Édito
Attaque au couteau à Nantes : surenchère à droite, temporisation à gauche, le manège habituel des politiques qui parlent trop vite

Après ce fait d'hiver tragique, avant même de connaître les causes du drame, Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur, en pleine campagne pour la présidence de LR, s'est particulièrement illustré.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Bruno Retailleau, Elisabeth Borne et Johanna Rolland la maire de Nantes, devant des journalistes, après une attaque au couteau dans un lycée, le 24 avril 2025. (LOIC VENANCE / AFP)
Bruno Retailleau, Elisabeth Borne et Johanna Rolland la maire de Nantes, devant des journalistes, après une attaque au couteau dans un lycée, le 24 avril 2025. (LOIC VENANCE / AFP)

L’attaque meurtrière qui s’est produite jeudi 24 avril dans un lycée de Nantes a provoqué une vague d’émotion dans le monde politique. Une émotion partagée par le chef de l’État et des élus de toutes étiquettes. Mais il a fallu à peine deux heures pour que la controverse politique reprenne ses droits.

Sur deux modes différents. Le premier, attendu, tient à la circulation des armes blanches. Deux autres drames récents, l’un à Paris, l’autre dans l’Essonne, avaient déjà incité les pouvoirs publics à prendre des mesures en mars. François Bayrou a renchéri jeudi en exigeant une intensification des contrôles et de la sécurisation des établissements scolaires et en promettant de nouvelles propositions concrètes d’ici quatre semaines.

La sortie déplacée de Bruno Retailleau

On critique parfois la propension des politiques à légiférer dans l’urgence, sous le coup de l’émotion. Mais cela a toujours été le cas, et c’est même souvent nécessaire, pour rassurer l’opinion. Et le sujet des armes blanches est une réalité, une menace croissante, le gouvernement doit s’y attaquer. Plus surprenant, Bruno Retailleau s’est placé sur un autre registre.

Aux yeux du ministre de l'Intérieur, le drame de Nantes "n’est pas un fait divers, mais un fait de société", qui témoigne d’un "ensauvagement" général. Pourquoi ? Parce que, dit-il, "nous sommes dans une société qui a encouragé le laxisme, qui a voulu déconstruire les interdits, l’autorité, l’ordre, les hiérarchies, et qui a accouché de toute sa violence". On aurait cru entendre le candidat Sarkozy promettre en 2007 de "liquider l’héritage de Mai 68". Sans doute parce que Bruno Retailleau avait enfilé là, lui aussi, sa casquette de candidat en campagne pour la présidence de LR, soumis à la surenchère musclée de Laurent Wauquiez. Résultat, cette sortie déplacée.

Santé mentale plutôt que "laxisme"

En parlant ainsi, le ministre de l’Intérieur clôturait une enquête qui n’avait pas commencé. Or, il semble, selon les tout premiers éléments dont on dispose, que l’assaillant souffrirait de "troubles psychiques". Il a adressé à l’ensemble de l’établissement, juste avant de passer à l’acte, un long texte, une logorrhée confuse qui s’indigne de "la mondialisation" qui a "transformé notre système en une machine à décomposer l’humain", s’alarme d’un "écocide globalisé" et fustige un "conditionnement social totalitaire". Et certains de ses camarades rapportent qu’il parlait volontiers d’Hitler et "l’idéologie des nazis".

Quel rapport avec une société qui aurait encouragé le laxisme et déconstruit les interdits ? Plutôt que de renchérir de prophéties apocalyptiques pour draguer les adhérents LR, un ministre sérieux ferait mieux de s’emparer d’un vrai sujet tabou : la santé mentale en péril de toute une frange de notre jeunesse, une urgence sanitaire ignorée depuis trop longtemps par nos gouvernants.

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