Sommet sur l'océan à Nice : quatre questions sur le traité pour protéger la haute mer, qui pourra bientôt être mis en œuvre selon Emmanuel Macron
Prenant la parole en ouverture de l'Unoc 2025, Emmanuel Macron a assuré lundi matin que le texte allait pouvoir être "mis en œuvre". Il doit permettre de mieux protéger les zones maritimes ne relevant pas de juridictions nationales.
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Près de la moitié de la surface du globe est concernée. En ouverture de la troisième Conférence des Nations Unies sur l'océan (Unoc), lundi 9 juin, à Nice, Emmanuel Macron a assuré que le traité sur la haute mer allait être ratifié par suffisamment de pays pour pouvoir être "mis en œuvre". Fruit d'interminables négociations, ce texte sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, communément appelé "traité BBNJ" (en vertu de son acronyme anglais), doit protéger les recoins les plus éloignées de nos océans. Voici ce qu'il faut savoir pour tout comprendre de la portée de cette annonce qui figurait parmi les priorités du gouvernement français pour ce sommet.
Quelles sont les zones que ce traité doit protéger ?
En partant de votre serviette de plage, les 22 premiers kilomètres constituent la mer territoriale du pays où vous vous trouvez. Ensuite, sa zone économique exclusive (ZEE) s'étend jusqu'à 200 milles nautiques (soir environ 370 km). Mais quid de l'immensité qui s'étend au-delà de ces frontières, réglementées depuis 1982 par la Convention de Montego Bay ? Ces "zones ne relevant pas de la juridiction nationale" sont justement l'objet du traité.
Au sein de cette surface immense, aucun Etat ne peut prétendre asseoir sa souveraineté ni faire valoir sa juridiction. Le principe dit "de liberté des mers" y consacre pour tous "la liberté de navigation, de survol, de pose de câbles et pipelines sous-marins, de création d'îles artificielles autorisées par le droit international, de pêche et de recherche scientifique", rappelle le site gouvernemental vie-publique.fr. Ainsi, puisque la haute mer n'appartient à personne, elle appartient à tout le monde. Or les pollutions (dont les plastiques), la surpêche, les canicules marines dévastatrices et les convoitises en tout genre des multinationales, ne s'arrêtent pas à la bouée rouge.
Que prévoit concrètement ce traité ?
Si la haute mer appartient à tout le monde, c'est donc à la communauté internationale tout entière d'en prendre soin. Dans ce traité de 53 pages, l'ONU établit ainsi les règles de ces surfaces partagées. Les pays signataires du traité (appellés "parties" dans le langage des Nations unies) doivent coopérer pour protéger ces espaces, en travaillant à identifier et gérer des aires marines protégées, ou en y régulant si besoin certaines activités, comme la pêche, le transport maritime, l'exploitation de ressources minières ou la recherche scientifique.
Une fois le traité entré en vigueur, "il permettra la création de réseaux d'aires marines protégées. Mais il garantira également qu'aucune nouvelle activité ayant un impact significatif sur la vie marine ne puisse être entreprise sans une évaluation d'impact", s'est enthousiasmée Jessica Battle, experte principale en gouvernance et politiques mondiales des océans du Fonds mondial pour la nature (WWF), lors d'une réunion à Nice consacrée à cette course contre la montre pour protéger ces écosystèmes longtemps négligés.
Pour discuter de ces mesures, les pays signataires se donneront rendez-vous régulièrement lors de Conférences des parties (COP). Selon le traité, la première COP de la haute mer verra le jour un an après l'entrée en vigueur de l'accord. Au sein de ce nouvel organe, les Etats pourront voter pour les mesures de protections à mettre en place, y compris en urgence "lorsqu'un phénomène naturel ou une catastrophe d'origine humaine a causé ou est susceptible de causer un dommage grave ou irréversible à la diversité biologique marine" dans cette zone, précise le traité.
Quand ce traité doit-il entrer en vigueur ?
Le traité a été discuté et débattu pendant une vingtaine d'années avant d'être adopté par les pays membres de l'ONU en juin 2023. Toutefois, pour entrer en vigueur, il doit d'abord être ratifié par au moins 60 pays. Après quoi, il faudra attendre 120 jours. Chargée d'organiser la troisième Conférence de l'ONU sur l'océan, la France a mis les bouchées doubles pour atteindre ce seuil et l'annoncer lors de cette Unoc-3.
Le texte a pour l'instant officiellement été ratifié par 31 pays (principalement des Etats européens et du Pacifique) ainsi que l'Union européenne, selon les Nations unies. Mais la France, qui coorganise le sommet sur l'océan, a affirmé par la voix du chef de l'Etat qu'une "cinquantaine" de pays l'ont désormais ratifié et que "quinze" autres se sont "engagés à les rejoindre" à l'occasion de l'Unoc 2025. D'où le "c'est donc gagné", lancé lundi matin par un Emmanuel Macron enthousiaste.
L'entourage du ministre de la Francophonie, Thani Mohamed-Soilihi, évoque "des dizaines de coups de fil" pour pousser ses homologues au Vanuatu, aux Seychelles, à Maurice ou à la Dominique, à accélérer la ratification du traité à l'approche du sommet. "Il y a une dynamique extrêmement forte qui a été enclenchée grâce à la mobilisation française", se félicitait, juste avant l'Unoc-3, le ministère de la Transition écologique. "La Convention de Montego Bay de 1982, que le traité sur la haute mer vient compléter, a mis 20 ans pour entrer en vigueur. Il n'y a jamais eu une ratification aussi rapide." Une salle spéciale a été mise à disposition au sein de la zone bleue (cœur des discussions entre les officiels et les délégations à Nice), pour que ces derniers puissent déposer leurs instruments de ratification et finaliser la procédure.
Ce traité sera-t-il suffisant ?
"Pour que le traité soit efficace, il faudra l'adhésion du plus grand nombre d'Etats possible, et nous espérons que d'autres suivront", a insisté Jessica Battle, du WWF. "Ce n'est qu'alors que nous verrons une véritable collaboration internationale pour la santé des océans en haute mer", a-t-elle ajouté. "Il reste encore beaucoup à faire, mais les progrès réalisés aujourd'hui à Nice devraient nous inciter à accélérer l'action", a abondé Ashleigh McGovern, vice-présidente du centre pour les océans de l'ONG Conservation International, lors de la réunion sur le traité.
Encore faut-il que les Etats s'accordent sur des objectifs ambitieux, a pour sa part noté Catherine Weller, directrice de la politique mondiale de l'ONG Fauna and Flora. "Les pays ont enfin cessé de traîner les pieds", s'est-elle réjouie. Mais "il faut maintenant que les pays qui se sont engagés à ratifier finalisent les derniers détails techniques ; ensuite, le vrai travail pourra commencer."
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