Interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, "couvre-feu numérique"... Ce que préconise le rapport de la commission d'enquête sur TikTok

Article rédigé par David Di Giacomo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Image d'illustration de l'application TikTok. (RAMON VAN FLYMEN / ANP MAG / AFP)
Image d'illustration de l'application TikTok. (RAMON VAN FLYMEN / ANP MAG / AFP)

La commission d'enquête parlementaire sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs fait 43 recommandations pour lutter contre "un réseau hors de contrôle à l'assaut de la jeunesse". franceinfo vous en dévoile le contenu.

L'interdiction des réseaux sociaux, hors messageries, aux moins de 15 ans et un "couvre-feu numérique" pour les 15-18 ans sont les principales recommandations de la commission d'enquête parlementaire sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, dont les conclusions sont publiées jeudi 11 septembre.

Le rapport, mené par les députés Arthur Delaporte (PS) et Laure Miller (EPR), a été adopté le 4 septembre, et est le fruit de 95 heures d'auditions. Il vise à une "sensibilisation massive" et une traduction rapide en "actes politiques" face aux "effets dévastateurs" de la plateforme sur la santé mentale des jeunes. Lancée en mars, la commission a auditionné pendant plusieurs mois des familles de victimes, responsables de réseaux sociaux et influenceurs pour décortiquer l'algorithme de TikTok.

TikTok, "un océan de trash"

Les conclusions de la commission sont sans appel : TikTok est "un océan de trash", "un réseau hors de contrôle à l'assaut de la jeunesse". "Les contenus néfastes pullulent et bénéficient d'une diffusion très large", dénonce la commission. Le "modèle économique et algorithmique" du réseau social est "construit pour capter l'attention à tout prix, notamment celle du jeune public", écrivent les députés.

L'algorithme de TikTok, propriété du groupe chinois ByteDance, ne se base pas sur ce que l'utilisateur aime, mais ce sur quoi il "reste le plus longtemps", ce qui aboutit à mettre en avant "les contenus les plus trash", notent encore les rapporteurs. "La motivation première de TikTok n'est pas le bien-être de ses utilisateurs, elle a pour finalité unique le profit", souligne dans le rapport la neurologue et neurophysiologiste, coprésidente de la commission d'experts sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans, Servane Mouton.

Les députés dressent 43 recommandations

Face à ce constat, "les responsables de TikTok ont préféré éviter de répondre aux questions", lors de leur audition, écrivent les députés. "Ces auditions ont cependant été éclairantes quant au déni entretenu par la plateforme sur l'ensemble des éléments problématiques mis en avant dans le rapport", ajoutent les parlementaires.

Les auditions des influenceurs, en juin, n'"ont pas apporté grand-chose sur le fond", jugent-ils, déplorant le "cynisme et la dangerosité de certains influenceurs face au laisser-aller des plateformes". Certains échanges ont été tendus, notamment celui avec l'influenceur Alex Hitchens, qui, le 10 juin, avait raccroché au nez des députés, alors qu'il était entendu par visioconférence.

Au terme de ces travaux, les députés ont dressé 43 recommandations pour "sortir nos enfants du piège TikTok". Ils proposent ainsi d'"interdire les réseaux sociaux, hors messageries", aux moins de 15 ans, à l'échelle nationale, d'"établir pour les 15-18 ans, un couvre-feu numérique de 22 heures à 8 heures pour les réseaux sociaux"

"Délit de négligence numérique"

Autre recommandation majeure : le rapport préconise une vaste campagne d'information sur les risques des réseaux sociaux, avec notamment l'inscription de formations adaptées pour les parents directement dans le carnet de santé de l'enfant, suivie de la création d'un "délit de négligence numérique" pour "les parents irresponsables".  

Enfin, la commission TikTok se penche sur l'école. Plusieurs recommandations visent l'Education nationale, tel que "pérenniser et généraliser le dispositif 'portable en pause' dans l'ensemble des établissements scolaires, interdire le téléphone dans les lycées" ou"opérer une décroissance digitale au sein de l'Éducation nationale".

TikTok "en désaccord avec ces conclusions"

"Nous sommes en désaccord avec les conclusions", répond le porte-parole de la plateforme à franceinfo, jeudi. "Ces conclusions de la commission pointent à tort TikTok sur des enjeux qui concernent l’ensemble du secteur. Nous avons pris des mesures de premier plan pour garantir que les comptes d’adolescents disposent par défaut de solides protections, avec plus de 50 fonctionnalités et paramètres spécifiquement conçus pour eux, afin de protéger notre communauté et notamment les plus jeunes", indique-t-il.

Le porte-parole liste notamment la limitation à 60 minutes d'utilisation du réseau social pour les mineurs, la désactivation de la messagerie pour les moins de 16 ans et sa coopération avec la Commission européenne. "Nous continuons d’ajouter régulièrement de nouvelles fonctionnalités pour mieux protéger les adolescents", assure le réseau social.

Une loi française sur la majorité numérique, adoptée à l'été 2023, exige déjà une autorisation parentale pour l'accès des moins de 15 ans aux réseaux sociaux, mais elle n'est jamais entrée en application jusqu'à présent faute de certitude sur sa conformité au droit européen. 

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