: Reportage "Ça me rend fier" : malgré un avenir en suspens, les dispositifs Territoires zéro chômeur de longue durée poursuivent leur mission
Alors que sa pérennisation reste incertaine, le projet Territoires zéro chômeur poursuit sa mission sociale. À Poitiers, des anciens chômeurs de longue durée retrouvent dignité et stabilité grâce à l’économie solidaire.
Un avenir en question. Alors que l'examen de la proposition de loi visant à pérenniser l'expérimentation des Territoires zéro chômeur de longue durée est repoussé à cet automne, l'association qui pilote ce projet tient vendredi 13 juin son assemblée générale. L'occasion de dresser un bilan de ce dispositif lancé en 2016, qui vise à embaucher en CDI dans des entreprises de l'économie sociale et solidaire des personnes longtemps privées d'emploi. En neuf ans, plus de 4 000 personnes ont ainsi été recrutées partout en France.
À Poitiers, Territoires zéro chômeur a créé deux entreprises, dont Papiole, qui tient notamment une ressourcerie de jouets. Derrière son comptoir, Manu, 36 ans, sépare méticuleusement les différents jouets : "On va trier toutes les petites pièces. Là les figurines Barbie et Action Man." Il y a cinq ans, un accident de travail le prive de son emploi de serveur. "J'ai eu un handicap à la main, je me suis fait opérer et du coup, je n'ai pas le droit de porter plus de dix kilos", explique-t-il.
Et puis il y a deux ans, après avoir alterné périodes de chômage et petits boulots, l'association Territoire zéro chômeur de longue durée lui propose un CDI chez Papiole. "C'est au contact des clients ou distribuer des flyers, c'est présenter des événements. Ça me rend fier parce que ça me fait un sens dans ma vie", raconte Manu. Il travaille 30 heures par semaine et veut désormais passer son Certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (Caces), il espère pouvoir bientôt faire une immersion dans une grosse entreprise de bricolage.
Une "certaine sécurité dans la vie"
Les salariés de Papiole viennent de trois quartiers défavorisés de Poitiers, où le taux de chômage est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Pour sortir ces habitants de la précarité, l'entreprise les recrute quel que soit leur niveau de formation. Un soulagement pour Nathalie, 47 ans : "J'ai quitté l'école pour m'occuper de mes parents. C'était difficile du travail parce que je ne sais pas faire un CV, les papiers, j'avais du mal. Comme je me suis inscrit aux Territoires zéro chômeur, je suis contente là, ça j'arrive."
L'entreprise adapte également les horaires et les postes aux contraintes des salariés. Parmi ces salariés, Axelle, 32 ans. Elle a rejoint Papiole en 2023, après trois ans de chômage et d'intérim. Une période très difficile, se souvient la jeune Poitevine : "Quand on postule beaucoup et qu'on n'a pas de réponse ou des refus, il y a un peu de perte de confiance en soi. C'est compliqué à vivre, on s'isole parce qu'au RSA, on n'a pas forcément les moyens de se faire plaisir, de faire des sorties." Aujourd'hui, elle confie avoir "retrouvé le sourire" avec son CDI qui lui offre une "certaine sécurité dans la vie".
Pour pouvoir payer sa centaine de salariés, Papiole a besoin de subventions publiques. Sauf que l'enveloppe allouée par l'Etat est en baisse. Selon Pierre-Jean Glasson, chargé de développement d'activités chez Papiole, l'aide publique est passée de 102% du salaire brut d'un salarié au démarrage de l'expérimentation à 95% en septembre 2023. "Ça fait un manque de financement conséquent et il faut qu'on essaie de pallier cette diminution et les coûts de structure par de la vente et de la prestation", explique-t-il. Une situation qui inquiète Alexandre Motard, chef de projet du Territoire zéro chômeur à Poitiers : "Il y a un vrai risque à ce que, par le biais d'une diminution de la contribution de l'État, les entreprises à but d'emploi doivent être dans des logiques de rentabilité plus fortes. Et donc cela veut dire que l'objet premier n'est plus la question de l'emploi."
"Un choix de société"
Son inquiétude est d'autant plus forte que le gouvernement vient d'émettre des réserves sur ce dispositif dont le coût s'élève à 75 millions d'euros cette année. "Ça coûte moins cher à l'État de financer un emploi que de financer de la précarité, affirme Alexandre Motard. Ces gens-là, ils bénéficient de prestations sociales, d'allocations familiales ; et ça a un coût aussi. Si on enlève, tous ces coûts-là finalement, ça ne coûte pas plus cher que leur permettre de travailler. C'est vraiment un choix de société : est-ce qu'on continue à faire fusionner les gens ou est-ce qu'on veut leur redonner de la dignité ?" L'association espère désormais convaincre les députés qui devront examiner à la rentrée une proposition de loi visant à pérenniser et à étendre l'expérimentation.
Aujourd'hui, 47 départements ont des Territoires zéro chômeur de longue durée. Près de 80% des salariés étaient sans emploi pendant deux ans avant leur embauche en entreprise à but d'emploi (EBE), avec plus de la moitié sans baccalauréat et 20% sans aucun diplôme.
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