Mondial de handball 2025 : entre les frères Karabatic et la Croatie, "un lien affectif" indéfectible malgré la rivalité entre les sélections

Article rédigé par Hortense Leblanc - envoyée spéciale en Croatie
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Luka et Nikola Karabatic lors de l'Euro de handball 2024, contre la Croatie, à Cologne (Allemagne). (INA FASSBENDER / AFP)
Luka et Nikola Karabatic lors de l'Euro de handball 2024, contre la Croatie, à Cologne (Allemagne). (INA FASSBENDER / AFP)

Sans Nikola Karabatic, retraité, mais avec son frère Luka, l’équipe de France dispute sa demi-finale du championnat du monde de handball, jeudi (21h), contre la Croatie, à Zagreb (Croatie).

Dans le café de l'hôtel des Bleus à Varazdin, Luka Karabatic est bien entouré. Alors que peu de familles ont fait le déplacement jusque dans le nord-est de la Croatie, où se sont tenus des matchs du tour principal du Mondial de hand, le pivot des Bleus a pu recevoir sa mère, sa tante et des amis, avec qui il discute en serbo-croate autour d'un café. Ses proches sont encore plus nombreux depuis le début de la phase finale à Zagreb, où la France joue en demi-finale du Mondial contre la Croatie, le pays hôte, jeudi 30 janvier (à 21 heures).

Comme son frère Nikola, retraité depuis quelques mois, Luka maîtrise parfaitement la langue grâce aux origines de ses parents, croate pour son père, et serbe pour sa mère. Et si l'accueil des supporters a parfois été tumultueux en Croatie, les deux frères ont toujours pris du plaisir à y jouer. "C'est toujours particulier. J'ai mes racines dans ce pays, j'y retourne souvent… Parfois il y a un peu de chauvinisme, mais je ne m'attends pas à de l'hostilité", déclarait Luka Karabatic avant la compétition.

De l'hostilité, il n'y en a pas eu jusque-là dans ce Mondial aux salles assez vides, envers le cadet des frères Karabatic, né à Strasbourg en 1988. Pour Nikola, son aîné de quatre ans né à Nis (ex-Yougoslavie, Serbie), il a en revanche pu y en avoir lors de compétitions passées, avec des sifflets contre celui qui a choisi la sélection française sans hésiter, alors qu'il était courtisé par la Croatie.

Aujourd'hui encore, son accrochage tête contre tête avec la légende croate Ivano Balic en finale du Mondial 2009, à Zagreb, reste dans les mémoires de la nouvelle génération des Bleus, comme le confiaient Aymeric Minne et Julien Bos mercredi matin devant la presse. Mais l'ex-arrière gauche ne semble pas en avoir tenu rigueur aux Croates, si l'on se fie à sa story Instagram postée mardi dans laquelle il les encourageait avant leur quart de finale contre la Hongrie. 

"Quand il y a ces matchs contre la Croatie, surtout en Croatie, je suis toujours un peu stressée, parce qu'il peut y avoir des supporters agressifs, confie Lala Karabatic, leur mère. Ils essaient de les déstabiliser, mais Luka et Nikola sont préparés à cela et ne m'ont jamais dit que ça les touchait. Peut-être aussi qu'ils ne veulent pas que je me fasse du souci. Mais quand ils viennent en vacances ici, les Croates sont toujours sympas et demandent des photos".

Vacances en famille et entre amis

Les vacances en Croatie, les frères Karabatic y ont pris goût depuis leur enfance, à Poljica, dans la maison de famille près de Split, sur la côte Adriatique. Nikola qualifie même la Croatie de "plus beau pays du monde", dans une interview donnée à 20 Minutes. "Pour eux, ce sont toujours des souvenirs qui remontent et de la nostalgie. Ils ont gardé un lien affectif puisque c'est le pays de leur papa, décédé en 2011. On a encore de la famille de ce côté, des cousines. Ils viennent pour les vacances, souvent avec des copains et louent un voilier avec un skippeur pour visiter les îles", raconte leur mère.

Luka et Nikola Karabatic en vacances en Croatie durant leur enfance, avec une cousine. (DR)
Luka et Nikola Karabatic en vacances en Croatie durant leur enfance, avec une cousine. (DR)

Cependant, certaines années, les Karabatic ont été forcés de rester à distance de la Croatie ou de la Serbie. "Pendant la guerre [de 1991 à 2001], bien sûr on ne venait pas, se souvient Lala Karabatic. Mais ils connaissent tout. On leur a beaucoup parlé du pays, de l'histoire, ils sont très curieux et veulent tout savoir, donc on les a toujours éduqués dans les deux cultures, française et serbo-croate". Si à la maison, à Frontignan (Hérault), leur mère leur parlait dans sa langue d'origine, Branko, ancien gardien de but et entraîneur de handball arrivé en France quelques années plus tôt, insistait pour leur parler dans la langue de Molière. Désormais, les deux frères apprennent à leur tour le serbo-croate à leurs enfants.

La soif de gagner serbo-croate

De leur père, les frères Karabatic ont hérité de la passion du sport. "Leur papa était comme ça : à la maison, c'était toujours du sport à la télé. Je ne pouvais pas regarder mes films s'il y avait du sport", se souvient Lala. Il leur a aussi peut-être légué la hargne yougoslave sur le terrain : "Je crois que j'ai un côté serbo-croate dans ma manière de voir mon sport, ma vie, d'être toujours à fond sur le terrain, d'avoir envie de gagner. Peut-être que ça vient de là", reconnaît Nikola Karabatic dans les colonnes de 20 Minutes.

Désormais retraité, l'aîné des frères a laissé son frère seul en équipe de France. Mais ce Mondial 2025 pourrait être la dernière compétition avec les Bleus de Luka, qui aura 37 ans en avril. "J'arrive sur la fin, je ne sais pas encore combien de temps je pourrai faire les sacrifices que ce niveau demande. Ça dépendra de comment je vis l'aventure avec ce groupe, comment je me sens physiquement, mentalement", déclarait-il avant la compétition.

En Croatie, Lala Karabatic sait qu'elle se rapproche d'un "vide" redouté après tant d'années vécues au rythme des compétitions dans le sillage de ses enfants : "Comme on ne sait pas s'il continuera après, et qu'il n'y a plus son frère pour l'accompagner, je me suis dit qu'il fallait que je vienne absolument", confie-t-elle. Comme un symbole, elle a assisté depuis les tribunes, mardi, au but victorieux au buzzer de son fils, pour permettre à l'équipe de France de rejoindre les Kauboji (cow-boys en croate) dans le dernier carré. Et même si la salle était aux trois quarts vide pour ce match contre l'Egypte, les Bleus ont déjà été sifflés par les fans croates. Ils savent, et Luka Karabatic mieux que tout le monde, ce qui les attend jeudi soir, face à, cette fois, 15 000 supporters survoltés derrière leur équipe nationale face aux Bleus.

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