Service à la personne : "Nous avons besoin de recruter, de former des collaborateurs", déclare le PDG du groupe Oui Care

Guillaume Richard, PDG et fondateur du groupe Oui Care, spécialisé dans les services à domicile, explique que "92% des Français souhaitent vieillir chez eux".

Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Guillaume Richard, PDG du groupe Oui Care, le 8 mai 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Guillaume Richard, PDG du groupe Oui Care, le 8 mai 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Le secteur des services à la personne doit relever un défi majeur : le vieillissement de la population. Comment s'y prépare-t-il ? Guillaume Richard, PDG et fondateur du groupe Oui Care, apporte son éclairage sur le sujet. Son groupe comporte 16 marques, dont O2, France Présence, Silver Alliance ou Nounou Expert et regroupe plus de 20 000 collaborateurs et 130 000 clients.

Franceinfo : Serez-vous en mesure de répondre au défi du vieillissement de la population ?

Guillaume Richard : Effectivement, vous avez raison, c'est un défi majeur avec 92% des Français qui souhaitent vieillir chez eux et qui souhaitent continuer à pouvoir écrire le fil de leur vie dans leur domicile, là où ils ont vécu toute leur vie et là où ils ont leurs proches. Et donc pour cela, nous, nous avons besoin de recruter, de former des collaborateurs qui vont pouvoir accompagner ces personnes à domicile et qui vont leur permettre de continuer à écrire le fil de leur vie et continuer à vivre là où ils ont envie de vivre et de la façon dont ils ont envie de vivre. Parce que partir en Ehpad quand on est une personne âgée, c'est un arrachement. On vous enlève de chez vous et vous devez aller dans un endroit où on vous impose des horaires, on vous impose une façon de vivre, on vous enlève de l'endroit où vous avez toujours vécu. C'est pour ça que la plupart des Français veulent continuer à vieillir chez eux. Et nous, on est là pour le leur permettre.

Un des enjeux du secteur des services à la personne, c'est l'attractivité de ces métiers, les salaires par exemple. Comment rémunérez-vous vos collaborateurs ?

Ce n'est pas forcément l'attractivité parce qu'on est extrêmement attractif. L'année dernière, notre groupe a reçu 800 000 candidatures. Si j'enlève les doublons, c'est 400 000 candidatures uniques pour le groupe.

"400 000 candidatures, c'est 2% de l'ensemble des Français qui travaillent dans le privé. Donc c'est énorme. Et en recrutement, par contre, on a des difficultés de recrutement."

Guillaume Richard

sur franceinfo

Pourquoi on a des difficultés de recrutement alors qu'il y a plein de gens qui postulent ? Parce qu'il y a beaucoup de gens qui se disent 'moi j'aime bien les personnes âgées, moi j'aime bien les enfants, j'aime bien m'occuper de mon intérieur, faire le ménage chez moi'. Ok, vous avez peut-être ça, mais derrière, il faut des vraies compétences professionnelles.

Combien recrutez-vous de personnes ?

On essaye de recruter 7 000 à 8 000 personnes, mais en fait, chaque année, il nous manque 1 000 à 1 500 personnes. Parce que vous nous confiez ce que vous avez de plus précieux. Et donc nous, on a obligatoirement besoin d'avoir des personnes qui sont des vrais pros.

Ces recrutements se font sur des temps complets, en CDI ?

C'est de tout. C'est que du CDI quasiment chez nous, mais en fonction des marques, on a des marques qui ne recrutent que sur du temps plein. Par exemple, la Compagnie des Lavandières, ce ne sont que des temps plein. O2, on accepte les personnes qui sont à temps plein ou à temps partiel, mais on favorise le temps plein et on favorise surtout la multi-activités. Et l'essentiel de nos enseignes, en fait, s'adaptent à ce que souhaitent nos collaborateurs, ce qui est plus compliqué pour nous. On les forme aussi beaucoup, parce qu'encore une fois, vous nous confiez ce que vous êtes plus précieux. Votre intérieur, ce sont les clés de votre intimité, vos parents âgés, vos enfants. Donc on doit avoir des personnes qui sont parfaitement capables d'être le plus performant possible, le plus proche.

Et les salaires ?

Dans notre métier, on a une contrainte sur les salaires. On peut trouver ça pas normal qu'un Kylian Mbappé gagne 80 millions d'euros. Mais tous, on accepte de payer des chaînes sportives, des équipements, etc, qui permettent qu'on le paye 80 millions d'euros par an. Et à l'inverse, notre comportement de consommateur fait qu'on n'accepte pas de payer plus qu'une trentaine d'euros de l'heure pour une auxiliaire de vie qui va s'occuper de nos parents âgés, pour une heure de prestation de garde d'enfants, ou une heure de prestation pour la maison. Et donc derrière nous, la contrainte, c'est qu'on ne peut pas payer beaucoup plus que le Smic, donc c'est aux alentours du Smic.

Vous pensez que les clients ne suivraient pas ?

On a testé plein de fois, on a plein de modules, on a plein de niveaux différents de prestations qui permettent justement de valoriser davantage les salariés les plus professionnels. Et on a d'ailleurs différentes enseignes. On a une enseigne à Paris qui est pour les clients qui sont prêts à payer très cher pour des prestations très exclusives. Et là, on est capable de payer bien plus nos collaborateurs. Mais c'est vraiment une niche. L'essentiel de nos clients ne souhaite pas payer plus.

Le gouvernement cherche comment réduire le déficit des finances publiques. Il veut passer notamment en revue les niches fiscales. Le crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile coûte près de sept milliards d'euros. Craignez-vous qu'on y touche ?

Je ne crains pas trop qu'on y touche, en tout cas pas qu'on le remette fondamentalement en cause. Parce que même s'il "coûte" sept milliards d'euros, il en rapporte pratiquement dix.

Et ça semble ne pas être dans le viseur de la ministre des Comptes publics.

Non parce qu'en fait, à la fois c'est économiquement pertinent, ça rapporte plus que ça coûte, mais surtout c'est socialement hyperutile.

"Il y a 12 millions de familles françaises qui bénéficient du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. Derrière, ce sont trois millions d'emplois et ce sont des emplois qui sont déclarés."

Guillaume Richard

sur franceinfo

Alors que s'il n'y a pas ce système, les personnes ne sont pas déclarées. Nous, on est leader en Espagne en faisant 20 millions d'euros de chiffre d'affaires sur cette activité, parce que la totalité du secteur en Espagne, c'est à peine une centaine de millions. En France, sur le ménage, c'est 9 milliards et donc on voit bien l'impact de la déclaration. C'est que ça permet d'avoir des personnes, nos salariés qui sont déclarés, qui ont des droits sociaux, qui ont des droits au moment où ils partent à la retraite, des droits au chômage, s'ils sont en congé maternité, maladie, etc. Ils ont des vrais droits, ils ont des possibilités d'évolution, des possibilités de carrière, ils sont déclarés, ils ont la possibilité de louer un appartement, de faire un emprunt aussi. Ça, c'est surtout un dispositif social et donc c'est pertinent socialement, intéressant économiquement et positif pour l'ensemble de la société. C'est pour ça que c'est un système qui a été mis en place par la gauche, contribué et consolidé par la droite. Il y aura peut-être des ajustements paramétriques, mais pas de remise en cause fondamentale.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.