Présidence des Républicains : comment Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez ont décidé d'ouvrir "une guerre des chefs qui va diviser"

Article rédigé par Laure Cometti, Fabien Jannic-Cherbonnel
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Le chef des députés Laurent Wauquiez et le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau vont s'affronter pour la présidence du parti Les Républicains. (JEFF PACHOUD / AFP / FRANCEINFO)
Le chef des députés Laurent Wauquiez et le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau vont s'affronter pour la présidence du parti Les Républicains. (JEFF PACHOUD / AFP / FRANCEINFO)

Les deux hommes ont annoncé qu'ils briguaient la présidence du parti de droite, avec la présidentielle 2027 en ligne de mire.

La guerre des chefs aura bien lieu à droite. Porté par des sondages favorables, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau s'est lancé mercredi dans la course à la présidence du parti Les Républicains dans une lettre envoyée aux militants. Le lendemain, jeudi 13 février, Laurent Wauquiez a également officialisé son entrée dans la course dans un entretien au Figaro. Les deux cadres de la droite s'affronteront le 17 mai prochain, a confirmé le parti de droite, tandis qu'un bureau politique déterminera lundi les modalités du scrutin. 

La décision de Bruno Retailleau de dégainer en premier ne doit rien au hasard. Depuis son entrée au gouvernement de Michel Barnier, le Vendéen a pris de l'épaisseur politique et gagné en popularité. D'abord, parce qu'il a réussi à conserver son poste après la nomination de François Bayrou à Matignon en janvier. Longtemps perçu comme un second couteau, l'ancien sénateur de 64 ans est omniprésent dans les médias depuis, se démarquant notamment par ses sorties sur l'immigration. Il est même devenu la personnalité de droite préférée des Français (à 55%), selon un sondage Opinionway publié par Le Point

Logique, dès lors, "qu'il fasse quelque chose de son élan de popularité", souffle son entourage à France Télévisions. "Il est poussé par un double agenda : d'abord personnel, puisqu’il a accumulé du capital politique, mais aussi lié à sa famille politique, puisque LR doit organiser un congrès pour se refonder, il y a donc une opportunité", souligne Emilien Houard-Vial, spécialiste de la droite française et doctorant à Sciences Po, contacté par franceinfo. C'est que le départ tonitruant d'Eric Ciotti vers le Rassemblement national l'année dernière a laissé un vide à la tête du parti.

"Je ne veux pas de nouvelles déchirures"

Si l'annonce n'a surpris personne, elle a été particulièrement mal accueillie par Laurent Wauquiez, dont les ambitions sont connues. "Bruno Retailleau prend la lourde responsabilité d’ouvrir une guerre des chefs qui va diviser notre parti", a réagi son entourage auprès de franceinfo mercredi. Les deux camps se gardent cependant pour l'instant de jeter de l'huile sur le feu. "Chacun est utile dans son rôle", tempère le député, président du groupe Droite républicaine à l'Assemblée, dans Le Figaro, estimant qu'"il y a un intérêt pour un chef de parti à ne pas être au gouvernement"

Certains élus craignent ainsi le retour du psychodrame de 2014, pendant lequel l'ancien président Nicolas Sarkozy avait triomphé de ses adversaires dans la course à la tête du parti au terme d'une campagne compliquée. "On a une famille politique très fragilisée et que je trouve dommage que Bruno [Retailleau] déclenche la guerre des chefs aujourd'hui. Je pense que les Français ont besoin de lui à 100% à Beauvau", estime ainsi Jean-Pierre Taite, député LR de la Loire. "Si cette élection va éclaircir un peu le champ avant 2027, il faut d'abord travailler le fond plutôt que le qui", prévient une députée LR, contactée par franceinfo.

Des critiques balayées par les soutiens de Bruno Retailleau. "Il est assez surprenant que l'on dise comme acte 1 de la refondation interne du parti que l'on veut favoriser démocratie interne, et qu'on refuse le vote", pointe du doigt le sénateur Max Brisson, qui soutiendra le ministre de l'Intérieur, comme nombre de ses collègues. "Je ne veux pas de nouvelles déchirures et de nouvelles blessures dans notre parti", assure de son côté le principal intéressé dans son courrier, affirmant jeudi matin après la réunion des cadres LR que "voter, ce n'est pas diviser".

"Bien incapable de prédire qui gagnerait"

Difficile de savoir laquelle des deux figures de la droite va l'emporter. Le ministre de l'Intérieur compte déjà le soutien de plusieurs personnalités, dont Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, qui a estimé mardi sur France 5 que Bruno Retailleau ferait "un très bon président des Républicains". L'ancien patron des sénateurs LR devrait pouvoir aussi compter sur le soutien des élus du palais du Luxembourg, bien plus importants numériquement que les députés de droite. "Pour bien connaître le parti, il a toutes les chances d'être élu", estime un sénateur LR auprès de France Télévisions.

Mais les soutiens des caciques LR suffiront-ils ? Selon l'enquête d'Opinionway, une majorité de sympathisants LR préfèrent l'actuel ministre de l'Intérieur. Mais difficile de savoir ce que décideront les adhérents du parti. Emilien Houard-Vial se dit d'ailleurs "bien incapable de prédire qui gagnerait une confrontation".

"C'est difficile de savoir qui est populaire chez les militants, d'autant que je ne suis pas certain que tous recherchent la radicalité proposée par Bruno Retailleau."

Emilien Houard-Vial, spécialiste de la droite française

à franceinfo

Laurent Wauquiez à l'avantage d'avoir "parcouru les fédérations depuis des années, sans jamais lâcher les militants", complète Jean-Pierre Taite, tandis que "Bruno Retailleau est aussi apprécié, notamment parce qu'il fait partie de ceux qui ont porté le mouvement dans des moments difficiles".

"Tous ont pris ce poste pour préparer la présidentielle"

A droite, la guerre des chefs est avant tout une question de personnalité. Idéologiquement, peu de choses séparent les deux hommes, très conservateurs, opposés à l'immigration et connus pour leur engagement contre le mariage pour tous.

"Je ne vois pas de différences considérables entre eux, c'est surtout une question de tempérament et de construction politique."

Max Brisson, sénateur LR

à franceinfo

"Ils ont des thématiques en commun, mais chacun a son histoire", analyse Emilien Houard-Vial. Ainsi "Bruno Retailleau a une matrice catholique très marquée", souligne le spécialiste, tandis que Laurent Wauquiez "se démarque sur la question économique, en parlant souvent du travail et en dénonçant l'assistanat depuis des années".

Reste qu'au-delà de la présidence du parti Les Républicains, c'est déjà la présidentielle de 2027 qui se joue. "Cette élection structure toute la vie politique française. Surtout, à l'exception de rares cas, tous les présidents de LR ont pris ce poste pour avoir une assise sur le parti et préparer la présidentielle", note Emilien Houard-Vial.

Malgré le score catastrophique de Valérie Pécresse en 2022 – la présidente de la région Ile-de-France avait recueilli 4,78% des suffrages – et les résultats en demi-teinte de LR lors des dernières législatives, les deux hommes sont convaincus que la droite est sur le retour. "Je le sens", affirme Bruno Retailleau dans sa lettre, "la droite est de nouveau écoutée (...) et c’est pourquoi demain, elle peut gagner".

"Le pari qui est fait, c'est que la droite va reprendre des voix à l'extrême droite, mais pour l'instant, elle pique plutôt des électeurs au centre."

Emilien Houard-Vial, spécialiste de la droite française

à franceinfo

Le futur président des Républicains devra faire face à un champ de concurrents de plus en plus rempli à droite. Xavier Bertrand s'est ainsi déjà déclaré candidat à la présidentielle et a réfuté le "caractère automatique" entre la présidence de LR et la course à l'Elysée. D'autres candidats potentiels proposent d'ailleurs des primaires ouvertes pour désigner un seul candidat de la droite et du centre, à l'image du ministre de la Justice, Gérald Darmanin.

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