L'économiste Gabriel Zucman, "plombier de la justice sociale"
Le Premier ministre a présenté mardi 15 juillet ses pistes pour réduire le déficit public. Mais il refuse d'envisager la taxe Zucman, qui propose de taxer les plus riches à 2%. Son auteur, l'économiste Gabriel Zucman, a fait de la justice fiscale son cheval de bataille.
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"La France est un paradis fiscal pour les ultrariches" : ce genre de déclarations impactantes constitue la marque de fabrique de Gabriel Zucman. L'économiste, habitué des plateaux télés, fait dans la simplicité : des mots compréhensibles, des phrases percutantes et imagées comme quand il fait sienne la métaphore de la prix Nobel d’économie Esther Duflo. Il se décrit comme "un plombier de la justice sociale". L'évasion fiscale est la fuite, il propose une solution : taxer le patrimoine des ultrariches à 2%, pour "s'assurer que chaque année les milliardaires, les centimillionnaires, ne paient pas moins de taxes que leurs secrétaires et que leurs chauffeurs."
Qu'est-ce qui pousse un jeune Parisien travaillant dans la finance, issu d’une famille aisée, fils de médecins, à faire son combat de la lutte contre l'injustice fiscale ? C'est sa première journée dans le monde du travail, qui coïncide avec la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, en 2008. Gabriel Zucman a alors une vingtaine d'années. Il vient de commencer son stage dans une société d'investissement et ce séisme dans la finance le décide à faire sa thèse sur la répartition des fortunes dans le monde. Il y explique que 8% de la richesse mondiale sont détenus offshore.
"J'ai commencé à regarder des statistiques macro-économiques sur les flux d'investissement internationaux, raconte Gabriel Zucman. On voit des centaines de milliards de dollars qui passent dans les Îles Caïmans, les Bermudes, Singapour, le Luxembourg..."
"Je voulais comprendre ce qui est légal, ce qui est illégal, quelles sont les conséquences pour la stabilité ou l'instabilité financière. Ou pour les inégalités : est-ce qu'on sous-estime l'évolution des inégalités, ou pour l'évasion fiscale. C'est ça qui a été le moteur."
Gabriel Zucman
Aux Etats-Unis, où il enseigne à l'université de Berkeley, ses théories, jugées trop à gauche, sont critiquées par certains. Mais il obtient aussi le respect et la reconnaissance de ses pairs en décrochant notamment la médaille John Bates Clark, prestigieuse récompense généralement décernée à des économistes américains. Des membres du Parti démocrate s'inspirent de ses théories et il prodigue ses conseils à Elizabeth Warren et Bernie Sanders. Gabriel Zucman affirme que les opinions publiques à travers le monde soutiennent son point de vue. Pourtant les Américains ont élu un milliardaire...
En France, la taxe Zucman fait débat
Une proposition de loi portant son nom est présentée à l’Assemblée nationale par les députés Eva Sas et Clémentine Autain, au nom de l’égalité devant l'impôt. "Les Français paient en moyenne, en proportion de leurs revenus, 50% d'impôts et de prélèvements, tout compris ; quand les milliardaires n'en acquittent que 27%, déclare Clémentine Autain à la tribune de l'Assemblée. C'est stupéfiant, c'est révoltant et c'est inacceptable."
Voté par l'Assemblée, le texte est bloqué par le Sénat et rejeté par le gouvernement. Sa porte-parole Sophie Primas justifie : "C'est non pour une raison très importante : dans la taxe Zucman, vous intégrez le patrimoine productif." Un argument fréquemment avancé par ses détracteurs, et notamment par Emmanuel Macron, est qu'une telle mesure n’a de sens que si elle est mise en place au niveau mondial. "Vous pensez que si la France seule met une taxe sur les patrimoines de plus de cent millions d'euros, les gens vont gentiment rester pour être taxés ?"
Un risque d'exil que l'économiste balaie d'un revers de la main : "Non, les grandes fortunes ne vont pas partir en masse si on les taxe un peu plus. L'exil fiscal existe, mais toutes les études disponibles montrent qu'il est quantitativement très faible."
Gabriel Zucman, 38 ans, maîtrise tous les codes de la communication moderne. Il interpelle le chef de l'Etat par vidéo sur les réseaux sociaux, fait de longues séries de messages sur X, comme cette semaine pour répondre à la ministre chargée des Comptes publics, et multiplie les publications pédagogiques pour défendre son projet. Celui qui est désormais directeur de l'Observatoire européen de la fiscalité se dit confiant. Il pense que la France sera pionnière et montrera la voie au reste du monde.
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