Lutte contre la haine sur internet : cinq questions sur la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale
Emmanuel Macron avait promis il y a un an qu'il s'attaquerait à ce chantier. Les députés ont voté, mardi, à 434 voix pour et 33 voix contre.
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Est-il possible de bannir les discours haineux de Google et de Facebook ? L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, mardi 9 juillet, la proposition de loi LREM de lutte contre la haine sur internet. Les députés ont voté à 434 voix pour, et 33 voix contre.
Le texte, qui contraint les plateformes à agir malgré leurs réticences, est controversé. La plupart des groupes politiques, de la majorité LREM-MoDem à LR et PS, se sont prononcés pour, afin d'envoyer un signal contre la cyber-haine. Les plus critiques ont été partagés entre abstention et vote contre, La France insoumise en tête qui juge que "sous prétexte de responsabiliser les plateformes", la proposition de loi "déresponsabilise l'Etat". Franceinfo fait le point sur ce texte.
Que contient ce texte ?
Parmi les mesures clés, celle qui oblige les plateformes et les moteurs de recherche à retirer sous 24 heures les contenus haineux qui ciblent l'appartenance ethnique, la religion, l'orientation sexuelle ou encore le handicap. Les députés ont ajouté à cette liste la provocation au terrorisme et la pédopornographie. Si les plateformes refusent de retirer ces contenus, elles se verront infliger une amende de 1,25 million d'euros.
Autre mesure phare : la mise en place d'un "bouton" commun à toutes les plateformes. "Il y aura un bouton obligatoire, très facile à voir, qui permettra de signaler tout contenu que vous jugez haineux, a déclaré à franceinfo Cédric O, secrétaire d'Etat chargé du Numérique. In fine c'est la justice, elle seule, qui pourra déterminer si un contenu est légal ou illégal."
Les plateformes devront aussi rendre compte des "actions et moyens" mis en œuvre. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) veillera au respect du devoir de coopération et pourra théoriquement, en cas de manquement persistant, imposer une sanction allant jusqu'à 4% du chiffre d'affaires annuel mondial.
Enfin, le texte prévoit l'obligation pour les plateformes de coopérer avec la justice. Fin juin, Facebook avait accepté de fournir à la justice française les adresses IP des auteurs de propos haineux sur internet. Auparavant, le réseau social ne les fournissait que lorsqu'il s'agissait de dossiers relevant du terrorisme ou de la pédopornographie.
Pourquoi arrive-t-il maintenant ?
A l'occasion du dîner du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), le 20 février, Emmanuel Macron avait annoncé que la députée Laetitia Avia allait déposer une proposition de loi pour lutter contre la haine sur internet. Initialement prévue pour le mois de mai, cette proposition de loi arrive avec quelques semaines de retard à l'Assemblée nationale en ce début du mois de juillet.
En réalité, le gouvernement planche sur cette question depuis plusieurs mois. En septembre 2018, Laetitia Avia, elle-même victime de propos haineux, avait coécrit un rapport (en PDF) commandé par le président de la République et le Premier ministre.
Comment réagissent les professionnels du numérique ?
Il y a un mois, le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, avait appelé à "travailler avec les gouvernements pour déterminer ce qu'il faut faire". Facebook a pourtant fait part de son inquiétude vis-à-vis du projet de loi, notamment sur l'obligation de retrait. Cette fonctionnalité obligera les applications à agir rapidement au risque d'une cascade de polémiques.
Les trois principales organisations françaises de professionnels du numérique (Tech in France, Syntec Numérique et l'Asic) estiment que les députés visent trop large dans les contenus, "au risque de compromettre" l'application. Ils regrettent aussi l'intégration des moteurs de recherche dans le champ d'application de la proposition de loi.
Pourquoi ça fait polémique en France ?
Du côté des associations, la proposition de loi n'a pas non plus convaincu. "Le gouvernement ne veut pas du tout régler ce problème de haine en ligne", dénonce Arthur Messaud, juriste à La Quadrature du net (association de défense des droits et libertés des citoyens sur internet), mercredi, au micro de franceinfo. "Cette loi-là n’apporte pas de grande nouveauté dans le fond, elle vient juste renforcer des choses qui existaient avant et renforcer les dérives de censure politique", poursuit Arthur Messaud.
Les députés eux, soutiennent le combat contre la cyberhaine, mais expriment des réserves sur cette proposition de loi. "Il faudra des moyens financiers et humains extrêmement importants, pour la justice, pour la police, pour l'éducation", alerte ainsi Hervé Saulignac (PS). Les Insoumis vont plus loin, jugeant le dispositif "dangereux pour la liberté d'expression".
Est-ce que ça existe ailleurs en Europe ?
En Allemagne, il existe la loi sur l'amélioration de l'application du droit dans les réseaux sociaux. Les plateformes doivent ainsi supprimer sous 24 heures certaines messages considérés comme diffamatoires, haineux ou même des infox. Les géants du numérique doivent aussi publier, tous les six mois, le détail des contenus supprimés et les motifs de leur suppression. Mais pour signaler ces contenus, les utilisateurs doivent trouver une page cachée dans les paramètres de Facebook, ce qui freine le processus.
La loi est entrée en vigueur il y a un an et demi. Facebook a déjà été pris dans les filets de la justice allemande, qui lui a infligé une amende de 2 millions d'euros, le 2 juillet. Elle lui reproche de ne pas communiquer de façon claire le nombre exact de contenus supprimés.
En dehors des exemples allemand et français, l'Europe a aussi lancé une initiative de régulation. La Commission européenne a mis en place, en 2016, le "code de bonne conduite contre la haine en ligne". Il a été signé par les principales entreprises, notamment Facebook, Instagram et YouTube. Ces géants du web se sont engagés à signaler les contenus haineux en ligne en moins de 24 heures. 89% des 4 392 publications problématiques ont été signalées dans les délais, comme l'explique Le Figaro. Ce chiffre était seulement de 40% lors du lancement du dispositif.
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