Lutte antiterroriste : comment l'Italie s'appuie sur son passé marqué par les "années de plomb" pour sa sécurité intérieure

L’Italie est un pays modèle dans la lutte contre le terrorisme. Elle s'appuie notamment sur son expérience acquise à partir de la deuxième moitié des années 1970 dans la lutte contre le terrorisme. Elle prône aujourd'hui une plus grande coordination à l’échelon international.

Article rédigé par Olivier Tosseri
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le 31/12/24, l'Italie a mis en place des "zones rouges" dans plusieurs grandes villes, où les personnes classées dangereuses par la police peuvent être expulsées sans décision de justice. Photo d'illustration. (FILIPPO MONTEFORTE / AFP)
Le 31/12/24, l'Italie a mis en place des "zones rouges" dans plusieurs grandes villes, où les personnes classées dangereuses par la police peuvent être expulsées sans décision de justice. Photo d'illustration. (FILIPPO MONTEFORTE / AFP)

L'Italie, particulièrement frappée par le terrorisme dans les années 70 et 80, a une longue expérience en la matière. Lors de ces "années de plomb", la péninsule a vu une multiplication d'actes terroristes et d'attentats qui ont ensanglanté le pays, commis par des mouvements d'extrême droite et d'extrême gauche. Cela a provoqué, de la part de l'État, l'élaboration d'un arsenal législatif de plus en plus répressif pour enrayer ce phénomène et préserver l'État de droit.

Forte de ce passé et de sa réussite à vaincre cette vague de terrorisme, l'Italie prône aujourd'hui une plus grande coordination à l’échelon international. Et pour faire face aux nouvelles menaces terroristes, certains, comme le professeur Francesco Clementi, appellent à ce que ses voisins s'inspirent de son arsenal juridique.

Protéger ceux qui collaborent avec la justice, "un aspect central"

Francesco Clementi, professeur de droit public comparé à l'université de Pérouse, revient sur ce qui caractérise les lois italiennes : "Ces lois prévoient une plus grande coopération entre la magistrature et les forces de l'ordre. Elles ne visent pas seulement les auteurs des actes terroristes mais leurs complices qui s'unissent pour mener des actions subversives. Elles protègent ceux qui ont collaboré avec la justice, ce qui est un aspect central dans l'histoire italienne de lutte contre le terrorisme." Plus précisément, en 1979, l'Italie précise les conditions ouvertes aux collaborateurs de justice et aux repentis, qui vont être d'une grande aide pour démanteler les groupes terroristes.

Mais dès 1974, une législation d'exception a été mise en place et va s'adapter aux nouvelles formes d'actions adoptées par les terroristes : violences de rues, saccages, enlèvements et séquestrations, vol à main armée ou encore attentat à la bombe. En 1975, le pays promulgue la loi "Reale", qui accélère les procédures et augmente les pouvoirs de la police : usage des armes, perquisitions, contrôle, liberté provisoire, interventions hors flagrance. Le choix d'action devient très large.

Des mesures jugées liberticides à l'époque

La loi réglemente également les manifestations. En 1978, des services spéciaux sont mis en place, chargés de la lutte contre le terrorisme. De nouveaux délits sont institués pour lutter contre des actes terroristes ou de subversion de l'ordre démocratique. Ces mesures ont été à l'époque critiquées et jugées par certains "liberticides". Mais à la lumière de leurs résultats, de nombreux juristes italiens estiment qu'elles peuvent constituer une source d'inspiration pour les autres pays européens.

"Elles ont permis de mieux surveiller, tout en limitant certaines de leurs libertés, les individus suspectés de vouloir commettre des actes terroristes, affirme le professeur Francesco Clementi. C'est un arsenal qui évidemment doit être bien géré et contrôlé sous l'œil attentif de la magistrature, mais qui a permis à l'Italie de vaincre le terrorisme. Tout cela pourrait être l'objet d'une coopération entre les États membres de l'Union européenne, dans le but de renforcer la sécurité intérieure de chaque pays, comme la France ou l'Italie."

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