"Éteins ton smartphone, le monde s'allume" : une consultation unique dans le Loiret pour combattre l'addiction des ados aux écrans

Les ados sont accros aux écrans et cette dépendance peut entraîner de lourdes conséquences. Alors que la commission TikTok, créée pour examiner l'effet psychologique des réseaux sociaux sur les mineurs, rend ses conclusions, franceinfo vous fait découvrir un dispositif actuellement unique en France.

Article rédigé par Marina Cabiten
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une adolescente surfant sur les réseaux sociaux (photo d'illustration). (PATRICE MASANTE / MAXPPP)
Une adolescente surfant sur les réseaux sociaux (photo d'illustration). (PATRICE MASANTE / MAXPPP)

La consultation "Addiction Ados Ecran" à l'hôpital public Georges Daumézon de Fleury-les-Aubrais, dans le Loiret, permet, depuis 2024, de lutter contre la surexposition des adolescents aux écrans. Une initiative unique, alors que la commission d’enquête parlementaire sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs recommande notamment, jeudi 11 septembre, l’interdiction des réseaux sociaux, hors messageries, aux moins de 15 ans et un "couvre-feu numérique" pour les 15-18 ans. Pour cette consultation addiction, les patients ont de 10 à 16 ans et leur dépendance aux réseaux sociaux a fait basculer leur vie et celle de leur famille. Dans une petite pièce, au calme, quatre fauteuils rouges sont disposés en cercle.

Au côté de la psychologue, un garçon de 15 ans; que nous appellerons Raphaël, se trouve avec ses parents. C'est leur deuxième séance et le sevrage porte ses fruits. "L'écran avant de dormir, je pense que c'était le plus dur et là, ça commence à diminuer grâce à la consultation", indique Raphaël. L'adolescent commence à aller mieux. "Il retourne à l'école, il se lève plus tôt", explique son père.

Raphaël revient de loin : dépression, violence, déscolarisation... Tout cela en quelques mois après avoir reçu son smartphone pour son entrée en sixième. Les réseaux sociaux, les jeux en ligne, il ne veut plus faire que cela, ne se lave plus, ne dort plus et ne mange plus normalement. "Au départ, on se dit que c'est un ado, on est dans l'action à essayer d'arranger les choses, d'interdire, de confisquer, de punir, , raconte sa mère. On a fait ces choses-là, mais au fur et à mesure du temps cela s'étiole avec la fatigue. Pour le bien-être de tous, celui des autres enfants, on se dit qu'on va arrêter parce qu'eux aussi ont le droit de vivre sereinement et d'aller à l'école."

Après une crise de violence aiguë, Raphaël passe une semaine en hôpital psychiatrique, mais il replonge dans son portable dès son retour chez lui.

Des séances en famille

Ces consultations se font obligatoirement en famille, car tout est à reconstruire y compris la confiance en eux de parents épuisés et perdus. "On a vu pas mal de personnes, des médecins en tout genre, des psychologues, c'était souvent de notre faute. On l'a mal vécu", raconte ému le père de Raphaël. "Cela remet tout en cause", ajoute sa femme. "C'est assez humiliant. Cela veut dire que l'on n'a pas bien fait notre boulot et qu'on a besoin de quelqu'un. Quand on ne peut plus l'aider, on a l'impression que c'est une petite partie de nous qui meurt."

Il n'y aura que deux ou trois rencontres avec la psychologue, le temps de mettre au clair la situation et d'instaurer le sevrage avec des règles simples. L'enjeu principal, c'est donc de convaincre l'ado explique Sabine Duflo, fondatrice du collectif surexposition écrans et psychologue de cette consultation.

"Je m'adresse à l'adolescent comme on peut s'adresser à un alcoolique ou quelqu'un qui se drogue."

Sabine Duflo, psychologue

franceinfo

"Je lui dis : il y a une partie de toi qui en a marre de ne pas dormir, de sentir ce sentiment d'isolement, de vide. Cette partie-là, je vais l'aider", explique-t-elle.

La première chose que fait aussi Sabine Duflo, en recevant un nouveau patient, c'est de consulter son smartphone pour voir le temps passé dessus, chaque semaine, appli par appli. "On a des moyennes de 8h30, avec des temps qui peuvent aller jusqu'à 15-16h le week-end, et 6h en semaine." Si TikTok est le réseau le plus utilisé, il y en a beaucoup d'autres, que les parents n'identifient pas toujours.

Une addiction différente entre filles et garçons

"Les jeunes filles sont plus en demande de reconnaissance sociale, de relation sociale, d'affection. Les garçons sont toujours plus dans la recherche ludique. Chez les garçons, on a une externalisation du mal-être et chez les filles, on a une internalisation de la violence. Cela met beaucoup plus de temps à être repéré. Cela s'exprime à travers des scarifications ou alors la prise de médicaments."

Sabine Duflo prépare elle-même les affiches placardées dans son bureau, comme celle qui dit "Éteins ton smartphone, le monde s'allume."

La psychologue raconte que, parfois, on a des "surprises incroyables". Un jeune, à qui elle avait demandé de ne plus utiliser son téléphone, se retrouve au lycée avec son téléphone "neuf touches" dans la cour. Ses camarades ont posé leur téléphone portable et ont sorti le jeu Uno. Ensuite, ils ont joué à chaque récréation. Elle espère, qu'un jour, sa consultation disparaîtra au profit d'une loi. Pour elle, il faut interdire les téléphones connectés jusqu'à la classe de seconde.

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