Fin de vie : "Dès qu'on touche à l'intime, il y a de grands blocages", analyse Jean Viard
Alors que les députés s'apprêtent à étudier en séance deux textes très attendus sur la fin de vie, le sociologue Jean Viard revient sur la difficulté de légiférer sur ce type de sujets en France.
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Ce sont des textes aussi attendus que sensibles. À partir de lundi 12 mai, les députés débattront dans l'hémicycle de deux propositions de loi sur la fin de vie : l'une sur le renforcement des soins palliatifs, assez consensuelle, l'autre sur la possibilité d'une aide à mourir pour les patients, "souffrant d'une affection grave et incurable".
franceinfo : C'est un débat qui dure depuis longtemps, le texte a été repoussé à plusieurs reprises. Pourquoi c'est si difficile en France de légiférer sur le sujet ?
C'est difficile de répondre à cette question. Dès qu'on touche à l'intime, aux mœurs, on voit bien qu'en France, il y a des très grands blocages, y compris chez les élus, dans la haute administration, dans tous ces milieux-là, relativement conservateurs, parfois influencés par les Eglises aussi. Cela entraîne aussi une question : qui est propriétaire de ma vie ? Est-ce que ma vie m'appartient ou est-ce qu'elle appartient à l'État ? Il y a un peu aussi cette idée-là, au fond, dans une société aussi verticale que la nôtre.
En Belgique, j'ai connu des gens qui choisissent cette fin de vie. C'est très encadré. Cela rentre dans les mœurs dans ce pays et au fond, ça fonctionne relativement bien. Je pense qu'on va y venir, mais je sens bien qu'il y a un freinage. Il y a aussi un refus du corps médical qui est certainement assez conservateur. Il y a toutes ces raisons qui jouent.
L'opinion publique semble elle en attente de cette loi, plus de neuf Français sur dix se déclarent favorables à l'euthanasie lorsque le patient le demande. Est-ce que ces blocages reflètent vraiment l'état de la société ?
Non, je pense qu'ils ne la reflètent pas, je pense. La population est beaucoup plus favorable parce que chacun réfléchit pour lui-même, et c'est peut-être un peu plus facile que quand on prend une décision pour les autres. Par ailleurs, il y a eu de nombreuses situations de personnes qui, depuis dix ou vingt ans, n'ont plus de signe de vie, mais ne sont pas vraiment mortes. Tout cela nous donne profondément l'envie de considérer ça comme une liberté.
Certains procèdent déjà à des euthanasies clandestines avec des produits illégaux en France, d'autres vont à l'étranger, en Belgique ou en Suisse. Est-ce qu'à ce titre, on peut faire un rapprochement, par exemple, avec les débats sur l'IVG à l'époque ?
C'est la même chose, c'est le même type de blocage. Le combat de Simone Veill s'est appuyé sur la gauche, alors que la majorité était de droite. En ce moment, il faut dire que la gauche est beaucoup plus faible. Cette idée de la liberté de choisir ce qui arrive à son corps est plutôt porté par des gens qui viennent de la gauche, et en ce moment, ils sont très faibles, donc le rapport de force est moins favorable.
Des médecins s'opposent aussi à l'aide active à mourir, ils disent que ce n'est pas leur rôle, est-ce que donner la mort peut être un acte de soins ?
Oui, c'est ce que je pense. Il faut aussi dire que la vie s'est beaucoup allongée. Avant, on mourrait autour de 65 ans, aujourd'hui, on meurt entre 80 et 90 ans. Donc forcément, il y a toute une évolution vers un vieillissement qui n'est plus le même. Il y a effectivement des gens qui se voient vraiment se réduire et donc c'est tout ça qui entraîne une évolution profonde de la société. Je pense que les médecins, petit à petit, vont devoir s'adapter. Je pense que soigner c'est accompagner le désir de son patient aussi.
Mais aujourd'hui, seul un tiers des patients qui en auraient besoin ont accès à des soins palliatifs. C'est aussi l'un des gros sujets de ce débat ?
Jean Viard : Oui, parce que les soins palliatifs, c'est compliqué, il y a plein d'endroits où il n'y a pas les moyens. Quand c'est bien fait, ça coûte relativement cher et c'est très bien, car souvent les gens retrouvent un dernier feu parce qu'ils sont bien traités, ils ne finissent pas en s'effondrant. C'est vrai que ça coûte cher, mais ce n'est pas normal qu'il n'y ait pas d'égalité sur cette question sur l'ensemble du territoire, et on connaît bien la crise de la médecine.
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