Ukraine : "C'est un coup de bluff bilatéral", estime un spécialiste
Alors que les pourparlers entre Moscou, Paris et Berlin n'ont pas apaisé les tensions en Ukraine et que la Russie continue de mobiliser ses troupes à la frontière, le président des Etats-Unis Joe Biden a appelé les ressortissants américains à quitter l'Ukraine.
"C'est un coup de bluff bilatéral", a estimé samedi 12 février sur franceinfo Florent Parmentier, secrétaire général du CEVIPOF-Sciences Po. Les Etats-Unis ont alerté vendredi sur une possible invasion russe "imminente" de l'Ukraine alors que Moscou a commencé à réduire sa présence diplomatique en Ukraine, craignant des "provocations" de la part des autorités ukrainiennes ou de "pays tiers". Pour le spécialiste de la Russie, Joe Biden "accentue la pression" pour s'afficher "en faiseur de paix face à une Russie qui avait foncièrement envie d'en découdre avec l'Ukraine". "Du côté de la Russie, l'enjeu n'est pas prioritairement d'envahir l'Ukraine", a poursuivi Florent Parmentier, "l'enjeu c'est d'obtenir une forme de garantie de sécurité". "C'est là-dedans que la France s'est engouffrée avec l'idée d'essayer de faire des propositions qui pourraient convenir aux deux", a-t-il ajouté, tout en s'interrogeant : "La question qui se pose, c'est de savoir si ça conviendra aussi aux Ukrainiens ?"
franceinfo : Comment expliquez-vous les récents propos de Joe Biden sur une possible "attaque imminente" de la Russie en Ukraine ?
Florent Parmentier : Joe Biden n'a pas une opinion publique derrière lui qui est pro-guerre. L'opinion publique américaine est assez indifférente à la question de l'Ukraine donc Joe Biden doit vendre à son opinion publique et à ses alliés une victoire qui passerait par le fait de ne pas avoir d'invasion russe en Ukraine. Pour cela, il doit accentuer la pression, la tension. Plus elle est élevée plus le fait de ne pas avoir de conflit sera vécu comme une victoire : Joe Biden en faiseur de paix face à une Russie qui avait foncièrement envie d'en découdre avec l'Ukraine. Par ailleurs, Joe Biden doit rassurer les Européens les plus inquiets. Les Polonais, les Etats baltes. Il doit montrer que c'est lui qui est à la tête du leadership entre les Etats-Unis d'un côté et les Européens de l'autre. Rien ne serait pire, pour ces pays, que de voir que les Américains sont indifférents au sort de ce qu'il se passe à leurs frontières. Et puis, il s'agit de garantir la crédibilité de l'Otan et la clause de solidarité en cas d'attaque prévue par l'article 5.
C'est un coup de bluff ?
C'est un coup de bluff bilatéral. De l'autre côté on peut aussi penser que le fait, pour la Russie, de mettre autant d'hommes dans les troupes n'est pas rationnel si vous n'attaquez pas tout de suite. Si vous attendez avant d'attaquer, vous vous privez de 50% de l'efficacité d'une attaque, de l'effet de surprise. Ce qui fait dire que du côté de la Russie, l'enjeu n'est pas prioritairement d'envahir l'Ukraine. Peut-être que ce n'est même pas l'enjeu du tout. L'enjeu c'est d'obtenir une forme de garantie de sécurité, une remise en cause de l'architecture de sécurité en Europe. C'est probablement ce que vient chercher Vladimir Poutine et c'est là-dedans que la France s'est engouffrée avec l'idée d'essayer de faire des propositions qui pourraient convenir aux deux, confirmer l'engagement américain sur le sol européen et correspondre aux attentes de la Russie. La question qui se pose, c'est de savoir si ça conviendra aussi aux Ukrainiens.
Donc Vladimir Poutine n'est pas en train de préparer une invasion ?
Vladimir Poutine, à ce stade, est le maître des horloges. Il n'a pas d'élection, d'enjeux de politique intérieure, à se poser. Donc il peut faire durer cette position très inconfortable pour les Européens et les Etats-Unis et cette pression sur l'Ukraine. Attaquer ne serait pas rationnel. En revanche, la question que chacun doit se poser c'est, que se passe-t-il le jour d'après pour la Russie si elle attaque l'Ukraine ? De ce point de vue-là, il n'y a pas grand-chose à gagner pour la Russie. Il y a plus à gagner si la Russie arrive à faire accepter aux Ukrainiens les conclusions des accords de Minsk de 2014 et 2015 qui sont aujourd'hui jugés à Kiev comme étant très défavorables aux intérêts ukrainiens.
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