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Reportage
"Les femelles vont pondre des œufs mais ils ne vont pas éclore" : à La Réunion, la lutte contre le chikungunya passe aussi par des lâchers de moustiques stériles
De la lutte antivectorielle jusqu’aux lâchers de moustiques stériles, la Réunion est le laboratoire de ce qui se jouera peut-être dans quelques années en métropole, où ce moustique source de plusieurs maladies se répand.
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Comment se débarrasser du moustique-tigre ? À la Réunion, alors que le pic de l'épidémie de chikungunya vient probablement d'être atteint cette semaine du lundi 14 au dimanche 20 avril, l'île met en place d'importants moyens contre ce vecteur de la maladie.
Sur les hauteurs de Saint-Denis-de-la-Réunion comme tous les jours, Olivier et Renaud, des agents de l'Agence régionale de santé, font du porte-à-porte pour sensibiliser les habitants. Ils font le tour du jardin de Nicolas et s'arrêtent devant un grand pot de fleurs. "On a découvert un gîte larvaire, c'est un gîte d'eau avec des larves de moustiques, donc on le retourne", explique l'un des deux agents.
L'équipe de lutte antivectorielle traque ces gîtes larvaires car les larves de moustiques se cachent partout et par milliers dans toutes ces eaux stagnantes. Un peu plus loin, Loïc accueille l'équipe dans la cour de sa maison. Son fils vient d'attraper le chikungunya. "Il avait très mal aux pieds et aux chevilles, raconte le père de famille. Donc il était vraiment très fatigué. Pourtant, c'est un enfant de 10 ans, très sportif, très dynamique, très actif, mais alors là, il était vraiment K.O."
Alors depuis, il fait très attention aux moustiques, il en suffit d'un seul infecté pour transmettre la maladie, chikungunya, dengue ou zika à tout le voisinage. "On ne mettait pas de prise à moustiques quand il l'a eu, explique Loïc. Mais comme il a trois frères et sœurs, on a vraiment fait ce qu'il fallait et être très efficace pour éradiquer le chikungunya en tout cas chez nous." Pour être sûre de se débarrasser des moustiques, l'équipe va pulvériser un traitement insecticide dans la cour. "On va mettre les oiseaux, les tortues à l'intérieur", indique Loïc.
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"On est un peu comme un arrosoir dans un feu de forêt"
Depuis le début de l'épidémie, l'Agence régionale de santé a doublé ses effectifs de lutte contre le moustique. "Avec les 170 agents, c'est tous les jours environ 180 zones d'intervention et plus de 1 000 maisons visitées par semaine. C'est plus de 500 maisons traitées à l'insecticide", développe Manuel Rodicq, responsable de la lutte antivectorielle.
Mais l'épidémie est généralisée désormais à toute l'île, et des moustiques, il y en a énormément à la Réunion, notamment depuis les fortes pluies du cyclone Garance. "On est un peu comme un arrosoir dans un feu de forêt, reconnaît Manuel Rodicq. Donc on doit recentrer nos actions sur des outils beaucoup plus stratégiques pour éviter les cas graves. Les cas graves, on les a repérés chez les nourrissons, les nouveau-nés ou les personnes âgées. Donc on va surtout aller vers les maternités, les crèches, les assistantes maternelles, les Ehpad."
Prévention, sensibilisation et démoustication, les moyens sont mis pour espérer gagner contre le moustique-tigre mais la lutte contre ce si petit, et si nombreux, ennemi est loin d'être gagnée. Si bien que la recherche elle aussi tente de réduire l'impact des moustiques-tigres avec le projet de lâcher des millions de moustiques stériles. Cela paraît fou, mais c'est bien ce qui va être tenté.
À l'insectarium de l'l'Institut de recherche pour le développement (IRD), il fait très chaud et humide dans ce préfabriqué. "Voici les cages d'élevage où vous avez dans chacune des cages 2 000 mâles et 6 000 femelles", explique Cécile Brengues qui se décrit en souriant comme leur maman. Elle élève ces moustiques-tigres depuis le stade de la larve. "Il y a 30 plateaux et chaque plateau contient 14 600 larves", indique-t-elle.
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Des moustiques stérilisés grâce à des rayons X
Son équipe ne gardera que les mâles. Ils vont être stérilisés, grâce à un irradiateur à rayons X. "Le même que les établissements de sang français où ont stérilisé les poches de sang", explique Cécile Brengues. Ils seront aussi recouverts d'un produit biocide et relâchés dans la nature à partir du mois de juin. Le projet est financé par la France, la Région Réunion et des fonds européens. "Les femelles inséminées par du sperme stérile vont pondre des œufs mais qui ne vont pas éclore", explique-t-elle.
Les chercheurs de l'IRD associés au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) espèrent ainsi réduire de 80% la population de moustiques-tigres. "On va commencer d'abord pendant six mois à lâcher sur 60 hectares une fois par semaine, cela représente 60 000 mâles. Et si au bout de six mois, sur ces 60 hectares, on n'a absolument pas vu de problème environnemental, etc. On va passer à l'échelle supérieure et lâcher chaque semaine sur 175 hectares pendant 18 mois cette fois-ci." Ce seront donc 11 millions de moustiques mâles - qui ne piquent pas les humains car seules les femelles piquent - qui seront ainsi lâchés sur la commune de Saint-Joseph, dans le sud de l'île.
Mais Cécile Brengues ne se fait pas d'illusion : diminuer de 80% le nombre de moustiques est réalisable, mais les éradiquer "je ne crois pas. La bataille, à mon sens, est perdue d'avance. Quand vous voyez dans quoi ils peuvent pondre : par exemple, dans l'équivalent d'un dé à coudre vous pouvez avoir 200 ou 300 larves qui peuvent se développer là-dedans."
"Notre idée, c'est vraiment de les supprimer à une quantité acceptable et suffisamment basse pour qu'il n'y ait pas toutes ces épidémies."
Cécile Brengues, chercheuse à l'IRDà franceinfo
Les premiers résultats de ces lâchers seront connus d'ici la fin de l'année. Ses résultats scrutés aussi en métropole où les moustiques-tigres se répandent. En 2024, ils ont contaminé 83 personnes avec la dengue, et un avec le chikungunya.
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