"On commence à être habitués aux surprises" : chez les députés macronistes, le vote de confiance annoncé par François Bayrou reçoit un accueil mitigé

Article rédigé par Daïc Audouit - avec Laure Cometti
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
François Bayrou, le Premier ministre, lors de sa conférence de presse de rentrée à Paris, le 25 août 2025. (ARTHUR N. ORCHARD / AFP)
François Bayrou, le Premier ministre, lors de sa conférence de presse de rentrée à Paris, le 25 août 2025. (ARTHUR N. ORCHARD / AFP)

Une réunion des députés du camp présidentiel s'est tenue en visioconférence, mardi soir, pour établir une stratégie avant la déclaration de politique générale du Premier ministre, le 8 septembre à l'Assemblée nationale.

Encore en vacances ou dans leur circonscription, les députés du camp présidentiel ont été saisis par l'annonce de François Bayrou, lundi 25 août. Le Premier ministre a fait savoir, à l'occasion de sa conférence de presse de rentrée, qu'il soumettrait son gouvernement à un vote de confiance de l'Assemblée nationale, lundi 8 septembre. "J'étais dans un train vers Paris après avoir fait ma rentrée en circonscription. J'ai suivi la conférence via les dépêches de l'Agence France-Presse et les messages de mes collaborateurs", raconte à franceinfo Olga Givernet, députée Ensemble pour la République (EPR) de l'Ain. "On se doutait bien qu'il y aurait quelque chose, mais on pensait qu'il allait enfoncer le clou sur le budget", poursuit-elle.

"J'étais sur le chemin de retour de vacances. Je n'avais pas prévu de la suivre, pensant que ça serait une conférence de presse comme une autre", témoigne un autre élu, qui a finalement écouté le chef du gouvernement, alerté quelques minutes auparavant du contenu explosif de sa prise de parole. Cette décision du Palois bouscule l'agenda de la rentrée politique. Une réunion des troupes a donc été organisée mardi 26 août en fin d'après-midi, en visioconférence et non à l'Assemblée nationale, où l'activité n'a pas encore repris. Un bureau exécutif du parti Renaissance, prévu de longue date, s'est également tenu mardi, un peu plus tard dans la soirée, avec un ordre du jour modifié.

"C'est un quitte ou double"

Sans surprise, les députés du groupe EPR ont décidé de voter la confiance au gouvernement de François Bayrou. Des participants évoquent pour franceinfo "un climat serein où tout le monde a souhaité faire preuve de responsabilité" et où "il n'y a pas eu véritablement de critiques contre François Bayrou". Face à ce coup politique du locataire de Matignon, les élus macronistes avaient d'abord fait part de leur stupéfaction. "Je suis surprise par cette décision qui n'a pas été largement concertée. J'essaye de comprendre les conséquences, lâche Eléonore Caroit, députée EPR des Français de l'étranger. On commence à être habitués aux surprises et aux décisions inattendues, mais là, il y a très peu de gens qui l'ont vue venir."

Certains saluent tout de même la décision du Premier ministre. "La démarche de François Bayrou est louable, courageuse et réaliste. Il s'est positionné en homme d'Etat", analyse Daniel Labaronne, député EPR d'Indre-et-Loire.

"C'est une décision qui ne manque pas de courage et c'est une réponse aux appels à bloquer le pays. Là, chacun devra prendre ses responsabilités et les assumer face aux Français."

Eléonore Caroit, députée EPR des Français de l'étranger

à franceinfo

D'autres sont plus sévères sur la stratégie employée. "Ce qui est dramatique, c'est que cela a été douché immédiatement par les oppositions. Maintenant, c'est cramé", commente un député proche de l'ex-Premier ministre Gabriel Attal, qui reproche à François Bayrou d'avoir pensé pouvoir "obtenir la neutralité du Rassemblement national, alors que celui-ci est par essence populiste".

"Est-ce qu'il croyait vraiment pouvoir trouver un chemin de négociation avec le Parti socialiste ou est-ce qu'il s'agit d'un suicide conscient ?", s'interroge cette même source. Olga Givernet se veut plus optimiste : "Je peux comprendre cette décision, le connaissant un peu. Mais c'est un quitte ou double. Et pour l'instant, on est plutôt sur du quitte, même si on n'est pas à l'abri de rebondissements dans les prochaines semaines."

"Je regrette que le sujet soit pour ou contre Bayrou"

Tous se retrouvent cependant unis pour dénoncer cette réaction rapide des oppositions, de gauche comme d'extrême droite, qui ont fermé la porte au vote de confiance presque immédiatement après le discours de François Bayrou. "Les réflexes politiciens et pavloviens ont vite repris le pas, je trouve cela dommage. Je regrette que le sujet soit pour ou contre Bayrou. Le sujet, c'est pour ou contre le redressement du pays", déplore Maud Gatel, secrétaire générale du MoDem. "Nos oppositions ne sont pas à la hauteur de la situation, elles jouent la petite semaine", cingle Daniel Labaronne. "Quand on est dans l'opposition, il faut s'opposer, et de ce point de vue, il est difficile pour une opposition de voter la confiance. Il y a aussi une logique de surenchère et de rapports de force qui oblige à prendre la parole en premier", tempère Eléonore Caroit.

Lassitude ou effet des derniers jours de vacances, la boucle WhatsApp des députés EPR ne vibre pas beaucoup depuis lundi soir et ils sont peu nombreux à réagir à la décision de François Bayrou. "Il y a une certaine prudence. On voit que certains pensent déjà à faire partie du prochain gouvernement", ironise une élue du groupe EPR. La nomination d'un nouveau Premier ministre et de nouveaux ministres est en effet la première hypothèse en cas de départ de François Bayrou, s'il n'obtient pas la confiance de l'Assemblée.

"Je ne vois pas ce qu'une dissolution changerait" 

Les oppositions, elles, évoquent d'autres scénarios, mettant la pression sur Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon veut lancer une procédure de destitution. Marine Le Pen, elle, réclame une dissolution de l'Assemblée. Les députés du camp macroniste doivent-ils se préparer à une telle éventualité ? Le chef de l'Etat en a balayé la possibilité dans une récente interview à Paris Match, mais l'idée demeure dans les esprits. "La dissolution reste une hypothèse", a évoqué mardi matin François Bayrou lors d'un petit déjeuner de la majorité, selon un participant du service politique de France Télévisions. Même expression pour le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, invité des "4V" sur France 2 : "Il ne faut pas écarter cette hypothèse."

"Je n'y crois pas. Je ne vois pas ce qu'une dissolution changerait à part que le RN aurait une majorité quasi absolue. Il faudra alors l'assumer. Celui qui prendra la décision et ceux qui le pousseront à le faire", témoigne une élue MoDem. "Je n'y crois pas parce que tout simplement, ça sera la deuxième fois qu'il le décidera et qu'alors c'est tout ce qu'on retiendra de ses deux quinquennats comme bilan de son action", abonde un autre responsable issu de Renaissance.

Néanmoins, les élus du camp présidentiel envisagent la perspective. "Je me prépare depuis 2024, depuis qu'on est entrés dans une période de précarité et de désordre", explique un député EPR, élu en 2022. Olga Givernet a organisé une campagne d'affichage sur son nom en juin. "J'avais été ministre. Il fallait me rappeler aux souvenirs de mes administrés. Ça a surpris dans ma circonscription, mais c'était nécessaire, car on voit que la situation est très instable", explique la députée à franceinfo. "Pas d'abattement, pas de fatalisme, si on doit repartir en campagne", confie un autre élu macroniste. Il a d'ailleurs déjà appelé son imprimeur en lui disant "qu'il allait sans doute avoir besoin de lui".

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