Quatre questions sur Pierre-Édouard Stérin, ce milliardaire en "croisade idéologique", en plein bras de fer avec une commission de l'Assemblée nationale

Article rédigé par Stéphane Pair
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le milliardaire Pierre-Édouard Stérin, classé 94e fortune de France par l’hebdomadaire Challenges en 2017. (CAPTURE D'ECRAN Otium Capital (2018))
Le milliardaire Pierre-Édouard Stérin, classé 94e fortune de France par l’hebdomadaire Challenges en 2017. (CAPTURE D'ECRAN Otium Capital (2018))

L'homme d'affaires français, exilé en Belgique, a refusé à deux reprises de se présenter devant la commission parlementaire qui enquête sur la transparence du processus électoral. Son avocat a annoncé déposer plainte pour "une vague de menaces de mort et d'exhortations au meurtre" reçue par son client.

Le bras de fer continue entre le milliardaire Pierre-Édouard Stérin et l'Assemblée nationale. Après deux rendez-vous manqués, l'homme d'affaires doit répondre, mardi 20 mai, aux questions d'une commission parlementaire qui enquête sur la transparence du processus électoral. La veille, le milliardaire a annoncé son refus de se rendre à l'Assemblée, il veut s'expliquer par visioconférence mais les députés refusent cette solution.

1 Pourquoi le milliardaire s'entête-t-il à refuser de se rendre à sa convocation ?

La raison officielle, ce sont les conditions de sécurité, tant aux abords qu'à l'intérieur de l'Assemblée nationale, qui ne sont pas réunies pour venir devant cette commission. L'homme d'affaires a évoqué des menaces et son avocat a annoncé, lundi, déposer plainte pour "une vague de menaces de mort et d'exhortations au meurtre" reçue par son client, en lien avec "les débats récents autour du bien-fondé des actions philanthropiques de Monsieur Pierre-Édouard Stérin".

Selon Me Louis Cailliez, "des activistes d'extrême gauche ont décidé de sortir du cadre démocratique de la contestation des idées pour préconiser explicitement son assassinat comme mode d'action politique". Le milliardaire exige de pouvoir répondre aux questions des députés en visioconférence, depuis ses bureaux en Belgique où il s'est exilé fiscalement.

Un "faux argument", selon les députés de la commission qui rappellent que l'Assemblée assure la sécurité de chefs d'États. Le milliardaire est donc prié de venir s'expliquer en personne, à 11h mardi, sans quoi il s'expose à des sanctions pénales qui peuvent aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende.

2 Quel est son rapport aux milieux catholiques et ultra-conservateurs ?

Pierre-Édouard Stérin a 51 ans, il est le créateur des coffrets cadeaux Smartbox et le patron du fonds d'investissement Otium Capital. Il possède en outre la 104e fortune française, selon le magazine Challenges.

"Mes parents m'ont donné 5 000 euros en 2003 et donc 5 000 euros sont devenus 1,4 milliard d'euros au 1er janvier 2025. Mon ambition est de faire en sorte que cette somme-là devienne 5 milliards d'euros en 2030, décrivait l'entrepreneur auprès de la cellule investigation de Radio France en février dernier. Je me dis que, pour être un peu vulgaire, peut-être que c'est plus de fric pour plus de bien, plus de beaux projets qui œuvrent dans le bon sens afin de tirer la France vers le haut."

3 Qu'est-ce que "Périclès", la structure qu'il a lancée et qui intéresse particulièrement les députés ?

Le milliardaire qui ne fait pas mystère de son patriotisme économique utilise une partie de sa fortune pour restaurer les valeurs ultra-conservatrices et ultralibérales. La commission parlementaire s'intéresse particulièrement à "Périclès", une structure qu'a lancée Pierre-Édouard Stérin en 2003, acronyme de "Patriotes Enracinés Résistants Identitaires Chrétiens Libéraux Européens Souverainistes". 

"Périclès" finance, le plus souvent à perte, une myriade de cercles de réflexion, d'associations, de médias dont la plupart sont en lutte contre le wokisme, l'islamisme ou l'immigration. Près de 90 projets ont bénéficié, ou vont bénéficier, de 28 millions d'euros d'ici la fin de l'année. Le directeur général de Périclès, Arnaud Rérolle, s'était rendu devant la commission d'enquête le 6 mai. Il avait défini l'entreprise comme "une pépinière de projets métapolitiques", évoquant "médias" et "cercles de réflexion" pour "produire", "diffuser" et "promouvoir des idées dans l'espace public". 

Mais le principal cheval de bataille de "Périclès", est d'être la boîte à outils idéologiques et stratégiques pour l'union des droites, qui comprend l'extrême droite. Dans sa feuille de route révélée par le journal L'Humanité, "Périclès" dit avoir conclu un accord avec le Rassemblement national pour élaborer un plan de conquête de 300 villes lors des municipales de 2026. Un exemple parmi d'autres qui explique pourquoi les députés ont très envie de rencontrer, mardi, Pierre-Édouard Stérin, afin de parler "transparence électorale".

4 Que veulent demander les députés au milliardaire ?

Ces derniers mois, Pierre-Édouard Stérin a rencontré et sondé la plupart des personnalités de droite, comme Éric Ciotti, Marine Le Pen, Jordan Bardella ou encore Bruno Retailleau. "J'aimerais poser des questions, notamment sur les relations qui sont celles de M. Stérin avec des responsables politiques, indique Antoine Léaument, député LFI et rapporteur de cette commission d'enquête. Est-ce qu'il a eu une influence indirecte au moment de la dissolution ? Quels sont les liens qu'entretiennent certaines personnalités politiques avec M. Stérin ? Voilà les questions qui sont posées devant notre commission d'enquête, mais aussi à la nation toute entière, puisque si un homme peut décider d'utiliser son argent pour influencer les élections, alors nous sortons du cadre légal défini par la loi."

Le milliardaire dit vouloir injecter de l'argent supplémentaire dans "Périclès" d'ici 10 ans afin d'en faire un projet plus que jamais politique.

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