Comment les Françaises se sont organisées pour tenter de rivaliser physiquement face à l'Angleterre, la référence mondiale

L'équipe de France s'attend à un véritable combat physique contre les Anglaises, samedi à Bristol, en demi-finale de Coupe du monde.

Article rédigé par Laure Gamaury
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Les Françaises face aux Red Roses à Twickenham, le 26 avril 2025. (ADRIAN DENNIS / AFP)
Les Françaises face aux Red Roses à Twickenham, le 26 avril 2025. (ADRIAN DENNIS / AFP)

Intouchable. C'est l'impression que laisse l'équipe d'Angleterre, qui joue sa Coupe du monde à domicile, depuis un mois. Avec 38 essais marqués (contre 28 aux Françaises), 25 points encaissés seulement, les Red Roses s'avancent en favorites dans la demi-finale qui les oppose au XV de France, samedi 20 septembre, au stade Ashton Gate de Bristol. Et comme les Bleues n'ont plus gagné face à leurs hôtes depuis la "finale" du Six nations en 2018, les statistiques ne sont clairement pas en leur faveur. La faute à des Anglaises bien au dessus du lot sur le plan physique ? C'est souvent la raison avancée et pourtant, l'équation n'est pas si simple.

"La partie physique est prépondérante dans le rugby de haut niveau, c'est vrai", note Mathieu Borel, préparateur physique du XV de France féminin auprès de franceinfo: sport. En poste depuis trois ans pour un nouveau cycle post-Coupe du monde 2022, l'Isérois, passé par le club de Montpellier avant de rallier le staff des Bleues, a mis en place nombre d'outils - un GPS, un logiciel musculation -  pour le suivi des joueuses sous contrat avec la fédération, durant leur saison en club et pas seulement lors des rassemblements de l'équipe de France. "On a un échange chaque semaine, quand les internationales sont en club", explique Nathan Arnaud, préparateur physique des Amazones de Grenoble, club d'Elite 1 qui compte cinq joueuses parmi les sélectionnées bleues pour la Coupe du monde (Léa Champon, Manaé et Téani Feleu, Taïna Maka et Elisa Riffonneau). 

Une évolution physique évidente ces dernières années

Ainsi, les joueuses de l'équipe de France "ont une préparation physique spécifique tout au long de l'année, précise Mathieu Borel. Et depuis le dernier Tournoi, on a essayé d'optimiser les derniers instants de la préparation en affinant leur programme pour coller aux besoins de chaque fille, sur la partie neurologique, musculation, vitesse". Des ajustements nécessaires pour coller au projet de jeu des sélectionneurs Gaëlle Mignot et David Ortiz, ainsi que pour garantir l'intensité demandée au très haut niveau.

Les Françaises face aux Red Roses à Twickenham, le 26 avril 2025. (ADRIAN DENNIS / AFP)
Les Françaises face aux Red Roses à Twickenham, le 26 avril 2025. (ADRIAN DENNIS / AFP)

Pourtant, Nathan Arnaud regrette encore "un réel déficit de puissance". Le préparateur physique grenoblois constate, malgré une évolution des morphotypes et des gabarits, qu'en matière de volume et de poids, l'équipe de France est encore aujourd'hui sous-dotée. "Quand on voit le pack anglais, constitué uniquement de joueuses imposantes sur le plan physique, et qui se déplacent mieux que nous, la marge de progression est encore considérable, estime-t-il. Et c'est aussi le cas du Canada, de la Nouvelle-Zélande et même de l'Australie, éliminée en quart de finale", ajoute-t-il. Il tempère tout de même son constat, en observant l'évolution en France des "académies fédérales, des sports études mis en place, qui permettent aux joueuses dès l'âge de 15 ans", de travailler leur condition physique.

"Il y a huit ans quand on est champion de France Elite 2 et qu'on monte en Elite 1, j'avais des deuxièmes lignes qui aujourd'hui ne sont même pas nos troisièmes lignes en termes de taille, de gabarit, de masse musculaire, de puissance développée".

Nathan Arnaud, préparateur physique des Amazones de Grenoble

à franceinfo: sport

Discours similaire du côté du staff de l'équipe de France : le travail effectué sur la préparation physique n'avait jamais été à ce point optimisé. "Le dernier Tournoi a été un bac blanc de nos méthodologies d'entraînement", constate Mathieu Borel. Avec les coachs des Bleues et ceux des clubs, il a mis en place une charge d'entraînement similaire à celle souhaitable pendant la Coupe du monde. "On a constaté que les filles n'ont jamais six semaines de compétition de suite en France, a-t-il développé auprès de franceinfo: sport. Pendant le Six nations, c'est un bloc de deux matchs, puis un de trois ou inversement. Cette année, on a donc décidé de mettre volontairement de la charge aux filles pendant la semaine off du Tournoi, qu'elles sachent à quoi s'attendre pour cet été".

Quid de la "gestion des temps faibles" ?

Sur le plan nutritionnel aussi, les joueuses du XV de France ont pu se tester au printemps, avec des prises de glycémies à la mi-temps. "L'objectif était d'individualiser les process pour que chaque joueuse sache quel type de glucides et dans quel timing les ingérer pour qu'elles soient aptes et performantes à 100% sur le deuxième acte", narre Mathieu Borel. Une donnée importante dans la gestion des temps faibles, qui peut tout changer.

"Les Anglaises ont la capacité à faire les bons choix au bon moment, à ne pas perdre la lucidité, tandis que nous, on se tire un peu encore des balles dans le pied toutes seules, pose Marie Sempéré, ex-internationale tricolore et consultante pour TF1 sur cette Coupe du monde. Aujourd'hui, on a du mal à gérer nos temps faibles, à ne surtout pas faire l'erreur dans ce moment-là". Pour l'ancienne Bleue, la clé se trouve dans la gestion du match.

"L'expérience collective des Anglaises, qui jouent ensemble depuis longtemps, est un atout majeur, mais elles ont aussi la capacité à enchaîner parce qu'elles jouent des matchs à haut niveau plus souvent que les Françaises. C'est simple : le championnat anglais entraîne plus souvent à l’équipe nationale qu’en France"

Marie Sempéré, ancienne internationale de l'équipe de France

à franceinfo: sport

Ce que confirme aussi Nathan Arnaud. "Ce qui manque à l'équipe de France aujourd'hui, c'est une base beaucoup plus solide avec un championnat plus développé et des clubs mieux organisés pour permettre aux joueuses d'avoir plus de temps pour s'entraîner". Le préparateur physique grenoblois cite les franchises anglaise, néo-zélandaise ou le modèle universitaire canadien comme modèles : "Quand les joueuses internationales tricolores jouent les week-ends contre des joueuses moins bien préparées, forcément, elles progressent moins."

Des Anglaises en avance de façon globale

Néanmoins, les dernières confrontations avec les Red Roses laissent entrevoir l'espoir de briser le plafond de verre. "La finale [du Six nations 2025] à Twickenham en avril est vraiment leur match référence, affirme Marie Sempéré. Elles commettent toutes les bêtises possibles en première période, elles se mettent dans le bouillon toutes seules, mais elles parviennent à remonter et à les faire douter", narre-t-elle de la défaite d'un souffle 43-42 en Angleterre.

Pauline Bourdon Sansus aplatit contre les Anglaises à Twickenham, le 26 avril 2025. (ASHLEY WESTERN / COLORSPORT)
Pauline Bourdon Sansus aplatit contre les Anglaises à Twickenham, le 26 avril 2025. (ASHLEY WESTERN / COLORSPORT)

"Ce Tournoi a permis aux Bleues de mettre le doigt sur le fait qu'elles avaient des ressources mentales pour trouver des solutions dans des situations ultra-compliquées", ajoute l'ancienne internationale. Couplées à "une montée en puissance sur le plan physique satisfaisante", selon le préparateur physique français, les joueuses tricolores peuvent alors y croire. "Aujourd'hui, l'équipe de France sait comment jouer pour gagner, elle connaît ses points forts et ses points faibles", ajoute Marie Sempéré.

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