Édito
Censure : pourquoi ces motions à répétition de LFI et du RN ?

Deux motions de censure, l’une déposée par LFI, l’autre par le RN, sont débattues jeudi à l’Assemblée, avec peu de chance d'aboutir. Un même outil pour deux stratégies différentes : les insoumis censurent tout le temps, les lepénistes, passent leur temps à changer de tactique.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale, le 15 octobre 2025. (PH LAVIEILLE / MAXPPP)
Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale, le 15 octobre 2025. (PH LAVIEILLE / MAXPPP)

À quoi vont servir les deux motions de censure, l'une déposée par LFI, l'autre par le RN, contre le gouvernement et la feuille de route de Sébastien Lecornu, alors que la majorité de l'Assemblée semble souhaiter le compromis ? À faire de la politique, et à respecter une habitude.

Si ce vote du jeudi 16 octobre est un baptême du feu pour Sébastien Lecornu, c'est devenu un rite assez banal depuis la réélection d'Emmanuel Macron : c'est la 46e motion de censure déposée contre un gouvernement en à peine plus de trois ans, soit davantage qu'au cours des 30 années précédentes. Cette inflation illustre à quel point, à défaut de gouverner, ce sont les groupes les plus radicaux qui donnent le ton aux échanges dans cette Assemblée émiettée comme jamais.

Seule, la motion qui a fait chuter Michel Barnier a été adoptée - François Bayrou s'étant de lui-même exposé à un "vote de confiance". Pour Sébastien Lecornu, les deux tentatives de ce jour sont vouées à l'échec, depuis que le groupe PS a annoncé qu'il ne les voterait pas, après avoir notamment obtenu la suspension de la réforme des retraites par le Premier ministre.

Le texte des insoumis sera quand même approuvé par les écologistes, les communistes et l'extrême droite. Et notons au passage que cette motion accuse Emmanuel Macron d'"ignorer le verdict des urnes" parce qu'il ne nomme pas de Premier ministre de gauche, et s'indigne de la "remise en cause de l'aide médicale d'État" pour les immigrés sans-papiers. Mais pas de quoi rebuter le RN qui devrait approuver ce texte.

Dénoncer les "traîtres"

En réalité, ces initiatives ne visent pas seulement Sébastien, Lecornu. Les insoumis, comme le RN, veulent profiter de cette tribune pour dénoncer leurs "traîtres" respectifs. Aurélie Trouvé va accuser les socialistes de "se vendre" pour sauver Emmanuel Macron, et Marine Le Pen va reprocher aux Républicains de voler au secours du chef de l'État. Peu importe qu'en votant la censure, LFI et le RN choisissent de garder la réforme des retraites en l'état plutôt que de la suspendre. L'extrême droite et la gauche radicale poursuivent le même objectif "dégagiste". Elles veulent précipiter les échéances électorales, législative ou présidentielle, sans partager le même tempo, ni la même tactique.

Pour la distinction entre les deux, on peut reconnaître aux insoumis le mérite de la cohérence. Depuis 2022, et même avant, Jean-Luc Mélenchon veut "tout conflictualiser", de ses propres mots, c'est-à-dire tout bloquer pour installer le chaos politique et déclencher sa "Révolution citoyenne". Marine Le Pen, en face, multiplie les zigzags. D'abord un effort de respectabilité, avec sourire et cravate de rigueur pour ses troupes, puis une rechute dans la radicalité. De nouveau un soupçon d'indulgence pour le pouvoir, et enfin sa volonté, affichée, désormais de "tout, tout, tout censurer !" Cette volonté d'en découdre est décuplée depuis qu'elle a été condamnée pour détournement de fonds publics. Comme si ses efforts pour grimer le RN en parti de gouvernement ne pesaient finalement pas bien lourds au regard de son destin judiciaire.

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