Comment le gouvernement tente de faire accepter la fin du "quoi qu'il en coûte"
Tous les soirs, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.
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Quand vous êtes au gouvernement, il ne suffit pas de prendre des décisions. Encore faut-il parvenir à les rendre acceptables. Or, comment faire pour faire accepter une mesure difficile, par exemple, la diminution des aides aux entreprises ? C'est simple, vous travaillez votre rhétorique.
Aujourd'hui le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, recevait les représentants des secteurs économiques encore frappés par la crise sanitaire afin de leur présenter le nouveau dispositif d'accompagnement. Mais les éléments de langage, eux, étaient prêts depuis plusieurs jours. Déjà le 25 août, à l'occasion des Journées d'été du Medef Bruno Le Maire annonçait : "Maintenant que l'économie française redémarre, que nous avons des perspectives de croissance à 6%. Le 'quoi qu'il en coûte', c'est fini."
Nous sommes passés au sur mesure. Nous continuerons à soutenir ceux qui en ont besoin.
Bruno Le Maire
Il est intéressant ce choix des mots "sur mesure". On aurait pu en choisir bien d'autres. On a plutôt l'habitude d'entendre parler de dispositif "au cas par cas", mais cela implique que certains cas vont être laissés de côté ou encore de "mesures ciblées". Mais cela laisse entendre que certaines situations seront en dehors de la cible. Tandis qu'avec un dispositif "sur mesure", nous avons l'impression que tous les besoins seront couverts. En rhétorique, on dit que les connotations des termes sont uniformément positives.
Bruno Le Maire a subtilement fait évoluer son discours, comme on pouvait l'entendre sur France Inter : "C'est ce que nous allons travailler ce matin avec le secteur de l'hôtellerie, des cafés, de la restauration pour passer d'un dispositif général et forfaitaire, à un dispositif sur mesure."
On retrouve les aides "sur mesure", mais elles ne succèdent plus au "quoi qu'il en coûte", elles viennent simplement remplacer un "dispositif général et forfaitaire". Cette expression Bruno Le Maire ne l'employait jamais auparavant. Et pour cause, elle est technique. Elle est froide. Elle est rebutante et par contraste, elle ferait presque passer le "sur mesure" pour une avancée.
Il n'y a pas de hasard, Bruno Le Maire a employé cette expression à deux reprises dans la même interview. Il l'a réutilisé ensuite en conférence de presse. Cela dépasse même le ministre de l'Économie. Lundi 30 août, Roselyne Bachelot, la ministre de la Culture, reprenait ces éléments de langage sur franceinfo :
On va faire du sur mesure. Les mesures générales vont continuer sur certaines mesures transversales, mais on est dans une période de reprise.
Roselyne Bachelot,à franceinfo
Le "sur mesure qui prend la suite d'un dispositif général", c'est donc bien l'élément de langage avec lequel le gouvernement communique en cette rentrée. C'est tout simplement de la communication politique, mais rien de moins anodin que le pouvoir de nommer les choses. Quand le président de la République a prononcé sa phrase sur le "quoi qu'il en coûte", nous pouvions nous dire que personne ne serait laissé de côté. Effectivement, l'économie française a été soutenue à bout de bras. Mais à l'hiver 2020, nous nous étions rendu compte que de nombreux étudiants, par exemple, étaient restés en grande difficulté.
Aujourd'hui, Bruno Le Maire nous promet du "sur mesure". Alors, en apparence, difficile d'y être opposé. Mais il nous explique également que l'objectif, c'est en définitive de réduire la dépense publique. Les entreprises qui en ont besoin seront elles alors suffisamment soutenues ? L'avenir nous le dira. Mais en attendant, restons vigilants et souvenons-nous qu'en politique, ce qui compte, ce sont les décisions. Les noms, eux, ne sont qu'une illusion.
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