"Extrêmement sévère", "jugement politique", "décision historique"… Les réactions à la condamnation de Nicolas Sarkozy

L'ancien président de la République écope de cinq ans de prison pour association de malfaiteurs dans le cadre de son procès pour financement libyen de sa campagne de 2007.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, sort de la salle d'audience où il a appris qu'il était reconnu coupable pour association de malfaiteurs dans l'affaire du financement libyen de sa campagne de 2007, le 25 septembre 2025. (JULIEN DE ROSA / AFP)
Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, sort de la salle d'audience où il a appris qu'il était reconnu coupable pour association de malfaiteurs dans l'affaire du financement libyen de sa campagne de 2007, le 25 septembre 2025. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Un ancien président de la République reconnu coupable et condamné à de la prison. L'issue du procès de Nicolas Sarkozy concernant le financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 est inédite. Il est condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs, avec mandat de dépôt différé. Il saura quand il ira en prison le 13 octobre prochain, date de sa convocation par le Parquet national financier.

Lui-même continue à clamer son innocence et dénonce une "injustice" et un "scandale", tandis que son avocat, Jean-Michel Darrois, parle, sur franceinfo, d'une "décision politique dans la mesure où les magistrats ont voulu démontrer qu'ils donnaient un coup de balai dans la politique". L'ensemble de la classe politique, et même au-delà, réagit, jeudi 25 septembre, sa famille politique affichant son soutien, la gauche saluant la condamnation de l'ancien chef de l'État.

La droite fait bloc

Sans surprise, c'est la famille politique de Nicolas Sarkozy qui s'exprime le plus au sujet de sa condamnation et fait bloc autour de l'ancien président. "Par son énergie et sa détermination, Nicolas Sarkozy a beaucoup apporté à la France. Il a toujours été un serviteur fidèle de son pays", réagit le ministre de l'Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau, qui s'exprime en tant que président du parti Les Républicains dans un communiqué. Il rappelle que l'ancien président est relaxé de trois des quatre chefs d'accusation et qu'il a fait appel de la décision : "Je ne doute pas qu'il saura mettre toute son énergie à se défendre devant la cour d'appel et faire prévaloir son innocence."

Sur le réseau social X, Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l'Assemblée nationale, loue aussi la "passion" et "l'engagement" dont a fait preuve Nicolas Sarkozy et il lui exprime son "soutien", sa "reconnaissance" et son "amitié". Un autre ancien président des LR, Éric Ciotti, estime sur X que la peine est "extrêmement sévère" et il dénonce "un procès où les preuves de financement illégal de campagne n'ont pas été établies". Pour François-Xavier Bellamy, eurodéputé et vice-président des Républicains, "ce traitement exceptionnel, que rien ne justifie, dit tout de ce jugement politique", écrit-il sur X.

"J'ai mal pour Nicolas Sarkozy et je suis malheureux pour la France", réagit quant à lui, également sur X, Renaud Muselier, le président LR de la région Sud-Paca. Pour lui, Nicolas Sarkozy est "envoyé en prison pour un délit qui n'est pas qualifié, sur la base d'un média [Mediapart] qui a fait un faux caractérisé". Le site d'investigation est à l'origine des révélations dans l'affaire des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 de l'ancien chef d'État.

Gérard Larcher, président LR du Sénat estime, sur X, qu'"il y a un questionnement grandissant au sein de la société sur l'exécution provisoire d'une condamnation alors que les voies de recours ne sont pas épuisées que je partage". Quant au sénateur LR Stéphane Le Rudulier, il va jusqu'à demander à Emmanuel Macron de grâcier Nicolas Sarkozy. "Ne soyons pas naïfs, ce qui est attaqué, c'est le pouvoir exécutif, c'est la figure présidentielle. Le pouvoir des juges l'emporte clairement sur le pouvoir politique", dit-il auprès de franceinfo.

Les alliés des Républicains au gouvernement, le MoDem et Horizons, bottent en touche : "Par principe, on ne commente pas les décisions de justice", font savoir les deux partis à franceinfo.

L'extrême droite fait le lien avec la condamnation de Marine Le Pen

Dans les rangs du Rassemblement national, le choix de l'exécution provisoire, pris par le tribunal correctionnel de Paris, fait écho à la condamnation de Marine Le Pen, elle aussi condamnée à cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire par ce même tribunal en avril. Selon elle, cela représente "un grand danger [pour] la présomption d'innocence".

"Où est la présomption d'innocence ?", interroge également le député RN Philippe Ballard. "Il y a une dérive extrêmement inquiétante. Nicolas Sarkozy on l'a combattu, c'est un adversaire politique donc il n'y a aucune complaisance de notre part, mais il écope d'une peine extrêmement lourde et surtout d'une peine de prison ferme. Je pense que l'image de la France dans le monde n'en ressort pas grandie aujourd'hui", affirme-t-il à franceinfo.

La gauche dénonce la mise en cause de la justice

À l'inverse, de l'autre côté de l'échiquier politique, les réactions des partis de gauche sont satisfaites voire ironiques. "Les preuves étaient accablantes", dit ainsi le député insoumis Antoine Léaument. Manuel Bompard dénonce "deux poids deux mesures". "L'exigence d'honnêteté et de respect de la loi n'est pas réservée au peuple, explique le coordinateur de LFI sur X, elle s'applique aussi pour les puissants malgré leur pouvoir et leurs relais médiatiques"."Que la justice soit faite, c'est une bonne chose", estime pour sa part Manon Aubry, eurodéputée LFI, sur France Inter. Elle réagit également aux propos de Nicolas Sarkozy après sa condamnation, qu'il considère comme "une injustice" et un "scandale" : "J'ai trop de fois entendu Nicolas Sarkozy lui-même trouver que la justice [était trop] laxiste pour me dire qu'il y a quand même une sacrée ironie de l'histoire à l'entendre aujourd'hui critiquer ces jugements de justice en les trouvant trop sévères."

Même son de cloche au parti communiste, le porte-parole Ian Brossat trouve "assez frappant de voir qu'un président de la République qui a fait toute sa carrière en expliquant qu'il allait être le champion de la lutte contre la délinquence finit par être condamné pour association de malfaiteurs". Côté PS, le député Arthur Delaporte salut une décision "historique qui montre que personne n'est au-dessus des lois". "Il l'a finalement son nouveau quinquennat", souligne ironiquement Benjamin Lucas, député Générations.

Chez les écologistes, Marine Tondelier publie une photo où l'ancien président est aux côtés de François Fillon, avec le message "Merci à Nicolas Sarkozy et aux Républicains de toujours montrer l'exemple". Les députés du groupe écologiste et social ont d'ailleurs déposé une proposition de loi, jeudi, pour lutter contre le financement occulte des campagnes électorales.

Éva Joly, ancienne magistrate et candidate écologiste à la présidentielle de 2012,  dénonce la ligne de défense de l'ancien président, "une attaque envers la démocratie" et "un discours complètement trumpiste", jeudi sur franceinfo. "Nicolas Sarkozy explique une condamnation très sévère par une haine des juges" qui est "indigne", se désole l'ancienne députée européenne écologiste. Elle défend le "travail minutieux et argumenté" des magistrats.

Dans la société civile, une décision soutenue

La condamnation de Nicolas Sarkozy ne manque pas non plus de faire réagir au sein de la société civile. Les associations de lutte contre la corruption, comme Sherpa, qui était partie civile au procès, évoquent "un moment parfaitement historique". L'Union syndicale des magistrats souligne le fait que "la justice est égale pour tous". "On ne discute pas de la qualité d'un président, on discute d'un homme qui a commis une infraction pour laquelle il a été reconnu coupable et contre qui doit être prononcée une sanction", ajoute Catherine Vandier, secrétaire nationale de l'USM.

Nicolas Sarkozy "tient des propos qui remettent en question l'existence même de la justice", réagit sur franceinfo Évelyne Sire-Marin, magistrate honoraire et vice-présidente de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH). Selon elle, cette condamnation symbolise "l'application de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme : la loi est la même pour tous, soit qu'elle punisse, soit qu'elle protège. Même quand on est un ancien président de la République, la loi est la même pour tous", rappelle la magistrate, qui estime que "l'association de malfaiteurs est caractérisée" et que les juges "ne se sont pas acharnés sur lui".  

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.