Pourquoi la Cour des comptes évoque un risque de "crise de liquidité" de la Sécurité sociale dans son dernier rapport
La juridiction financière prévient que "la trajectoire des comptes sociaux" est devenue "hors de contrôle", avec un déficit de la Sécu qui pourrait atteindre 22,1 milliards d'euros en 2025. Ce qui menace potentiellement "le financement des prestations" d'ici quelques années.
La Sécurité Sociale est-elle menacée de banqueroute ? Dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale publié lundi 26 mai, la Cour des comptes dresse un tableau particulièrement alarmant de la situation et pointe "un risque de plus en plus sérieux de crise de liquidité" de la Sécu à l'horizon 2027 en raison du dérapage de son budget et de ses dépenses. "Nous avons perdu le contrôle de nos finances publiques en 2023 et 2024", s'est inquiété Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes.
"La dette fragilise le modèle social, il faut arrêter de prendre ces sujets comme si c'était des questions annexes."
Pierre Moscovici, président de la Cour des comptesen présentant le rapport
Les craintes des magistrats de la Cour des comptes partent d'un constat : le déficit de la Sécurité sociale a atteint 15,3 milliards d'euros en 2024, soit près de 5 milliards de plus que les prévisions initiales de l'Etat. Et les perspectives ne sont pas rassurantes : le déficit pourrait encore s'alourdir de 7 milliards d'euros en 2025, pour atteindre 22,1 milliards d'euros.
L'addition pourrait être encore plus salée car cette prévision se base une croissance de 0,9%, un objectif plus optimiste que celui du gouvernement (+0,7%), qui a abaissé ses prévisions en raison de la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis. "L'aggravation du déficit est due, pour les trois quarts, au moindre rendement des recettes et, pour un quart, à une augmentation des dépenses de la branche maladie qui va au-delà de l'objectif assigné", note le rapport, qui prévient que le déficit pourrait atteindre 24,1 milliards d'euros en 2028.
"Ce qui est alarmant, c'est que le rapport fait état d'une hausse structurelle du déficit, avec une tendance à s'accroître durablement au-delà des 20 milliards, alors qu'on était jusqu'à maintenant sur un aspect conjoncturel" en raison de la pandémie de Covid-19, analyse Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste des finances publiques. Pour la Cour des comptes, la "trajectoire des comptes sociaux est hors de contrôle", avec un "risque croissant de crise de liquidité qui pèse sur les conditions de financement" de la Sécurité sociale.
Une loi pour remédier à la situation mais pas de majorité pour la voter
Cette alerte s'explique en partie par la manière dont la Sécu emprunte, assure son fonctionnement et se finance. Jusqu'en 2024, la dette de la Sécurité sociale était prise en charge par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui a la possibilité d'emprunter à moyen et long terme, dans des conditions plus favorables qu'à court terme. Ce n'est désormais plus le cas car l'organisme gouvernemental est arrivé au maximum de la dette qu'elle peut prendre en charge.
Les déséquilibres actuels entre recettes et dépenses doivent donc être comblés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), qui ne peut qu'emprunter à court terme. Mais selon la Cour des comptes, l'Acoss ne peut pas s'endetter "indéfiniment", et si elle le fait, "la progression de cet endettement conduit à un risque de plus en plus sérieux de crise de liquidité", d'autant plus que son besoin de financement, qui était d'environ 20 milliards en 2024, va être plus que quadruplé d'ici 2027 à 89 milliards, selon la Cour des comptes.
Pour éviter ce scénario, les magistrats expliquent que la Cades peut être "rechargée" et prolongée, comme ce fut déjà le cas dans le passé, en passant par une loi organique au Parlement. Une hypothèse qui paraît toutefois "compliquée" en raison de l'absence de majorité à l'Assemblée nationale, s'inquiète Pierre Moscovici. "En l'absence de nouvelles réformes, cette situation ferait courir un risque croissant sur le financement des prestations", alerte la Cour des comptes.
Dans un tel scénario, l'Etat pourrait être appelé à la rescousse pour assurer la continuité du système. Pour Mathieu Plane, cette alerte "renvoie donc davantage au problème global de la France, qui va devoir ramener son déficit sous les 3% d'ici 2029 [contre 5,8% en 2024], ce qui passera par des efforts conséquents", y compris pour le budget de la Sécurité sociale.
Dans l'immédiat, la Cour des comptes préconise plusieurs mesures pour redresser les comptes de la Sécu, comme un meilleur contrôle de l'intérim paramédical (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, aides-soignants...), dont le coût a été "multiplié par trois" entre 2019 et 2023, mais aussi un renforcement des contrôles sur les pensions de retraite versées à l'étranger ou encore une distribution gratuite des masques acquis pendant la crise sanitaire aux hôpitaux et aux Ehpad avant péremption. La Cour des comptes préconise aussi de réduire les exonérations de cotisations patronales accordées aux entreprises, qui ont "presque quadruplé entre 2014 et 2024".
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