Fin de vie : la Haute Autorité de santé juge "impossible" de définir un pronostic vital "à moyen terme" dans la loi sur l'aide à mourir

A quelques jours de la reprise des débats à l'Assemblée nationale, la HAS invite les parlementaires à ne pas fixer un critère d'horizon temporel en cas de loi ouvrant un accès à l'euthanasie ou au suicide assisté.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
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Temps de lecture : 3min
La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, le 6 juin 2024, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, le 6 juin 2024, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

C'était un avis très attendu pour éclairer les débats sur la fin de vie. La Haute Autorité de santé (HAS) a jugé "impossible", mardi 6 mai, de déterminer qui pourrait bénéficier d'une aide à mourir en se basant sur un pronostic vital engagé "à moyen terme" ou sur une échéance liée à la "phase avancée" de la maladie. "Aucun pays européen" ayant légiféré sur l'euthanasie ou le suicide assisté "n'a retenu un critère d'ordre temporel", et le Québec y a "renoncé" avec le temps, relève-t-elle dans son avis, sans proposer aux députés de "critère alternatif".

"Il n'existe pas de consensus médical" permettant d'établir un "pronostic temporel" pour un patient à qui il resterait plusieurs mois ou années à vivre, souligne la HAS, après trois mois de travaux, initiés à la demande du ministère de la Santé. Actuellement, le pronostic vital d'un malade est évalué par les soignants avec des outils à la "fiabilité insuffisante" et avec un "degré d'incertitude important" au-delà de quelques heures ou quelques jours, insistent les experts.

Le critère d'un pronostic vital engagé "à moyen terme" figurait dans le projet de loi initial porté par Catherine Vautrin en 2024, dont l'examen avait été interrompu par la dissolution de l'Assemblée nationale. Jugée floue, cette formulation avait été retirée au bénéfice de la notion de "phase avancée ou terminale" d'une maladie grave et incurable, qui a été conservée dans la proposition de loi qui doit être examinée dans l'hémicycle à partir de la mi-mai. 

"S'extraire de la logique de 'prédiction'"

Cet avis de la HAS vient conforter le choix d'écarter toute référence au moyen terme. Plus largement, l'autorité indépendante invite à ne pas conditionner l'accès à l'aide à mourir à "un pronostic temporel individuel". "La notion de 'phase avancée' n'est pas une donnée purement temporelle, en ce sens qu'elle ne renvoie pas à l'échéance du décès, mais à la nature de la prise en charge", approuve ainsi l'autorité indépendante.

"La 'phase avancée' peut être définie comme l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie."

la Haute Autorité de santé

dans son avis

Le groupe de travail monté par la HAS défend, surtout, l'importance d'offrir au patient, avant toute éventuelle demande d'aide à mourir, "un processus d'accompagnement et de délibération collective, centré sur la personne malade". Quels que soient les critères d'accès au suicide assisté ou à l'euthanasie, il appelle à "s'extraire de la logique de 'prédiction'" et à "éviter toute logique de 'procéduralisation'" de la fin de vie, pour se concentrer sur "la question du sens de ce qui est vécu et de ce qu'il reste à vivre".

A défaut de "prédiction de la quantité de vie restante", la HAS suggère de "retenir une logique d'anticipation et de prédiction de la qualité du reste à vivre". Le président de l'instance, Lionel Collet, y voit un possible "critère d'appréciation" des demandes d'aide active à mourir. "C'est la dimension subjective de la qualité de vie telle qu'elle est perçue par la personne concernée qui est à prendre en considération", plaide-t-il.

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