"Il a toujours un temps d'avance" : comment Léon Marchand a mis à profit son exil pour revenir battre des records aux Mondiaux de Singapour

Depuis l’été dernier et les JO de Paris, Léon Marchand, propulsé au rang de star planétaire, n’a plus le même statut. On le mesure encore avec son exploit aux Mondiaux de Singapour, où il a battu mercredi le record du monde du 200m 4 nages. Qu'a-t-il fait pendant un an ?

Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Léon Marchand à la demi-finale du 200 mètres quatre nages, le 30 juillet 2025. (Bildbyran / Picture Alliance / DPPI via AFP)
Léon Marchand à la demi-finale du 200 mètres quatre nages, le 30 juillet 2025. (Bildbyran / Picture Alliance / DPPI via AFP)

Peu de doutes que Léon Marchand ne rafle son titre de champion du monde, jeudi 31 juillet, dans les bassins des Mondiaux de Singapour, après avoir battu, mercredi 30 juillet, en demi-finale, le record du monde du 200m 4 nages.

Lui-même le racontait à franceinfo en avril dernier, depuis les États-Unis où il vit : "J'ai été pris dans une tempête", disait-il pour décrire l'effervescence autour de lui. Après ses exploits de 2024, Léo Marchand est resté chez lui, à Toulouse, auprès de ses proches, avec à l'automne une tournée en Asie pour la Coupe du monde, avant de décider de fuir littéralement.

Se mettre dans une bulle après les JO

Il a posé ses valises au début de l'année en Australie, à Brisbane, aux antipodes de la France. Un long séjour de trois mois pour se mettre dans une bulle, comme il nous l'a expliqué il y a quelques jours à son arrivée à Singapour. "J'ai mis vachement de temps à assimiler ce que j'avais fait, mais ce n'est pas grave, dit-il, j'ai pris mon temps. Et le fait de voyager, de voir autre chose, le fait d'être au calme, m'a beaucoup aidé."  

"Je n'étais jamais seul, il y a toujours des gens autour. J'avais peur que ce soit trop."

Léon Marchand

à franceinfo

"C'est quelque chose que je ne contrôle pas. Ce que j'ai contrôlé, c'est de partir en Australie et d'être tranquille", conclut-il.

Et depuis avril, le nageur est installé au Texas, aux États-Unis, à Austin, la ville où il vit et où il s'entraîne, là encore, très loin. Et c'est tant mieux pour Philippe Lucas, l'entraîneur emblématique d'une certaine Laure Manaudou dans les années 2000. Elle avait aussi été propulsée star à son époque. "Je pense qu'on n'a pas saisi ce qu'a fait Marchand aux Jeux olympiques. C'est phénoménal, confie l'entraîneur. Il est dans sa bulle, là-bas, au Texas. Ce n'est pas comme en France où si tu veux aller au restaurant ou faire des courses, c'est compliqué. Il y a toujours les mecs qui sont là, derrière toi. J'imagine ce n'est pas pareil là-bas et tant mieux pour lui."

Le centre d'attention de la presse internationale

Il faut insister, Léon Marchand n'a que 23 ans. C'est plutôt un garçon réservé, mais il capte toute l'attention depuis un an. Une anecdote vaut d'ailleurs tous les discours. Samedi, à Singapour, à la veille des compétitions, Léon Marchand a donné une conférence de presse avec d'autres nageurs, dont des grands noms de ce sport. Or, toutes les questions des journalistes étrangers étaient pour le Français. À tel point que le modérateur a exigé qu'ils interrogent aussi les autres nageurs présents.

C'est dire que Léon Marchand a un statut qui dépasse sa personne. "Je ne m'imagine pas être à sa place puisque ça doit être vraiment dur", reconnaît même le capitaine de l'équipe de France, Damien Joly.

"Je trouve que pour son âge, il a une maturité là-dessus et gère vraiment bien son statut."

Damien Joly, capitaine de l'équipe de France de natation

à franceinfo

"Il a beaucoup de pression sur les épaules, poursuit Damien Joly, parce que tout le monde attend un résultat de Léon après l'année dernière. Il a l'air détendu, il est là pour faire ses courses, il est concentré là-dessus et je pense qu'il va être très fort." Et fort, il faut l'être dans sa tête, pour maintenir un niveau vraiment aussi élevé un an après les Jeux olympiques.

Apprendre à dire non pour ne pas "saturer"

Cette nouvelle vie qui a démarré pour lui ne l'a pas pour autant transformé. D'après ses proches, il est resté lui-même. Mais quand vous devenez un personnage public, que les grandes marques vous courtisent pour votre image, forcément ça a un impact. Et voilà de quelle manière, insiste Léon Marchand. "J'ai appris à dire non, explique le champion. J'ai beaucoup de mal à dire non, mais après Paris, si je n'avais pas dit non, ça aurait été très compliqué, j'aurais été saturé justement." 

"J'ai appris à dire non, au fur et à mesure des mois. J'ai appris à m'affirmer, j'ai appris à m'écouter de plus en plus."

Léon Marchand

à franceinfo

Et s'affirmer, c'est aussi tenir tête à ses entraîneurs, comme lorsqu'il a décidé de partir en Australie. Il a imposé ce choix à Bob Bowman, son coach américain, pourtant habitué aux caractères bien trempés. Son formateur au club de Toulouse, qui est toujours à ses côtés, Nicolas Castel ne dit pas autre chose. "Léon, c'est quelqu'un qu'il faut suivre, dit-il. Parfois, c'est un petit peu difficile. C'est juste qu'il a toujours un temps d'avance sur les autres. Il a une forme d'intuition, beaucoup de choses à son appréciation. Il sent les choses. Lorsqu'il ne les sent pas, il ne fait pas les choses, lorsqu'il les sent, il y va à fond. Ce qu'il aime bien quand même, c'est qu'on lui donne son point de vue, mais après c'est quand même lui qui prend la décision."

L'œil attentif de la Fédération française pour le protéger

Et s'il continue à gagner des titres, le phénomène Marchand n'est pas près de disparaître. D'où l'enjeu aussi de le protéger de toute pression et exposition excessive. À la Fédération française de natation, on garde un œil attentif. C'est le rôle notamment de Denis Auguin, le directeur technique national. "Il y a des jours où ce sera toujours formidable et puis un jour, ce sera un peu moins formidable, décrit-il. Et ça, il faut l'accepter. Le sport de haut niveau, c'est comme ça. Tous les grands champions ont eu des moments plus compliqués, mais l'idée, c'est de faire en sorte évidemment qu'il dure et qu'il soit heureux dans ce qu'il fait. Tant que ça l'amuse, tout ira bien. Le jour où il s'amusera un peu moins, ce sera plus compliqué."

L'enjeu - et pas des moindres - est désormais d'amener Léon Marchand à de nouvelles médailles aux JO de Los Angeles, dans trois ans. Dans toute l'histoire, aucun nageur français n'a réussi à conserver son titre olympique.

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