Suspension de la réforme des retraites : l'exécutif tente de dédramatiser le couac entre Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu

Le président de la République a semé le trouble mardi en affirmant qu'il ne s'agissait ni d'une suspension, ni d'une abrogation. Mais le Premier ministre a insisté mercredi au Sénat, et entend donner des garanties de sa bonne foi, en particulier au Parti socialiste.

Article rédigé par franceinfo
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Le Premier ministre Sébastien Lecornu, le 22 octobre 2025 à l'Assemblée nationale. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP)
Le Premier ministre Sébastien Lecornu, le 22 octobre 2025 à l'Assemblée nationale. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP)

Y a-t-il un plan caché ou une entourloupe autour de la suspension de la réforme des retraites ? Mardi 21 octobre, depuis la Slovénie, Emmanuel Macron a semé le trouble en affirmant qu'il ne s'agissait ni d'une suspension, ni d'une abrogation, là où Sébastien Lecornu avait bien offert le scalp de la réforme de 2023 au Parti socialiste, pour éviter la censure. Et voilà le gouvernement contraint de cacher, non sans mal, sa gêne.

Le gouvernement parvient-il à lever l'ambiguïté ? Moyennement, mais appelons les choses par leur nom : c'est un couac. Emmanuel Macron, en Slovénie, semblait ne pas vouloir entendre parler du mot "suspension", au point d'instiller le doute. Le mot est pourtant magique, très symbolique aux oreilles des socialistes, qui crient victoire depuis une semaine. Alors, le Premier ministre Sébastien Lecornu continue de le répéter à l'envi, encore mercredi après-midi au Sénat : "L'urgence qui va s'imposer évidemment pour tout le monde, c'est l'urgence budgétaire avec, d'ailleurs, de grands défis qui sont derrière : le rétablissement de nos finances publiques, les cibles des déficits, lance-t-il. Cette suspension, puisqu'il s'agit d'une suspension, n'a de sens que si ces questions sont posées, et on ne pourra pas les balayer d'un revers de main. Ces débats sont importants, peu importe les querelles politiques, et je m'attends à ce que le gouvernement s'en tienne le plus loin possible."

"C'est un gouvernement qui doit se tenir à la disposition du Parlement pour mener ces débats avec beaucoup de dignité et, j'espère, beaucoup de hauteur de vue au service de la République."

Ssébastien Lecornu, Premier ministre

mercredi 22 octobre au Sénat

Traduction : fermez le banc. Pas question de tout saccager ou de prendre le risque d'abîmer le lien de confiance tissé avec le PS depuis l'arrivée de Sébastien Lecornu à Matignon. "Ce qu'on a mis dans la corbeille pour bâtir un compromis, c'est très important", embraye un conseiller. Suspendre la réforme de 2023 est douloureux pour les macronistes, le président a du mal à avaler la pilule, mais avec ce début de polémique, Emmanuel Macron prend aussi le risque de fragiliser son Premier ministre.

Voilà donc le chef du gouvernement obligé de donner des garanties de sa bonne foi. En gage de bonne volonté, Sébastien Lecornu présente une lettre rectificative, pour insérer dans le projet de budget de la Sécurité sociale la suspension de la réforme des retraites. Cela permet en quelque sorte de graver dans le marbre ce qui a été convenu avec les socialistes. Une procédure technique qui va entraîner la convocation d'un deuxième Conseil des ministres en deux jours, jeudi.

"Il ne faut pas en faire des tonnes"

Mercredi midi, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon tentait de dédramatiser. "Je vois bien la tentation qu'ont les uns et les autres à [enfoncer] un coin entre le président de la République et le Premier ministre, observe-t-elle. Moi, je le dis très simplement, il n'y a pas d'entourloupe, pas de plan caché. Le président de la République, lorsqu'il s'exprime mardi, parle uniquement la mesure d'âge et ne dit pas autre chose que le Premier ministre lorsqu'il répond aux questions au gouvernement. Encore une fois, les mesures, tant sur l'âge que sur la durée de cotisation, sont suspendues jusqu'à la présidentielle. C'est vous qui voulez en faire un couac !"

C'est le premier accroc malgré tout entre Emmanuel Macron et son Premier ministre, à qui il avait promis de laisser carte blanche. "Il ne faut pas en faire des tonnes", évacue un soutien en coulisses, qui rappelle que le Conseil des ministres qui va entériner cette suspension jeudi est convoqué par le président lui-même. Au menu : l'examen de la fameuse lettre rectificative. Un signe, à l'entendre, de la bonne volonté d'Emmanuel Macron. Tendre la main et nouer des compromis, c'est important pour un président attaché à son héritage, convaincu du bien-fondé de sa réforme de 2023, sommé de partager le pouvoir par ses alliés d'hier et qui a pris ici le risque d'ouvrir une bataille sémantique.

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