Cyclone Chido : "Si je flanchais, je risquais de voir mes collaborateurs flancher aussi", se souvient le préfet de Mayotte

Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido s’abattait sur Mayotte, faisant 40 morts et 41 disparus, dévastant des quartiers entiers de l’archipel, privant les habitants d’eau potable et d’électricité. Dans les heures qui ont suivi la catastrophe, un homme était au centre du dispositif de secours : le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville.

Article rédigé par Boris Loumagne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville le 19 décembre 2024 après le passage du cyclone Chido. (LUDOVIC MARIN / POOL / AFP)
Le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville le 19 décembre 2024 après le passage du cyclone Chido. (LUDOVIC MARIN / POOL / AFP)

François-Xavier Bieuville, fils de militaire, a coutume de dire que "quand le chef s’assoit, les hommes se couchent". Voilà pourquoi, dans les jours qui ont suivi le passage du cyclone Chido, et malgré l’ampleur du défi à relever, l’état d’esprit du préfet de Mayotte est toujours resté le même : "Je ne me suis jamais assis. Je suis toujours resté debout parce que j’ai senti que si je flanchais, je risquais de voir mes collaborateurs flancher aussi. Pourquoi ? Parce qu’à ce moment il n’y avait plus d’eau, plus d’électricité et nous demandions à des collaborateurs de l’État de mener des opérations au profit des autres alors que leur propre situation était fragilisée". Et c’est durant ces situations de crise que la notion d’"abnégation" prend tout son sens.

"Dans cette période-là, on s’efface derrière la mission et on pense que les autres sont plus importants que son propre traitement."

François-Xavier Bieuville, préfet de Mayotte

à franceinfo

Être le représentant de l’État dans un département sinistré par une catastrophe naturelle de cette ampleur, c’est aussi faire face à des choix cornéliens, "sans doute parmi les plus difficiles" d’une carrière. Par exemple, "choisir les vivants plutôt que les morts. Par conséquent, je n’ai pas cherché à localiser les tombes, mais on a décidé d’aller plutôt dans les bangas [abris de fortune à Mayotte] pour chercher des personnes en vie".  Six mois après le passage du cyclone, François-Xavier Bieuville n’éprouve pas vraiment de regrets dans la façon dont il a géré cette crise humanitaire.

"Il restera toujours ici une part de moi-même"

Pourtant, au moins une de ses déclarations a fait polémique. Le 15 décembre, il déclare au micro de Mayotte la 1ère que le cyclone a "possiblement fait des centaines de mort, voire un millier". On sait aujourd’hui que le bilan officiel est de 40 morts et 41 disparus. Le préfet a-t-il été imprudent ? "Je ne regrette rien parce qu’on m’a demandé si je pensais qu’il pouvait y avoir des centaines de victimes. J’ai répondu que c’était possible. En survolant les bidonvilles, j’ai pensé qu’il pouvait y avoir beaucoup plus de victimes que cela. Touchons du bois, ça n’a pas été le cas. Je m’en félicite."

Comme tous les préfets, François-Xavier Bieuville devrait bientôt être muté. "Je suis plus proche de la fin que du début", confesse-t-il. Pour autant, il ne ressent aucune envie de partir : "Je ne pense pas du tout à mon départ. Je suis même à le redouter d’une certaine façon". Difficile en effet de quitter Mayotte après avoir traversé une telle épreuve aux côtés des Mahorais. "Il restera toujours ici une part de moi-même parce que l’on ne peut pas avoir vécu ce que l’on a vécu, ici, à Mayotte, sans y laisser une part de soi-même."

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