"Il considérait qu'avoir été dans la Résistance était la normalité" : l'hommage touchant de Marc Levy à son père
L’écrivain Marc Levy est l’invité exceptionnel du Monde d’Élodie toute cette semaine. L'écrivain français le plus lu dans le monde entier revient sur son parcours à travers cinq de ses ouvrages. Il vient de publier "Éteignez tout et la vie s'allume" aux Éditions Robert Laffont Versilio.
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Marc Levy est romancier depuis plus de 20 ans. Il est considéré comme l'écrivain français le plus lu dans le monde, avec plus de 50 millions d'exemplaires vendus, des traductions en 50 langues. Son succès a été immédiat après la parution de son premier roman, Et si c'était vrai…, en 2000. Celui-ci a été tel qu'il a démissionné du cabinet d'architecture dans lequel il travaillait, pour se consacrer pleinement à l'écriture. Il a continué à explorer les âmes humaines, les relations homme-femme, le couple, l'amour. Il y a eu Où es-tu ? en 2001, Sept jours pour une éternité... en 2003, Vous revoir en 2005, qui était d'ailleurs la suite de Et si c'était vrai..., Mes amis, mes amours en 2006. Marc Levy vient de publier Éteignez tout et la vie s'allume aux Éditions Robert Laffont Versilio.
franceinfo : En 2007, vous changez complètement de registre. Votre septième roman, Les Enfants de la liberté, est autobiographique. Vous décidez de raconter l'histoire de votre père et de votre oncle, tous deux Juifs résistants et membres de la brigade Marcel-Langer, du côté de Toulouse. Ce livre était-il un cri du cœur ?
Marc Levy : Non, ce n'était pas un cri du cœur. Je trouvais que l'histoire de cette brigade avait une résonance particulière dans les temps actuels. Pourquoi ? Parce que la brigade Marcel-Langer, c'est une brigade essentiellement composée de jeunes immigrés qui vont quasiment tous mourir en criant : "Vive la France !" avec un accent. Mon père ne nous avait jamais parlé de sa Résistance. Il ne voulait pas en parler. Il considérait qu'avoir été dans la Résistance était la normalité. Quand je lui poserai la question : mais pourquoi ne nous as-tu jamais rien raconté ? Il me répondra : "Mais qu'est-ce que tu voulais que je te raconte ?" Et je lui ai dit : moi, quand j'étais enfant, j'aurais voulu savoir que mon père était un héros, et il m'a regardé avec son sourire magnifique et m'a dit : "Non, non, la seule chose dont je veux que tu te souviennes plus tard, c'est que j'étais ton père". Quand j’arrive sur les bancs de l’école, je n’ai pas de grands-parents.
Je me dis : mais pourquoi je n’ai pas de grands-parents ? Évidemment, on me dit du bout des lèvres : "Parce qu’ils sont morts à Auschwitz". C’est difficile d’expliquer à un enfant de six ans qu’on a arrêté ses grands-parents, qu’on les a mis dans des chambres à gaz et qu’on a fait des abat-jours avec la peau du visage de votre grand-mère. Il y a un moment où on l’apprend. Il y a eu deux faits qui m’ont incité à écrire le roman. D'abord, il y a eu la mort de Claude et au moment de son enterrement dans la cour des Invalides, les quelques survivants de la brigade étaient là et c'étaient des personnes âgées. Quand elles se sont retrouvées, regardées, elles avaient des visages et des sourires d'enfant et je les ai trouvées magnifiques. Et en sortant de là, ma femme m'a dit : "Qu'est-ce que tu attends pour écrire le livre ? Est-ce que tu attends que ton père soit mort ? Parce que tu le regretteras".
"La génération d’aujourd’hui doit absolument faire le lien, non pas entre la barbarie du siècle précédent, mais avec la barbarie naissante qui est finalement toujours la même."
Marc Levyà franceinfo
Et puis, commençait en France à ce moment-là, un débat sur l'identité nationale qui avait été lancé sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Au moment où ce débat s'ouvre, je vois des tribuns à la télévision dont le discours m'horripile parce qu'ils me rappellent le même venin et la même détestation et haine que celles qui ont donné naissance non pas au nazisme, mais à la collaboration et au pétainisme. Et donc, je me suis dit : écoute, ça vaut le coup d'écrire une histoire.
À travers cet ouvrage, vous faites un éclairage sur l'après. Il y a ceux qui ont été massacrés, torturés, tués, ceux qui ont vu tout cela se passer sous leurs yeux dans l’indifférence presque générale et qui ont dû continuer à vivre.
Je me souviens d'une phrase de papa qui m'a vraiment marqué. Il m'avait dit : "Tu sais, la victoire, on l'a gagné longtemps après la guerre. Ils nous ont dépossédé de notre identité, ils nous ont arrêté, ils nous ont torturés, ils nous ont emprisonnés, ils ont exécuté la plupart d'entre nous, mais ceux qui ont survécus, on a aimé, on s’est mariés, on a eu des enfants. Et ça, c'est quelque chose d'absolument magnifique, parce que c'est ça la vraie victoire".
Les Enfants de la liberté vous a changé de statut, c'est-à-dire que vous êtes passé de statut d'écrivain de romans à celui de raconteur d'histoires vraies. Vous l'avez ressenti ?
Non. C’est marrant. Mon premier roman est une comédie romantique. Mon deuxième roman n’est pas du tout une comédie romantique, c’est vraiment un drame. Il se passe dans le monde de l’humanitaire, au Honduras, après l’arrivée d’un véritable ouragan qui à l’époque avait fait 17 000 morts. Ça n’a rien d’une comédie, mais tout le monde en a parlé en disant que s’en était une parce qu’une fois qu'on vous a mis dans un cadre, vous y rester. Alors, oui, j'ai toujours changé de genre.
"Au moment où j'écris mon septième roman, 'Les Enfants de la liberté', là, la famille littéraire se rend compte qu'il y a un changement de genre. Il est plus marquant. Donc, tout à coup, il y a un autre éclairage qui se porte sur mon travail."
Marc Levyà franceinfo
Ça vous a touché qu’on en prenne enfin conscience ?
Non, parce que je ne me suis jamais accordé d’importance en fait. Je fais un métier qui est magique, c’est-à-dire qu’à l’école sur mes bulletins, il y a marqué : "Élève rêveur" et cela me donnait de mauvaises notes. Aujourd’hui, j’en ai fait un métier. Et ce qui me fait plaisir, c’est que l’histoire des enfants de la liberté, je ne parle pas du livre que j’ai écrit, elle est lue dans les écoles, elle est au programme d’universités étrangères et je suis fou de bonheur d’avoir contribué à partager les valeurs portées par ces hommes et ces femmes.
Que gardez-vous de votre père et qu'est-ce qu'il vous a le plus transmis ?
L'humanité. Cette conscience que finalement la naissance et la vie, c'est une toute petite parcelle d'humanité qui vous est confiée et que le sens de la vie, c'est de la conserver jusqu'à la fin de sa vie. Et il suffit d'un court moment d'inattention pour perdre cette humanité.
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