AD Laurent, Julien et Manon Tanti, Nasdas… Ce qu'il faut retenir de l'audition des influenceurs devant la commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok

Ces créateurs de contenus, désignés après une consultation citoyenne et jugés problématiques, ont été auditionnés par les députés qui travaillent à une meilleure régulation du réseau social chinois.

Article rédigé par franceinfo
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L'influenceur AD Laurent lors de son audition à l'Assemblée nationale, le 10 juin 2025 à Paris. (MATHILDE KACZKOWSKI / HANS LUCAS / AFP)
L'influenceur AD Laurent lors de son audition à l'Assemblée nationale, le 10 juin 2025 à Paris. (MATHILDE KACZKOWSKI / HANS LUCAS / AFP)

AD Laurent, Julien et Manon Tanti, Alex Hitchens, Nasdas. Ces influenceurs, très populaires chez les jeunes, ont été auditionnés mardi 10 juin par la commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs.

Ces créateurs de contenus jugés problématiques, qui comptent des millions d'abonnés sur les réseaux sociaux, avaient été convoqués à la suite d'une recommandation émise par une grande convention citoyenne afin de répondre aux députés. Ces derniers s'inquiètent des conséquences de l'utilisation massive du réseau social chinois sur le développement des plus jeunes et étudient des pistes pour mieux le réguler. Voici ce qu'il faut retenir de ces auditions.

Ils avaient été pointés du doigt lors d'une consultation citoyenne

Les cinq influenceurs avaient été désignés par une grande consultation citoyenne. Les participants avaient jugé ces créateurs de contenus problématiques en raison de leurs discours sur TikTok et de la jeunesse de leur audience. La première personne auditionnée, Alex Hitchens (Isac Mayembo de son vrai nom), se dit expert en tout (séduction, développement personnel, business) et véhicule un discours masculiniste, tout comme AD Laurent (Adrien Laurent), qui lui a succédé. Ce dernier, connu pour avoir participé à plusieurs émissions de télé-réalité avant de se reconvertir dans le porno, a vu son compte TikTok être supprimé mi-mai. Le contenu qu'il diffusait a été jugé "extrêmement préoccupant" par la ministre de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, qui a évoqué des "vidéos décrivant des pratiques sexuelles violentes et sans consentement".

Un couple a ensuite été auditionné : Julien et Manon Tanti. Les deux influenceurs, venus eux aussi de la télé-réalité, cumulent plusieurs millions d'abonnés sur Instagram, TikTok ou encore Snapchat. Ils y diffusent leur quotidien avec leurs deux jeunes enfants de 4 et 7 ans, ce qui a été jugé préoccupant par le président de la commission, Arthur Delaporte (PS), "parce que ça porte parfois atteinte à l'image de ces enfants". Ils publient également des contenus "parfois dégradants et humiliants", estime le député, interrogé par TF1 avant l'audition. Julien Tanti a aussi été condamné pour "pratiques commerciales trompeuses".

Le dernier influenceur auditionné, Nasdas (Nasser Sari), est particulièrement suivi sur Snapchat, où il compte plus de neuf millions de suiveurs. Il s'est fait connaître en distribuant de l'argent à ses abonnés (notamment des jeunes) lors de jeux et a été épinglé pour sa propension à mettre en scène des personnes en difficulté sur les réseaux sociaux. Il a récemment mis fin à son activité.

Ils ont défendu leur activité et la "liberté d'expression"

Le président de la commission d'enquête avait prévenu que cette commission n'était "pas un tribunal". En vain. Les échanges entre les députés et les influenceurs n'ont pas toujours été très constructifs. Alex Hitchens, AD Laurent et les autres ont abordé les questions posées sur la défensive. Ils se sont principalement bornés à expliquer leur activité, tout en rejetant les accusations à leur encontre. Manon Tanti a ainsi déploré une " condamnation sans débat" et des "attaques gratuites" après les propos d'Arthur Delaporte, qui a dénoncé le comportement des différents influenceurs.

Revenant sur la suppression de son compte TikTok, AD Laurent a pour sa part fustigé un bannissement "fondé sur des raisons politiques". Alors qu'il est populaire chez les jeunes – collégiens, lycéens, voire élèves de CM2, selon les membres de la commission – Adrien Laurent s'est dédouané de toute responsabilité vis-à-vis du jeune public. "Je suis un créateur de contenus, pas un éducateur ni un parent", a-t-il dit, en expliquant que les règles de la plateforme TikTok n'étaient pas de son ressort. Interrogé sur ses positions masculinistes et irrespectueuses envers les femmes, Alex Hitchens a pour sa part jugé ses propos "pas problématiques" et brandi la notion de "liberté d'expression".

Ils ont soumis (peu) de recommandations pour faire évoluer TikTok

L'objectif de ces auditions, qui visait aussi à permettre de mieux "réguler" le réseau social selon Arthur Delaporte, n'a pas franchement été atteint. Les influenceurs ont soumis peu de propositions pour faire évoluer la plateforme, alors que les débats, menés par des députés parfois peu au fait du fonctionnement de TikTok, ont à plusieurs reprises dévié vers les réseaux sociaux dans leur ensemble. Plusieurs ont néanmoins admis que la plateforme avait des effets négatifs, comme Alex Hitchens lors de sa courte audition. "TikTok est une plateforme néfaste pour les jeunes si elle est mal encadrée", a-t-il jugé à propos d'un réseau social où "plus [un contenu] choque, plus ça marche".

AD Laurent et Nasdas, qui ont renvoyé les parents à leur "responsabilité" dans l'usage de TikTok par leurs enfants, se sont dits favorables à une évolution de l'âge requis pour s'y inscrire (13 ans actuellement). Manon Tanti a, quant à elle, estimé qu'exiger une pièce d'identité à l'inscription sur les réseaux sociaux, et singulièrement sur TikTok, permettrait d'éviter l'exposition des jeunes à certains contenus, tout en luttant contre "le harcèlement" scolaire. "C'est bien de réagir, notamment en limitant le nombre d'heures, mais n'est-ce pas un peu trop tard ?", s'est enfin interrogé Nasdas.

Alex Hitchens a quitté l'audition sans autorisation

Censée durer quarante-cinq minutes, l'audition du premier influenceur s'est terminée au bout d'une vingtaine de minutes. Alex Hitchens, qui était interrogé à distance, a quitté la visioconférence sans autorisation et sans prévenir après un échange avec le président de la commission. L'influenceur, qui prêtait pourtant sous serment, n'a pas apprécié qu'Arthur Delaporte reprenne la parole et lui coupe le micro. Il a donc décidé d'écourter son audition, ce qui a donné lieu à une suspension de l'audition pendant quinze minutes. Le président de la commission d'enquête n'a pas commenté cet incident.

L'audition de Nasdas a, elle aussi, donné lieu à des échanges tendus avec les députés. Une première fois, lorsqu'il a été interrogé sur ses liens avec un parti politique (il s'était dit ouvert à une candidature aux élections législatives en 2022 dans un article du Guardian), une autre sur des propos jugés racistes et relayés dans l'une de ses vidéos.

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