Entretien "La stratégie du PSG de constituer une grande franchise de sport international est plus que jamais d'actualité", analyse un économiste

Le basketteur américain Kevin Durant, star de la NBA, est devenu actionnaire minoritaire du PSG afin de développer des "projets futurs dans le basket" a annoncé le club de la capitale, vendredi.

Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Illustration de l'entrée du stade du Parc des Princes sur laquelle on peut lire "Champions d'Europe" à Paris le 1er juin 2025, un jour après que le PSG a remporté la finale de la Ligue des champions, contre l'Inter Milan, à Munich. (FRANCK FIFE / AFP)
Illustration de l'entrée du stade du Parc des Princes sur laquelle on peut lire "Champions d'Europe" à Paris le 1er juin 2025, un jour après que le PSG a remporté la finale de la Ligue des champions, contre l'Inter Milan, à Munich. (FRANCK FIFE / AFP)

Un nouvel objectif pour le PSG ? Après son premier sacre en Ligue des Champions, le Paris Saint-Germain ne compte pas s'arrêter en si bon chemin et voit encore plus grand. Le club de la capitale a annoncé, vendredi 20 juin, que l'une des plus grandes stars de la NBA, Kevin Durant, est devenue l'un de ses actionnaires minoritaires. Un geste fort qui en dit long sur les nouvelles ambitions du club sous pavillon qatari. Pour mieux comprendre les enjeux, Christophe Lepetit, économiste du sport et chargé d'études au Centre de droit et d'économie du sport (CDES) de Limoges, a répondu aux questions de franceinfo: sport.

franceinfo: sport : Comment analysez-vous l'ouverture du capital du PSG au basketteur Kevin Durant, lui qui l'avait déjà ouvert il y a dix-huit mois au fonds américain Arctos Partners 

Christophe Lepetit : Ce n'est pas une nouveauté. Par cette ouverture de capital, déjà à l'époque, les patrons du club cherchaient à démontrer que le projet PSG avait pris de l'envergure et qu'ils avaient besoin d'aller chercher quelques co-actionnaires. Cette ouverture montre que le Paris-Saint-Germain est attractif pour des investisseurs de renommée. Cela vient aussi quelque part cranter une forme de valeur du club, même si nous n'avons ni le pourcentage, ni le montant officiel [autour de 4 milliards d'euros, selon le magazine économique Forbes].

La star américaine de NBA, Kevin Durant, pose avant le maillot du PSG en 2013 devant la Tour Eiffel. (SIPA)
La star américaine de NBA, Kevin Durant, pose avant le maillot du PSG en 2013 devant la Tour Eiffel. (SIPA)

Avec cette nouvelle prise de participation, nous sommes toujours sur des ouvertures de capital stratégiques, puisqu'elle s'adresse à un investisseur qui a un profil particulier. Il s'agit d'un sportif en exercice, qui est un investisseur très impliqué sur le marché nord-américain, et qui est un des principaux territoires de conquête du Paris-Saint-Germain, détenu par les Qatariens. En plus des nombreux fans à conquérir, ce projet s'aligne avec des sujets en gestation, notamment celui de la création d'une ligue NBA en Europe et d'une possible franchise du PSG. Cette ouverture coche beaucoup de cases quant à la stratégie de développement du Paris-Saint-Germain pour les années à venir.

Avec l'arrivée de Kevin Durant, le PSG montre sa volonté de s'étendre vers d'autres sports, bien au-delà du football...

L'objectif est double. Il y a effectivement cette volonté du patron de la NBA, Adam Silver, de créer une ligue NBA en Europe, et qui voudrait, éventuellement, s'appuyer sur quelques grands clubs de football européens, ce qui intéresse le PSG. Même si pour l'instant, le calendrier reste incertain. Cette association avec Kevin Durant vient aussi ajouter un atout dans la manche du Paris Saint-Germain, dans de futures discussions avec Adam Silver et la NBA.

"L'autre volonté du club est aussi, de façon peut-être plus terre-à-terre ou plus directe, son développement sur le territoire nord-américain."

Christophe Lepetit, économiste du sport

à franceinfo: sport

Puisqu'il s'associe avec un sportif de premier ordre, qui a déjà beaucoup investi dans diverses entreprises. Ils vont donc pouvoir imaginer des collaborations croisées pour valoriser la marque Paris Saint-Germain sur le territoire nord-américain et même, plus globalement sur le continent américain, avec le Mexique et l'Amérique du Sud. Le PSG a d'ailleurs beaucoup développé cette stratégie depuis l'arrivée de QSI [Qatar sports investments] avec ses collaborations dans le domaine de la mode, de l'art, du street art, etc.

Leur victoire en Ligue des champions a forcément joué dans cette attractivité...

Oui, évidemment. Même si l'entrée d'Arctos démontrait déjà que sans victoire en Ligue des champions, le PSG était un club très attractif et avec une valorisation très élevée. Mais cette victoire vient renforcer l'attractivité du PSG, qui est entré dans ce cercle assez fermé des vainqueurs de la C1. Il y a peut-être eu un petit coup de boost dans les discussions avec Kevin Durant mais j'imagine mal que les discussions ne soient pas antérieures à la victoire de la Ligue des champions, car ce genre de processus prend du temps.

Le timing est donc optimal pour le club de la capitale... 

Tout à fait. D'autant plus qu'en ce moment, le PSG est présent aux États-Unis pour la Coupe du monde des Clubs. Tout l'état-major y est. Il n'y a jamais beaucoup de hasard dans les annonces de ce style-là. C'est toujours très préparé, très cadré, très anticipé. D'ailleurs, Nasser al-Khelaïfi est du voyage et s'est rendu à Miami pour un événement padel. Le club a beaucoup d'activations en ce moment même sur le territoire nord-américain.

Le rôle de Kevin Durant dans cette association, n'est pas que financier, il est aussi opérationnel. Qu'est-ce que cela signifie-t-il ? 

Il y a un aspect financier car, quand on achète des parts sociales d'un club, il y a nécessairement une contrepartie financière. Mais, Kevin Durant pourrait probablement jouer un rôle de facilitateur dans les projets de développement du Paris Saint-Germain avec la NBA, dans la mise en place de cette franchise, avec pourquoi pas aussi, étant donné les calendriers, un rôle opérationnel dans la franchise.

Peut-être pas en tant que joueur, parce qu'on ne sait pas si Kevin Durant aura encore l'âge et la volonté de jouer au basket quand le projet se lancera, mais peut-être plus dans le management ou dans le développement et la mise en place d'une franchise NBA, qui répond à des standards qui sont un peu différents de ceux d'un club de foot européen.

Ce projet pourrait-il permettre au PSG de changer de dimension sur la scène internationale ?

Cela continue de démontrer que la stratégie, qui est celle des dirigeants du PSG depuis 2011, c'est-à-dire de constituer une grande franchise de sport international, est plus que jamais d'actualité. Aujourd'hui, pour ce qui concerne le football, ils ont atteint le sommet avec cette victoire en Ligue des Champions. On va voir aussi les résultats en Coupe du Monde des clubs, même si c'était moins l'objectif que la Ligue des Champions.

"Finalement, c'est aussi une perspective de développement supplémentaire. Dans une course, que l'on pourrait appelée 'une course à l'armement' entre les autres franchises ou les autres grands clubs européens, il faut imaginer demain d'autres actes de croissance concernant leurs revenus."

Christophe Lepetit, chargé d'études au CDES de Limoges

à franceinfo: sport

Avec cette volonté de s'ouvrir de nouveaux horizons et de continuer à grossir en étant toujours un club de foot de premier plan, mais aussi, pourquoi pas demain, une franchise de basket, et globalement, de façon un peu plus large, une marque internationale très axée sur le sport, mais qui imagine des collaborations avec des univers assez différents.

Avec l'objectif de dépasser ses concurrents européens, comme le Real Madrid ou le FC Barcelone par exemple ?

Aujourd'hui, les concurrents du PSG ne sont absolument plus en France. Ce sont les autres grands clubs européens de football, comme le Real Madrid et le FC Barcelone, qui sont des grands clubs omnisports ou multisports. Ils ont effectivement déjà des équipes de basket, voire des équipes de handball de premier plan pour ce qui est du Barça. Le PSG a déjà le judo, avec une équipe qui a déjà gagné la Ligue des champions. L'équipe féminine de foot continue à se développer et atteint progressivement les sommets.

C'est donc une façon de s'intégrer dans cette mouvance de ce que font les autres grands clubs internationaux, comme le Real Madrid, mais pas seulement. Encore une fois, si vous vous cantonnez au strict univers du football, les relais de croissance ne sont pas très nombreux. Cela est aussi une façon de s'ouvrir de nouvelles perspectives de développement.

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