue de gens qui n'ont pas d'histoires à raconter, qui n'ont pas vécu, par l'intermédiaire de leurs enfants ou eux-mêmes, une situation d'antisémitisme, de micro ou macro-agression. Et c'est compliqué d'en parler, parce qu'on vous accuse de vous victimiser", poursuit Delphine Horvilleur.

Alors que le président du Rassemblement national Jordan Bardella et sa collègue eurodéputée Marion Maréchal se rendent mardi en Israël, sur invitation du gouvernement israélien, la philosophe souligne que "c'est la stratégie de l'extrême droite de suggérer qu'elle défend les juifs, c'est toujours une forme de stratégie". "Je me méfie des gens qui divisent. Parfois ils divisent contre vous et parfois ils divisent sur votre dos mais la stratégie reste toujours la même donc il faut avoir une certaine lucidité vis-à-vis de tous les discours politiques, où qu'ils se trouvent, qui construisent sur la haine", conclut-elle.

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