"C'est un cri de détresse, un SOS" : à l'hôpital d'Hirson, dans l'Aisne, des médecins étrangers en grève de la faim pour dénoncer leur précarité
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Plusieurs centaines de médecins diplômés hors de l'Union européenne ont entamé mercredi une grève de la faim pour protester contre leur statut précaire et réclamer leur régularisation, alors qu'ils permettent au système hospitalier français de subsister face aux déserts médicaux.
Sur leurs blouses blanches, ils ont enfilé un brassard rouge avec les mots "en grève". Dans le service de gériatrie de l'hôpital Charles Brisset, à Hirson (Aisne), Karim Fatnassi a cessé de s'alimenter, mercredi 5 mars, pour dénoncer le "système hospitalier qui nous écrase et nous donne des contrats précaires pour faire tourner ses services". Ce médecin algérien de 50 ans a commencé à travailler dans les hôpitaux français en décembre 2020, au beau milieu du deuxième confinement. Depuis, il "enchaîne les CDD de six mois". "A chaque fois qu'un contrat se termine, j'ai toujours la trouille", confie-t-il.
Comme lui, plus de 300 praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) exerçant en France entament une grève de la faim, selon une estimation de l'Ipadecc, l'association de défense de ces médecins étrangers. Ce mouvement de protestation doit durer trois jours, avant une manifestation prévue samedi et dimanche devant le ministère de la Santé. Ils dénoncent la précarité de leur statut et les "iniquités" du concours qui leur permet d'acquérir une équivalence pour exercer la médecine en France.
Un statut précaire et un "stress énorme"
A leur arrivée, ces médecins diplômés hors de l'UE doivent passer des épreuves de vérification des connaissances (EVC). Sauf que lors de la dernière session, sur 4 000 postes ouverts, seuls 3 800 ont finalement été attribués, selon le ministère de la Santé. "Des gens ont été recalés alors qu'ils ont obtenu plus que la moyenne", s'indigne Abdelhalim Bensaïdi, vice-président de l'Ipadecc et diabétologue à l'hôpital de Nanterre depuis plus de six ans, qui dénonce une décision "arbitraire".
Pourtant, en janvier 2024, l'ancien Premier ministre Gabriel Attal et le président de la République avaient promis la "régularisation" des milliers de médecins étrangers pour lutter contre les déserts médicaux. Mais plus d'un an a passé et rien n'a changé, au grand dam de ces praticiens devenus indispensables au fonctionnement d'un secteur en sous-effectif chronique. Après une manifestation en février, une lettre adressée à Emmanuel Macron et une dernière réunion au ministère de la Santé mardi, ces praticiens estiment avoir "utilisé tous les moyens, tous les recours", avance Abdelhalim Bensaïdi.
"On est vraiment au bord du burn out", abonde Karim Fatnassi, qui touche un salaire équivalent à celui d'un interne français, malgré 18 années de pratique de la médecine générale dans son cabinet à Oran, la deuxième ville d'Algérie. "Mon chef de service me laisse faire, me trouve très autonome", assure le praticien. "A l'été 2023, alors qu'on manquait cruellement de médecins, j'étais tout seul pour tout notre service et je comblais les trous de plannings aux urgences." Malgré ces responsabilités, seules des gardes et des astreintes le week-end lui permettent de gagner 2 200 euros net chaque mois.
"J'ai un enfant de 6 ans à nourrir, j'ai du mal à boucler les fins de mois."
Karim Fatnassi, médecin algérienà franceinfo
A ses côtés, Edgard Tohoukpo, venu du Bénin en juin, a également cessé de s'alimenter. Avec 1 600 euros net, le praticien se rend à la préfecture tous les six mois pour renouveler son titre de séjour, "ce qui engendre un stress énorme". "Aujourd'hui, nous sommes à bout de force, lâche-t-il. Nous voulons être régularisés pour avoir notre tête pleinement au travail, sans stress et soigner ces populations qui ont besoin de médecins. C'est un cri de désespoir, un SOS. On a fait tout ce qu'on pouvait faire jusqu'à présent, mais rien n'a avancé".
"Je suis tombé amoureux de cette campagne"
Face à cette détresse, la direction de l'hôpital d'Hirson a décidé d'apporter son soutien à ses trois médecins étrangers, "essentiels pour faire face à la pénurie de médecins diplômés en France et aux déserts médicaux". Dans un communiqué publié sur sa page Facebook, l'établissement de cette commune de plus de 8 000 habitants rappelle que "ces praticiens font partie des forces vives de tous les hôpitaux et, sans leur investissement, ils ne seraient pas en mesure d'assurer leurs missions d'hôpital de proximité et de soins à la population".
Ce manque de médecins, Karim Fatnassi le constate tous les jours. "Je reçois beaucoup de patients qui n'ont pas de médecins traitants, qui viennent aux urgences pour renouveler un traitement". Il faut dire qu'Hirson, située entre le Nord et les Ardennes, fait partie des 32% des communes les moins bien dotées en médecins généralistes, selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). En outre, sa population vieillit, avec près de 30% des habitants âgés de plus de 60 ans, relève l'Insee. Avec l'âge, les patients doivent se rendre plus fréquemment chez le médecin pour suivre des pathologies spécifiques ou renouveler des ordonnances, par exemple.
Dans une étude parue en novembre, l'Insee dévoilait que les jeunes praticiens s'installent dans leur lieu de naissance ou à moins de 50 km de leur université d'internat, une fois leur diplôme obtenu. Or, Hirson se trouve à 80 km de l'université de médecine la plus proche, située à Reims (Marne), dans la région voisine du Grand Est. Karim Fatnassi et Edgard Tohounkpo, eux, ont choisi de s'établir à des milliers de kilomètres de leur pays. "Je suis tombé amoureux de cette campagne et je suis très heureux d'y travailler. Si je fais cette grève de la faim, c'est pour rester !", assure le quinquagénaire algérien. "J'aime la médecine et je me dis que je dois être là où le besoin se fait sentir, abonde son confrère béninois. J'aimerais m'installer ici, mais j'ai un contrat trop précaire pour le faire."
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