Témoignage "Des haut-parleurs diffusaient des messages disant qu'on était tous des nazis" : l'ex-maire de Kherson, en Ukraine, témoigne après trois ans de captivité chez les Russes

Radio France
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L'ex-maire de Kherson, Volodymyr Mikolaienko porte une chemise traditionnelle ukrainienne sur laquelle figurent drones et hélicoptères. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
L'ex-maire de Kherson, Volodymyr Mikolaienko porte une chemise traditionnelle ukrainienne sur laquelle figurent drones et hélicoptères. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Capturé en avril 2022, Volodymyr Mikolaienko est resté entre les mains des Russes jusqu'en août 2025. Actuellement en convalescence à l’hôpital de Kiev, il a accepté de se confier à franceinfo.

C'est l'une des rares avancées concrètes des pourparlers entre Kiev et Moscou : la libération de prisonniers de guerre. Un nouvel échange pourrait avoir lieu dans les prochaines semaines. Le dernier date du 24 août, échange au cours duquel l'ex-maire de Kherson a été libéré. Volodymyr Mikolaienko a dirigé de 2014 à 2020 cette ville, occupée par les Russes pendant six mois au début de la guerre, aujourd'hui bombardée quotidiennement.

Un mois après sa libération, l'ancien maire se trouve toujours en convalescence, profondément marqué par ces trois ans et demi passés derrière les barreaux russes. Il a repris un peu de poids, ses cheveux et sa barbe commencent à repousser. Il n'est plus celui qu'il était avant la guerre, mais il n'est plus le fantôme que l'on voit sur les images de sa libération. "J'ai regardé une interview, il y avait un vieux… Je me demandais : 'C'est qui ce monsieur ?' C'était moi !", se remémore-t-il.

Un calvaire de trois ans et demi

Volodymyr Mikolaienko affirme qu'il veut tout effacer de ce qu'il s'est passé entre son arrestation le 18 avril 2022 et la fin de sa détention le 24 août dernier. En réalité, il n'a rien oublié des réveils brutaux tous les jours à 6 heures, "été comme hiver en caleçon dans le couloir, les jambes écartées, les mains contre le mur".

"Si, le premier jour, on m’avait dit que j’allais rester là-bas trois ans et demi, j’aurais allongé la liste des suicidés

Volodymyr Mikolaienko, ex-maire de Kherson

à franceinfo

Comment a-t-il tenu ? "Avec les dents", répond l'homme de 65 ans. "Au contrôle du matin : ils nous battaient. À la promenade : ils nous battaient. À l'interrogatoire : ils nous battaient. Au contrôle du soir : ils nous battaient. Du matin au soir, des haut-parleurs diffusaient des messages disant qu'on était tous des nazis", raconte Volodymyr Mikolaienko.

"Une forme de trahison"

Sa ville est libérée en novembre 2022. Mais, coupé du monde dans sa cellule, il ne l'apprend que six mois plus tard. "Lors d'un interrogatoire, un Russe me l'a chuchoté à l'oreille", se rappelle-t-il. Lorsque ses codétenus le voient revenir en cellule tout sourire, ils s'interrogent. Il peut enfin leur glisser fièrement ces mots : "Kherson est redevenue ukrainienne".

Le centre-ville de Kherson est quasiment désert malgré la libération de la ville en novembre 2022. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
Le centre-ville de Kherson est quasiment désert malgré la libération de la ville en novembre 2022. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Pendant trois ans et demi, l'ancien maire, très critique vis-à-vis du pouvoir, a eu tout le temps de se poser cette question qui l'obsède : comment Kherson a-t-elle pu tomber si facilement ? "En deux heures, les chars russes étaient à l'entrée de la ville. C'est une forme de trahison. Quand la guerre sera terminée, j'espère vraiment que les responsables seront identifiés et punis", assène l'ex-prisonnier de guerre.

Volodymyr Mikolaienko explique que l'appartement de sa mère de 91 ans est détruit, qu'il est impatient de retourner à Kherson pour aider à sa reconstruction. Mais surtout, il veut œuvrer à la libération des prisonniers, car quand il pense à eux, il est rongé par la culpabilité.

L'ex-maire de Kherson, en Ukraine, témoigne après trois ans de captivité chez les Russes : le reportage de Simon Le Baron, Gilles Gallinaro et Yashar Fazylov

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