Au procès Kabou, les images déchirantes de la petite Adélaïde
Fabienne Kabou est jugée depuis lundi devant la cour d’assises de Saint-Omer pour avoir noyé sa fille de 15 mois sur une plage à Berck-sur-mer en 2013.
Le mystère de l’affaire Kabou tient dans ces quelques minutes de film. Sur une vidéo filmée avec un téléphone portable, projetée devant la cour d’assises de Saint-Omer mercredi 22 juin, on découvre un bébé joufflu de six mois environ. Sa mère, qui tient l’appareil, répète inlassablement son surnom d’un ton affectueux : "Ada, Ada, Ada". Gazouillis et roucoulades lui répondent. Quelques mois plus tard, cette même mère déposera son bébé sur une plage de Berck-sur-Mer, à marée montante, pour "mettre fin à ses jours", le 19 novembre 2013.
Depuis lundi, la cour d’assises tente de comprendre l’incompréhensible. Comment Fabienne Kabou, cette femme à l’intelligence supérieure, troublante de beauté et de rationnalité, en est-elle arrivée à cette extrémité ? Chacun a sa réponse. L’officier de police judiciaire qui l’a auditionnée après son arrestation en décembre 2013 a apporté la sienne, mercredi matin à la barre : depuis la grossesse, vécue dans une sorte de "déni", cet enfant était "une entrave" aux projets de l’accusée : "poursuivre ces études, trouver un emploi, déménager de l’atelier" où elle vivait avec son compagnon Michel Lafon.
Cette petite est arrivée comme un cadeau, elle s’en est très bien occupée. Au bout de 15 mois, ce cadeau ne lui faisait plus plaisir.
Une grossesse dissimulée à sa mère
Selon cet enquêteur, Fabienne Kabou a "échafaudé" son projet de supprimer son enfant depuis longtemps. Un "long processus qu’elle a mis en œuvre" et dont l’issue devenait "inévitable". Cette analyse toute personnelle, et qui outrepasse la qualité de policier du témoin, est partagée par l’accusation, qui voit en l’accusée une femme manipulatrice et cynique. Certains éléments du dossier lui donnent raison, comme le fait de ne pas parler à sa mère, dont elle est très proche, de sa grossesse et de la naissance de sa fille. Ou comme cette évocation tardive de la "sorcellerie" pour justifier son geste, sur une question orientée du juge d’instruction.
Mais un dossier ne résiste pas toujours aux assises. Et depuis le début des débats, c’est une femme enfermée dans sa logique délirante qui apparaît à l’audience. Son discours policé et froid, son arrogance, son détachement à l’égard des faits qu’elle a commis rendent la tâche très difficile à son avocate, Fabienne Roy-Nansion. Ce comportement trahit pourtant la faille béante de Fabienne Kabou.
Cette jeune femme, qui s’efface progressivement de la société depuis des années, a été jusqu’à faire disparaître son propre enfant, à qui elle n’a pas donné d'état civil, pas d’existence propre, si ce n’est à l’intérieur de cet atelier dont elle ne la sortait jamais. Selon certains experts, "c’est elle-même qu’elle supprime à travers sa fille après avoir tenté d’être une 'bonne mère' pour son enfant". Si Fabienne Kabou n’avait pas donné son nom à l’hôtelier de Berck, si la mer avait emporté le corps d’Adélaïde, il est possible que cet enfant ait disparu complètement.
L'accusée a "semé des petits cailloux"
Mais Fabienne Kabou a "semé des petits cailloux", menant les enquêteurs jusqu’à elle. "Si tout était logique dans cette affaire, nous ne serions pas ici", a relevé, fort à propos, un autre policier à la barre mardi. Les photos d’Adelaïde, projetées dans un silence déchirant à l’audience, sont une nouvelle illustration des nombreuses contradictions de l’accusée, à l’esprit insondable. Tantôt au sein, tantôt endormi, le nourrisson aux cheveux noirs grandit. A 13 mois, la petite fille, assise, regarde fièrement l’objectif de son père, celui que Fabienne Kabou a qualifié tour à tour de "géniteur" et de "père affectueux". "Nous aurions pu être heureux à trois, tout aurait pu s’arranger si Fabienne avait dit la vérité", a estimé Michel Lafon à la barre mardi, dans une tentative désespérée de comprendre.
Prendre le chemin qu’elle a pris, pour moi c’est inconcevable.
Les psychiatres et psychologues viendront déposer à la barre mercredi et jeudi. Tous ont retenu l’altération du discernement de l’accusée au moment des faits mais un seul collège d’experts estime que l’accusée souffre d’une maladie mentale, une psychose délirante chronique. Elle reste, malgré tout, accessible à une sanction pénale et encourt la perpétuité. Le verdict sera rendu vendredi.
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