Réforme des retraites : comment le Conseil constitutionnel procède avant de rendre sa décision
Les Sages se prononceront vendredi sur le très contesté projet de loi après examen du texte et délibération. Trois options sont possibles : une validation de la réforme, une censure partielle ou une censure totale.
C'est au 2, rue de Montpensier, à Paris, que va se jouer une part de l'avenir de la réforme des retraites. Le Conseil constitutionnel doit rendre, vendredi 14 avril, une décision particulièrement attendue sur ce texte très controversé. Pas moins de quatre recours ont été adressés aux Sages, les neufs membres qui composent le Conseil : l'un émane de la Nupes, un autre des sénateurs de gauche, un troisième du Rassemblement national et un dernier de la Première ministre, Elisabeth Borne.
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Institution relativement peu connue du grand public, le Conseil constitutionnel a notamment "la charge du contrôle de conformité de la loi à la Constitution". Il peut être saisi sur la constitutionnalité d'une loi avant sa promulgation (contrôle a priori), comme c'est le cas pour la réforme des retraites, ou après (contrôle a posteriori), via une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) préalablement déposée devant une juridiction judiciaire ou administrative qui doit se prononcer sur sa recevabilité.
Une fois qu'il est saisi, le Conseil constitutionnel a un mois pour rendre sa décision. Ce délai peut être raccourci à huit jours si l'institution est saisie en urgence, ce qui n'a pas été le cas pour la réforme des retraites. Le temps dont il dispose pour se décider s'étend à trois mois pour une QPC. Franceinfo vous résume les différentes étapes du travail des Sages après une saisine.
1 L'examen du texte
"L'instruction des affaires est confiée à un membre du Conseil désigné comme rapporteur par le président, sauf en matière de contentieux électoral [que peut aussi aborder le Conseil]", explique le site de l'institution. Dans le cas de la réforme des retraites, c'est le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, qui a désigné un rapporteur, chargé d'examiner le texte et les arguments avancés dans les saisines, afin d'établir un rapport à partir de ces éléments.
Dans leurs saisines respectives, les parlementaires qui font appel au Conseil sur la réforme des retraites ont pointé plusieurs éléments qui, selon eux, pourraient donner lieu à une censure constitutionnelle. Le Conseil peut aussi se voir adresser une "saisine blanche", comme a choisi de le faire Elisabeth Borne, pour un examen général du texte sans motifs particuliers.
"Le rapporteur va travailler avec le service juridique du Conseil, éventuellement entendre les signataires du recours, puis rédiger son rapport", détaille à franceinfo un ancien Sage. Le 4 avril, le Conseil a ainsi auditionné des députés de gauche et du petit groupe indépendant Liot, qui ont plaidé pour une censure totale de la réforme. "En général, une réunion a légalement lieu entre le rapporteur, le secrétaire général du Conseil et le secrétaire général du gouvernement", complète Lauréline Fontaine, professeure de droit constitutionnel à l'université Sorbonne-Nouvelle Paris 3.
2 La délibération
Une fois que le rapporteur a rédigé son rapport, il expose ses conclusions devant ses collègues. Puis les Sages délibèrent afin de se prononcer. Leurs décisions "sont prises collectivement", explique un ancien membre du Conseil. "Le président passe la parole à chaque membre. Chacun, après avoir entendu le rapporteur, va se déterminer en fonction de son rapport, dire s'il est d'accord ou pas", livre-t-il, insistant sur le caractère "juridique" de l'argumentaire.
"Il peut y avoir des arrière-pensées politiques [lors des délibérations], mais il faut avancer des arguments juridiques."
Un ancien membre du Conseil constitutionnelà franceinfo
"Une fois que tout le monde s'est exprimé, il y a un vote, puis chaque membre prend à nouveau la parole pour expliquer, juridiquement toujours, son choix", poursuit l'ancien Sage, précisant que "le président vote en dernier". Pourquoi ? "En cas de partage, la voix du président est prépondérante", précise le site du Conseil constitutionnel. Le nombre de membres étant impair, le président de l'institution a la possibilité de faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre en cas d'égalité.
3 Le rendu de la décision
Dans le cadre de la réforme des retraites, les Sages ont trois possibilités : valider le texte dans son intégralité en le déclarant entièrement conforme à la Constitution, l'invalider partiellement, en censurant seulement quelques dispositions, ou l'invalider complètement, ce qui reviendrait à estimer que l'ensemble du texte est contraire à la Constitution.
Si la décision finale est rendue publique, ce n'est pas le cas des délibérations ni des votes. Impossible, donc, de connaitre la teneur des débats, de savoir si la décision a été adoptée à l'unanimité ou bien à quelle majorité. "Les membres ne peuvent pas non plus publier [dans les médias] d'opinions concordantes ou dissidentes" avec la décision, ajoute la professeure de droit constitutionnel Lauréline Fontaine. Les délibérations sont toutefois "consignées par un greffier", précise un ancien membre du Conseil. Ces documents sont ensuite conservés comme archive publique. Ils sont consultables vingt-cinq ans ans après leur création.
4 Les conséquences de la décision
Si les Sages optent pour une validation du projet de loi, la réforme des retraites pourra être promulguée par le chef de l'Etat. En revanche, les choses se compliquent en cas de censure partielle. "Il y a deux possibilités : soit le président de la République demande une seconde délibération, auquel cas, il peut y avoir un nouveau vote sur le texte, avec des dispositions nouvelles introduites par le gouvernement. Soit le texte est promulgué en l'état, moins les mesures censurées par le Conseil", détaille Benjamin Morel, maître de conférences en droit public.
En cas de censure totale d'un texte, la loi ne peut pas être promulguée et n'entre pas en vigueur. "Vous n'avez pas d'autres choix que d'abandonner votre loi. Dans le cas de la réforme des retraites, si le Conseil estime que c'est le véhicule législatif qui ne convient pas à la réforme – en l'occurrence un projet de loi de finances rectificative de la Sécurité sociale –, il faut la redéposer sous la forme d'un projet de loi classique", poursuit Benjamin Morel. Pour le gouvernement, cela équivaudrait à un retour à la case départ, et à repasser par le processus parlementaire à l'Assemblée nationale et au Sénat.
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