Réseaux sociaux : pourquoi le milliardaire Pierre-Édouard Stérin s'intéresse à des comptes influents sur X, comme Cerfia

Article rédigé par franceinfo
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Le milliardaire français Pierre-Edouard Stérin a fait fortune avec la société de coffrets cadeaux Smartbox. (CAPTURE D'ECRAN OTIUM CAPITAL)
Le milliardaire français Pierre-Edouard Stérin a fait fortune avec la société de coffrets cadeaux Smartbox. (CAPTURE D'ECRAN OTIUM CAPITAL)

Une acquisition qui pourrait permettre au milliardaire de diffuser discrètement ses idées conservatrices auprès des jeunes, en vue des prochaines élections. Une stratégie d’influence qui inquiète certains experts.

Ce n'est pas passé inaperçu sur X. Le prétendu rachat du média "hybride" de relais d'actualité Cerfia, a agité le réseau social ces derniers jours de juin. Un compte très populaire, agrégateur d'informations, qui rassemble aujourd'hui plus d'1,2 million d'abonnés. Ce compte X fait aujourd'hui partie de la galaxie de Pierre-Édouard Stérin, le milliardaire catholique, via un empilement de plusieurs entreprises.

L'entreprise détenant la marque Cerfia, DM News, a récemment été acquise par une société liée au milliardaire. Il s'agit de la société Médiane, dans le giron d'Otium Impact, la holding d'investissements de Pierre-Édouard Stérin. Ce philanthrope et chef d'entreprise, qui a fait fortune en créant les boîtes cadeaux Smartbox, est décrié pour son objectif assumé de voir arriver l'extrême droite au pouvoir via son projet Périclès : un plan de 150 millions d'euros sur dix ans, investis pour faire gagner électoralement ses idées conservatrices et libérales.

Après l'échec du rachat de médias traditionnels, Pierre-Édouard Stérin s'intéresse visiblement à des comptes influents sur X, comme Cerfia. C'est en tout cas un nouvel épisode dans la stratégie d’influence du milliardaire.

Une stratégie "métapolitique"

Après les "loupés" Marianne et Bayard, voici donc l'alternative Cerfia. L'année dernière, Pierre-Édouard Stérin rachète le groupe Marmeladz, une agence d'influenceurs web. C'est à travers cette société que le milliardaire détient désormais indirectement Cerfia. Une acquisition certes moins clinquante qu'un média traditionnel, mais une brique importante dans une stratégie "métapolitique" : "c'est une vieille stratégie développée à l'extrême droite qui consiste, avant de prendre le pouvoir politique, à préparer les esprits", explique Tristan Boursier, docteur en sciences politiques et chercheur associé au Cevipof.

"L'idée de racheter des médias, ou d'autres éléments culturels au sens large du terme, rentre dans cette idée de diffuser et de faire infuser dans la société une certaine vision du monde qui puisse, sur le long terme, convaincre et aider à un agenda politique plus précis, avec, à la clé, un objectif électoral", indique le chercheur.

Or, le danger est bien là selon David Chavalarias, directeur de recherche au CNRS. Il étudie l'évolution de l'espace politique français et les techniques de manipulation de l'opinion. "Quand on rachète un média comme un compte X, c'est très différent d'un rachat d'un média comme Marianne, par exemple, où les journalistes peuvent éventuellement s'opposer à certaines lignes éditoriales. Quand vous rachetez un média comme Cerfia, vous pouvez changer du tout au tout sans que les abonnés du compte s'en rendent compte", décrypte-t-il.

"Et si, à un moment donné, ce compte X se met à diffuser de l'information orientée alors qu'avant il se voulait généraliste, alors il peut, sans que les utilisateurs ne s'en rendent vraiment compte, commencer à en manipuler les opinions…"

David Chavalarias, directeur de recherche au CNRS

à franceinfo

Avancer à couvert, faire de la politique sans le dire… Une manipulation qui pourrait servir, à l'aube d'élections qui s'approchent comme les municipales en 2026 et la présidentielle en 2027. Cerfia, un compte qui touche chaque mois des millions de jeunes très connectés, représente, de fait, un relais idéal pour diffuser ses idées de façon directe et virale, "parce que les jeunes sont plus vulnérables et sont moins politisés", analyse Tristan Boursier.

L'"exemple" Trump ?

"En tout cas, ils ont une identité politique encore en construction, précise le spécialiste. Sur le long terme, c'est aussi de potentiels électeurs. C'est un pari qu'a fait Donald Trump où, quelques années avant la dernière élection, il a été invité dans des podcasts masculinistes. Ils touchaient énormément les mineurs, mais une partie d'entre eux a eu l'âge de voter au moment de l'élection et cela a sans doute beaucoup aidé dans sa réélection", détaille le chercheur.

Contacté par franceinfo, l'un des bras droits de Pierre-Édouard Stérin botte en touche et indique que Cerfia "n'est pas chez Périclès", sans affirmer ou infirmer le prétendu rachat. En une semaine, le compte a perdu plus de 70 000 abonnés sur X, preuve de la méfiance du public.

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