Édito
Le dangereux jeu d'équilibriste du gouvernement sur la question des congés payés

L'idée risquée du gouvernement de monétiser la cinquième semaine de vacances provoque des couacs entre les différents membres de l'exécutif.

Article rédigé par Paul Barcelonne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le gouvernement au complet, le 2 juillet 2025. (LUDOVIC MARIN / AFP)
Le gouvernement au complet, le 2 juillet 2025. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Monétiser la cinquième semaine de congés payés, voici le dernier bonbon caché au fond de la pochette-surprise. La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet défend un droit nouveau, à la main de chaque salarié. Ceux qui le souhaitent pourront travailler et à la place se faire payer leur cinquième semaine de vacances. En résumé, moins de congés pour être mieux payé. C'est le "musée des horreurs", s'étrangle le premier syndicat du pays, la CFDT.

Cependant, cette proposition a connu un atterrissage compliqué. Lors de son discours du 15 juillet, François Bayrou n'en a pas parlé, c'est la ministre du Travail elle-même qui l'a fait et cela a pris de court Éric Lombard, le ministre de l'Économie, le 17 juillet 2025. Il a dit ne pas avoir entendu parler de ça avant de corriger le tir et d'inviter syndicats et patronat à négocier. Astrid Panosyan-Bouvet confirme, il ne s'agit pas d'une décision unilatérale du gouvernement. C'est a minima, un nouvel exemple de polyphonie.

Le tabou des 35 heures

À l'image des syndicats, la gauche n'est pas très emballée, avec en toile de fond, l'idée d'une remise en cause des 35 heures. Les partis ont l'impression que le gouvernement est prêt à faire sauter les tabous et les verrous. Cette mesure est en train de devenir un symbole et un totem, parce que c'est un acquis social. "C'est du vol de temps de vie en famille", raillent les députés de La France insoumise qui dénoncent l'instauration du travail gratuit.

La proposition fait aussi bondir les socialistes vers qui le gouvernement veut se tourner pour échapper à la censure. Pour eux, François Bayrou purge l'héritage, accroché à son obsession de remettre la France au travail. Petit rappel historique, la cinquième semaine de congés payés a été instaurée par Pierre Mauroy, sous François Mitterrand en 1982. Elle renvoie à l'héritage de Léon Blum et du Front populaire.

Des négociations qui s'annoncent de plus en plus tendues

Cette idée n'est pas de nature à tuer dans l'œuf toute possibilité de négociations avec le PS, mais les griefs commencent à s'accumuler. La suppression de deux jours fériés cristallise le débat public et elle a un mérite, créer le choc, puisque tout le monde en a entendu parler. À tel point que certains pensent que la proposition est un écran de fumée, destiné à focaliser l'attention sur un seul sujet et faire oublier l'ampleur des dégâts et le côté amer de la potion du Premier ministre.

À la lisière du complotisme, Marine Tondelier de Verts suspecte même une stratégie pour finalement lâcher le 8 mai et dealer une non-censure du Rassemblement national. "Il fallait réveiller les Français", disait sur franceinfo, le 17 juillet, Pierre Moscovici, le Premier président de la Cour des comptes. Quitte à risquer que ce type de mesure totémique et symbolique attise la colère et donne du carburant à la mobilisation. En politique, les étés sont souvent meurtriers.

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