Édito
La fin de vie ne nous appartient pas, un dogme immuable pour l'Église, opposée à l'aide à mourir

Le texte sur l'aide à mourir sera débattu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale la semaine prochaine. La Haute autorité de Santé a rendu mardi une réponse très attendue à la question : peut-on définir précisément la durée d'un pronostic vital en phase terminale ou avancée ?

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le texte sur l'aide à mourir continue de faire débat entre partisants et détracteurs. (photo d'illustration). (HISPANOLISTIC / E+ / VIA GETTY)
Le texte sur l'aide à mourir continue de faire débat entre partisants et détracteurs. (photo d'illustration). (HISPANOLISTIC / E+ / VIA GETTY)

Peut-on quantifier dans la loi combien de temps peut encore vivre un malade atteint d'une "affection grave et incurable" ? Peut-on définir précisément la durée d'un "pronostic vital en phase terminale ou avancée", les conditions inscrites dans la version actuelle du texte, pour permettre à un patient de solliciter une aide à mourir ? Non, répond la Haute autorité qui suggère plutôt de tenir compte de la "qualité du reste à vivre" du malade entré dans "un processus irréversible".

La "qualité de vie", l'expression résonne avec celle utilisée par Emmanuel Macron, lundi 5 mai 2025, devant l'obédience maçonnique de la Grande Loge de France. Le chef de l'État a invité à se poser ce qu'il appelle la question du "moindre mal". Cette phrase a suscité, mardi 6 mai, une ferme réplique de l'Église : "Non, Monsieur le président, le choix de faire mourir et d'aider à se tuer n'est pas celui du moindre mal. C'est celui de la mort tout court", a répondu Monseigneur de Moulins-Beaufort, le président de la conférence des Évêques de France.

On touche là, au cœur de ce qui anime les opposants à la réforme. La mort, pensée comme un choix, plutôt qu'une issue inéluctable à préparer. Ce débat, ce n'est pourtant pas la vie contre la mort, ce sont les conditions de la fin de vie au moment d'aborder cette échéance ultime. La souffrance, la douleur, la dignité, une certaine idée du respect de soi-même et des autres, et de l'image qu'on veut leur laisser.

Le dogme, irréductible ennemi de l'esprit critique

Certains opposants redoutent la fameuse "rupture anthropologique", une formule floue, devenue fétiche pour les adversaires de l'euthanasie et utilisée par les mêmes pour s'opposer à l'extension de la PMA à toutes les femmes, au mariage pour tous, et même à l'IVG. Notons que la civilisation a survécu à chacune de ces réformes, par ailleurs, l'aide active à mourir, strictement encadrée, n'impose rien, elle ouvre une possibilité et ne s'oppose pas aux soins palliatifs. François Bayrou a même scindé le sujet en deux textes. Malgré toutes ces précautions et deux ans et demi de débat depuis la convention citoyenne, les opposants ne désarment pas.

En fait, le véritable clivage oppose ceux qui, comme le philosophe André Comte-Sponville, considèrent que "légaliser l'euthanasie, c'est donner la liberté absolue de maîtriser sa vie jusqu'au bout" et ceux qui jugent que la vie n'appartient pas à l'individu. Mais alors à qui d'autre ? En ce jour d'ouverture du conclave, constatons que si l'Église a évolué sur certains sujets, il en est d'autres, le début et la fin de vie, sur lesquelles elle n'a jamais varié. Ces derniers relèvent du dogme, cet irréductible ennemi de l'esprit critique et de la liberté absolue de conscience.

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