Semaines de répétitions, drone, timing au cordeau... Pourquoi le tournage en plan-séquence d'"Adolescence" est une prouesse
Tournée en quatre plans-séquences d'une heure, la mini-série Netflix a nécessité une semaine de tournage par épisode pour obtenir la prise parfaite.
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C'est la série événement du moment sur Netflix. Adolescence retrace l'histoire d'un jeune Britannique de 13 ans, Jamie, accusé du meurtre d'une de ses camarades de classe, Katie. La minisérie a séduit le monde entier. Trois semaines après sa sortie, elle cumule 96,7 millions de visionnages, selon les chiffres fournis par la plateforme à franceinfo mardi 2 avril.
Cet engouement s'explique en partie par la façon très particulière dont la série a été réalisée, et que Netflix a mise en avant dans sa campagne de promotion. Chacun des quatre épisodes, qui durent une heure, a été tourné en un unique plan-séquence, c'est-à-dire sans aucun montage, ni aucune coupe : une seule caméra filme la scène et ne s'arrête qu'à la fin de l'épisode. A l'écriture, Jack Thorne et Stephen Graham, tandis que Philip Barantini est à la réalisation.
Déjà auteur du film The Chef tourné en plan-séquence, Philip Barantini voulait reproduire le procédé pour cette minisérie. Ce procédé est aussi vieux que le cinéma lui-même, puisque c'est de cette manière que les frères Lumière ont tourné leurs premiers films. Le plan-séquence immerge le spectateur dans la série, qui débute avec l'arrestation de l'adolescent dans le premier épisode, puis suit l'enquête policière et les répercussions sur sa famille.
Une chorégraphie entre acteurs et techniciens
Pour réussir cette performance, un gigantesque travail en amont était nécessaire. "Au départ, les tout premiers plans sont dessinés sur un morceau de papier (...), puis nous déterminons simplement où la caméra va se déplacer, comment elle va entrer et sortir des pièces", a confié le réalisateur à l'agence Press Association, citée le site guardian-series. La prouesse artistique est impressionnante, d'autant plus que le plan est en mouvement. Dans le premier épisode, le spectateur assiste à l'arrestation de Jamie dans son lit au petit matin, puis à son trajet en voiture vers le commissariat où il circule ensuite dans les différentes pièces, tout cela sans aucune coupe. "Matt et moi montions dans une voiture, nous allions de la maison au poste de police puis au studio, et je lisais le script et les dialogues pour le timing, explique le metteur en scène. Nous avons donc dû trouver une maison à trois minutes en voiture du studio. Ça a demandé beaucoup de préparation."
D'après Frédéric Sojcher, professeur de cinéma à l'université Paris 1 et réalisateur, ces plans sont un vrai défi. "On assiste à une chorégraphie des techniciens, caméramen, acteurs... Tout le monde doit être placé au bon endroit, commente-t-il pour franceinfo. S'il y a une erreur, il faut recommencer." Sans que le spectateur le remarque, la caméra passe de mains en mains, et finit même par s'envoler sur un drone à la fin du deuxième épisode. Une chorégraphie si précise que plusieurs prises ont été nécessaires afin de trouver la bonne. Le tournage de chaque épisode s'est étalé sur une semaine. Au total, avec les répétitions, trois semaines étaient nécessaires pour chaque épisode. "On faisait une prise le matin et une l'après-midi chaque jour", confie au Guardian Stephen Graham, qui interprète également le père de Jamie.
Jusqu'à seize prises pour un épisode
La série est un exploit pour les techniciens, mais également pour les acteurs. "Ils doivent connaître l'ensemble de leur texte par cœur, sans pause, s'ils fourchent sur un mot, on reprend à zéro", illustre Frédéric Sojcher. Cet aspect est d'autant plus impressionnant dans le troisième épisode, 52 minutes de dialogue entre Jamie et une psychologue. Les acteurs ont répété pendant deux semaines afin de mettre au point la chorégraphie avec le caméraman. "Il me suivait dans les couloirs. Et dès qu'on était dans la pièce, il tournait autour de nous", détaille Erin Doherty, l'interprète de la psychologue, auprès de The Hollywood Reporter. "C'était ça, le principe des répétitions : trouver le meilleur timing (...). Il y avait juste la caméra qui flottait dans la pièce, et on devait tout oublier. (...) On avait besoin de ces deux semaines de répétitions pour vraiment s'imprégner de l'ambiance." Au total, chaque épisode a été tourné au minimum dix fois. Treize prises ont été nécessaires pour le deuxième épisode et seize pour le dernier, comme l'explique Netflix sur X.
Pour les acteurs, le plan-séquence s'approche d'une représentation théâtrale. Il permet d'ancrer la série dans une unité de temps et de lieu. "Cela crée une sorte de tension pour le spectateur, on est happé par la série", décrit Nathalie Bittinger, maîtresse de conférences en cinéma à l'université de Strasbourg. "On apprend les informations en même temps que les personnages et on en sait autant qu'eux, il n'y a pas de flashback [retour en arrière] sur la scène du crime par exemple", poursuit-elle.
"Avec le plan-séquence, le spectateur est au plus près de la sidération des parents, du réel aberrant de cet adolescent de 13 ans qui a assassiné une camarade de classe."
Nathalie Bittinger, maîtresse de conférences en cinémaà franceinfo
Si la série remporte un tel succès, ce n'est pas seulement grâce au plan-séquence. Le thème touche les spectateurs. Cette série est inspirée d'une vague de violence et de meurtres au couteau de jeunes filles par des adolescents, survenue en Grande-Bretagne ces dix dernières années. Elle examine l'idéologie masculiniste qui a conduit à la misogynie en ligne et à l'intimidation sur les réseaux sociaux.
A tel point qu'Adolescence va être diffusée gratuitement dans les collèges et lycées du Royaume-Uni, a annoncé Downing Street, lundi 31 mars. "C'est une initiative importante pour encourager le plus grand nombre possible d'élèves à regarder le programme", a déclaré le Premier ministre britannique, Keir Starmer, qui a lui-même vu la série avec ses enfants adolescents.
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