: Vrai ou faux Le Giec plaide-t-il pour la hausse de la part du nucléaire afin d'enrayer le réchauffement global, comme le dit Arnaud Montebourg ?
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat anticipe une progression du nucléaire dans ses scénarios qui permettraient de contenir la hausse de la température globale. Mais cela s'accompagne d'un recours accru aux énergies renouvelables.
Quel rôle pour l'atome dans la lutte contre le changement climatique ? Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'Economie de François Hollande, faisait face à Eric Piolle, maire écologiste de Grenoble, lundi 12 avril. "Le nucléaire est-il écologique ?" était la question centrale de leur débat pour le site Reporterre. "Il faut faire une alliance des énergies renouvelables et du nucléaire pour mettre fin au pétrole et au gaz", a défendu l'ex-ministre du Redressement productif.
L'ancien cadre du Parti socialiste a notamment affirmé ceci : pour limiter le réchauffement climatique, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) écrit qu'il faut augmenter la part du nucléaire dans le mix énergétique (la répartition des différentes sources d'énergie consommée dans une zone géographique). Le Giec a-t-il vraiment évoqué cette solution ? Arnaud Montebourg dit-il vrai ou "fake" ?
Dans les 4 scénarios du GIEC pour lutter contre le réchauffement climatique, tous indiquent l'augmentation du nucléaire dans le mix énergétique.#NucleaireleDebat
— ☰ Arnaud Montebourg (@montebourg) April 12, 2021
Quatre grandes trajectoires dessinées
Dans un rapport spécial d'octobre 2018 (en anglais), le Giec a analysé les trajectoires permettant de maintenir d'ici 2100 l'augmentation de la température globale sous la barre de +1,5 °C, et jusqu'à +2 °C. Le groupe d'experts y dessine quatre grands scénarios.
Dans ce tableau récapitulatif (à la page 30 de ce document PDF mis à jour en 2019), le premier scénario (appelé P1) est le seul qui fait l'hypothèse d'une baisse globale de la demande énergétique. "Les innovations sociales, commerciales et technologiques engendrent une réduction de la demande d'énergie jusqu'en 2050 alors que les conditions de vie s'améliorent, en particulier dans l'hémisphère Sud", explique le document pour présenter ce scénario.
Les trois autres trajectoires prévoient une hausse de la demande en énergie. Le deuxième (P2) table sur un net essor du développement durable. Il met l'accent sur la "durabilité", "la coopération internationale", "une réorientation vers des modes de consommation durables et robustes", et "des innovations technologiques à faible intensité de carbone".
Le troisième scénario (P3) projette la situation si nous continuons sur notre lancée actuelle. Le document évoque "un scénario intermédiaire selon lequel le développement sociétal comme le développement technologique suivent des schémas habituels". Enfin, le quatrième (P4) imagine un emballement de la dépendance aux énergies fossiles, un futur où "la croissance économique et la mondialisation aboutissent à l'adoption à grande échelle de modes de vie à forte intensité de GES [gaz à effet de serre]".
Augmentation de la part du nucléaire et des énergies renouvelables
"Dans ces quatre archétypes, nous avons une hausse de la fourniture d'énergie par le nucléaire", confirme Roland Séférian, chercheur au Centre national de recherches météorologiques et auteur du chapitre 2 du rapport, intitulé "les voies d'atténuation compatibles avec 1,5 °C dans le contexte du développement durable". Cela va, pour le P1, d'une hausse de 150% de la production nucléaire entre 2010 et 2050 jusqu'à une multiplication par cinq (501%) pour le P3.
Mais Roland Séférian relève que, dans le même temps, la part des énergies renouvelables est aussi en très nette hausse : 833% pour le P1 d'ici 2050 par rapport à 2010, 1 327% pour le P2, 878% pour le P3 et 1 137% pour le P4.
"Il est intéressant de regarder tout le tableau, pas seulement la part du nucléaire."
Jean Jouzel, climatologue, ancien vice-président du Giecà franceinfo
Ces prévisions, qui anticipent, entre autres, une hausse de la part du nucléaire pour contenir le réchauffement climatique sous la barre des +1,5 °C, valent régulièrement au Giec d'être accusé de défendre cette énergie. "Nous avons souvent ce débat avec des ONG ou des associatons antinucléaires", concède Roland Séférian.
"Ces scénarios prospectifs sont tirés de modèles qui font avec les données dont nous disposons", explique le chercheur. Or "le nucléaire présente une très grande efficacité, une très grande durabilité et un coût modique", fait-il valoir.
"Le nucléaire est une technologie accessible dès aujourd'hui et, à structure existante, elle est peu émettrice de CO2 à comparer avec des centrales à charbon ou des centrales à biomasse."
Roland Séférian, chercheur au Centre national de recherches météorologiquesà franceinfo
Le spécialiste remarque toutefois que les spécialistes manquent "de connaissances fiables et bien établies" pour estimer les émissions de gaz à effet de serre d'une centrale nucléaire pendant tout son cycle de vie : des travaux pour la construire jusqu'à son démantèlement, au traitement de ses déchets, en passant par sa période de fonctionnement.
De l'autre côté, comme l'a expliqué franceinfo, les énergies renouvelables ne sont pas non plus totalement propres, puisqu'elles génèrent des émissions indirectes, qu'elles exploitent des terres rares, qu'elles vont de pair avec les énergies fossiles et que leurs matériaux ne sont pas assez recyclés.
Pas de "recommandations", juste des "observations"
"Nos modélisations pour les scénarios macro-économiques traitent uniquement le ratio coût-bénéfice énergétique", reconnaît Roland Séférian. "En aucun cas, ces modèles ne traitent des questions de sociologie, d'acceptation sociale", souligne-t-il.
Il insiste également sur le fait que "le Giec est non prescriptif", qu'il se contente de donner la "meilleure information" aux "décideurs". Le Giec ne fait pas des "recommandations" mais des "observations", remarque aussi Jean Jouzel.
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