Drones russes, accusations de ciblage volontaire, intervention de l'Otan… Ce que l'on sait de l'attaque qui a touché la Pologne, pays frontalier de l'Ukraine
"Nous avons eu affaire à une violation de l'espace aérien polonais par un nombre important de drones russes", a déclaré mercredi le Premier ministre polonais, Donald Tusk, dénonçant "une provocation à grande échelle".
C'est une première depuis le début de l'offensive russe en Ukraine en février 2022. La Pologne, pays membre de l'Otan, a déclaré, mercredi 10 septembre, avoir abattu des "objets hostiles" repérés dans son espace aérien lors d'une attaque russe contre l'Ukraine voisine. "Nous n'avons aucun doute sur le fait que ce n'était pas accidentel", a déclaré le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski. L'Otan a dénoncé une incursion "dangereuse" et "irresponsable", tandis que la Russie a démenti avoir délibérement visé la Pologne.
Par la voix de son porte-parole, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a pour sa part mis en garde contre le "risque réel" d'une extension du conflit ukrainien au-delà de ses frontières. Franceinfo fait le point sur cette agression.
Au moins sept drones abattus dans le ciel polonais par Varsovie et ses alliés
"A la suite de l'attaque d'aujourd'hui par la Fédération de Russie sur le territoire ukrainien, une violation sans précédent de l'espace aérien polonais par des objets de type drone a eu lieu", a fait savoir le centre de commandement de l'armée polonaise, dénonçant "un acte d'agression qui a créé une menace réelle pour la sécurité de nos citoyens". Des radars ont détecté "plus de dix objets", dont certains "pouvant représenter une menace" ont été "neutralisés".
Des appareils polonais et alliés ont "utilisé leurs armes contre les objets hostiles", a écrit le ministre de la Défense polonais, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, dans un message sur X. "Nous avons retrouvé 7 drones et des débris d'un projectile (...) d'origine inconnue", a annoncé le ministère de l'Intérieur dans un premier décompte, ajoutant qu'une maison et une voiture avaient été endommagées. "Nous n'avons aucune information suggérant que quelqu'un ait été blessé ou soit décédé à la suite de l'action russe", a déclaré le Premier ministre polonais Donald Tusk, faisant état de "19 violations identifiées". L'aéroport Varsovie-Chopin, le plus important du pays, n'était pas opérationnel mercredi matin, du fait de la fermeture de l'espace aérien au-dessus d'une partie du pays.
La Pologne en appelle à l'Otan
Dénonçant "une provocation à grande échelle", le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a indiqué sur X qu'il avait "informé le secrétaire général de l'Otan [Mark Rutte] de la situation actuelle". Le commandement opérationnel de l'armée polonaise a remercié les alliés de l'Otan, et particulièrement les forces aériennes néerlandaises, pour leur "soutien" face à cette attaque. Les Pays-Bas ont confirmé leur participation à l'opération aérienne avec des avions F-35, tandis que l'Alliance atlantique a souligné que de "nombreux drones" avaient été "confrontés aux défenses aériennes polonaises et de l'Otan". Des batteries allemandes de systèmes de défense anti-aérienne Patriot, présentes en Pologne, ainsi qu'un avion italien de surveillance sont également entrés en action.
Que cette incursion ait été "intentionnelle ou non, elle est absolument irresponsable, dangereuse", a dénoncé le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte. "Mon message à Poutine est clair : mettez fin à la guerre en Ukraine (...) cessez de violer notre espace aérien et sachez que nous sommes vigilants et que nous défendrons chaque centimètre du territoire de l'Otan", a-t-il ajouté. Le président français, Emmanuel Macron, a condamné cette "incursion de drones de russes" en Pologne et appelé Moscou à cesser sans tarder "cette fuite en avant".
Mercredi matin, la Pologne a demandé à l'Otan d'activer l'article 4 du traité Atlantique. Ce dernier stipule que "les parties se consulteront chaque fois que, de l'avis de l'une d'elles, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des parties sera menacée". Depuis la création de l'Otan, en 1949, c'est la huitième fois que l'article 4 est invoqué, dont trois fois concernant l'invasion russe en Ukraine.
La Russie dément toute "intention" de frapper la Pologne
"Il n'y avait aucune intention d'attaquer des cibles sur le territoire polonais", a assuré le ministère de la Défense russe, sans pour autant confirmer que ces drones étaient bien entrés dans l'espace aérien polonais. "Nous sommes prêts à mener des consultations à ce sujet avec le ministère polonais de la Défense", a-t-il ajouté. Plus tôt dans la journée, l'ambassadeur russe en Pologne avait affirmé que Varsovie n'avait pas fourni pour l'heure de "preuves" sur l'origine russe présumée de ces drones et a dénoncé des accusations "infondées".
Des incursions de cette sorte se sont déjà produites dans le passé et il n'est pas rare que les drones russes visant l'Ukraine dévient fortement leurs trajectoires pour éviter la défense anti-aérienne de l'Otan, y compris en volant au-dessus de la Pologne. Varsovie avait adressé à la Russie, en août, une note de protestation après la chute et l'explosion d'un drone dans l'est du pays, qualifiant cet incident de "provocation délibérée". En décembre 2023, un missile russe avait traversé l'espace aérien polonais en survolant sa frontière avec l'Ukraine. En novembre 2022, un missile de la défense antiaérienne ukrainienne était tombé sur le village polonais de Przewodow, près de la frontière avec l'Ukraine, tuant deux civils.
Ce nouvel incident dans le ciel polonais est survenu au lendemain d'un avertissement du président polonais, Karol Nawrocki, qui avait estimé que le président russe, Vladimir Poutine, était prêt à envahir d'autres pays après l'Ukraine. Il s'inscrit aussi dans un contexte d'attaques intenses contre l'Ukraine ces dernières semaines. Selon Kiev, la Russie a lancé dans la nuit de mardi à mercredi 458 drones et missiles contre l'Ukraine. Durant le week-end, la Russie avait envoyé la plus grande vague de drones et missiles sur l'Ukraine depuis le début de la guerre, faisant plusieurs morts et blessés à travers le pays et frappant pour la première fois le siège du gouvernement. Au moins 805 drones et 13 missiles avaient alors été mobilisés par Moscou.
L'UE évoque "un acte intentionnel", l'Ukraine dénonce l'"impunité" de Vladimir Poutine
Selon la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, "les indications suggèrent qu'il s'agissait d'un acte intentionnel, non accidentel", a-t-elle écrit sur X. Lors de son discours sur l'état de l'Union européenne, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a dénoncé une violation "dangereuse" et "sans précédent" de l'espace aérien polonais par la Russie.
"L'Europe défendra chaque centimètre carré de son territoire."
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européennelors de son discours sur l'état de l'Union européenne
La Biélorussie, alliée de Moscou, a écarté la piste d'un ciblage volontaire de la Russie, affirmant avoir abattu elle aussi des drones dans son espace aérien durant la nuit. Le chef d'état-major biélorusse a évoqué des "drones errants" qui avaient "perdu leur trajectoire sous l'effet des moyens de guerre électronique" entre la Russie et l'Ukraine. Il a affirmé que l'armée biélorusse avait échangé toute la nuit avec la Pologne et la Lituanie pour les informer de "l'approche d'avions inconnus" vers leur territoire.
Autre point de vue à Kiev, où Volodymyr Zelensky a estimé que le vol de drones russes en Pologne constituait un "précédent extrêmement dangereux pour l'Europe", affirmant qu'au moins huit drones d'attaque russes étaient "dirigés vers la Pologne". Le président russe, Vladimir Poutine, "ne cesse d'intensifier, d'étendre sa guerre et de tester l'Occident", a réagi sur le réseau X le chef de la diplomatie ukrainienne, Andriï Sybiga. Selon lui, "le sentiment d'impunité de Poutine ne cesse de croître car il n'a pas été correctement puni pour ses crimes précédents".
"Les déclarations ont été nombreuses" de la part des représentants occidentaux, "mais jusqu'à présent, il y a un manque d'action", a ajouté Volodymyr Zelensky mercredi en début de soirée, dans son adresse quotidienne. Le président ukrainien a ainsi estimé que "la Russie n'a pas reçu de réponse ferme (…), une réponse qui se traduirait par des mesures concrètes".
Donald Trump s'agace de la "violation de l'espace aérien polonais"
Dans un message publié sur son réseau Truth Social, le président américain a réagi aux évènements de la journée : "Qu'est-ce qui se passe avec la Russie qui viole l'espace aérien polonais avec des drones ? C'est parti !", a écrit Donald Trump, dans sa première et succincte réaction depuis que l'Otan a aidé à intercepter ces drones que les Occidentaux jugent délibérément envoyés dans la nuit par la Russie.
Donald Trump doit s'entretenir avec le président nationaliste polonais Karol Nawrocki, a fait savoir un haut responsable de la Maison Blanche à l'AFP. Le président américain et son équipe "suivent les nouvelles en provenance de Pologne" a-t-il déclaré, sous couvert d'anonymat. Le chef d'Etat polonais a été reçu récemment de manière très amicale à la Maison Blanche, où Donald Trump lui a promis que les Etats-Unis continueraient à aider la Pologne à assurer sa propre sécurité.
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