Baisse de la valeur de la Ligue 1 ? Ecran noir ? Les 4 questions (et leurs réponses) que pose la restitution par Canal+ de ses droits TV
En annonçant restituer ses droits sur la Ligue 1, Canal+ met la Ligue de Football Professionnelle dans l’embarras. Le président du directoire de la chaîne cryptée, Maxime Saada, demande à la LFP d’organiser un nouvel appel d’offres pour le championnat de France. Pierre Maes, spécialiste des droits TV, et Mickaël Terrien, économiste du sport, nous apportent leurs éclairages sur les questions qui se posent après ce nouveau coup de théâtre dans l’affaire des droits TV.
• Pourquoi Canal+ a-t-elle décidé de restituer les matches pour lesquels elle possédait les droits de diffusion ?
Dans une interview au Figaro, Maxime Saada, président du directoire de Canal+ explique la décision de la chaîne cryptée par des intérêts économiques. Selon lui, Canal+ aurait surpayé le lot n°3, qui comprend deux matches par journée de Ligue 1, puisque les deux premiers lots avaient été acquis par Mediapro: "La valeur du lot 3 est surévaluée du fait du comportement irrationnel de Mediapro durant l'appel d’offres. L'ensemble des acteurs savaient qu'ils n'avaient pas remporté les deux premiers lots. Le lot 3 était donc la dernière chance de repartir avec un lot premium". La chaîne cryptée semble également revancharde envers la Ligue de Football Professionnel: "Nous n'avons pas été traités correctement ces dernières années. Nous n'oublions ni le report des matchs par la LFP sans concertation lors du mouvement 'gilets jaunes', ni l'argent supplémentaire demandé pour décaler le coup d'envoi du match du dimanche soir de 15 minutes, et encore moins les réjouissances de nombreux présidents lorsque Canal+ est rentré bredouille de l'appel d'offres de 2018".
Cette décision de remettre ses droits en jeu met maintenant la LFP dans l’embarras. Selon Pierre Maes, spécialiste des droits TV et auteur de "Business des droits TV du foot", les intentions de Canal+ sont claires: "Le message est de montrer qu’ils sont en position de force, qu’ils n’ont pas peur d’une éventuelle nouvelle concurrence, et que les droits de la Ligue 1 ne sont pas aussi indispensables pour eux que la LFP ne le croit". Mickaël Terrien, économiste du sport et maître de conférence à la Faculté des sciences et du sport et de l'éducation physique à l'Université de Lille le rejoint: "Canal+ n’a plus besoin de la Ligue 1. En proposant une multitude d’offres, ils s’aperçoivent qu’ils n’ont perdu quasiment aucun abonné depuis qu’ils n’ont plus les droits de la Ligue 1".
• Un nouvel appel d’offres va-t-il faire baisser la valeur de la Ligue 1 ?
"C’est plus que probable", répond Mickaël Terrien. "Si Canal+ est le seul diffuseur à répondre à l’appel d’offres, c’est eux qui fixeront les prix, et ils tendront vers une baisse, mais on ne sait pas encore dans quelle mesure", argumente-t-il. Lors de l’appel d’offres en 2018, pour la période 2020-2024, les droits TV avaient atteint 1,153 milliards d’euros, un record, et une hausse de près de 60% par rapport au contrat précédent. Mais selon Pierre Maes, "la valeur du championnat dépend surtout de ce que les opérateurs sont prêts à payer. Si la valeur de la Ligue 1 a augmenté ces dernières années, c’est qu’il y avait une grande concurrence pour en acquérir les droits. Et aujourd'hui cette concurrence n’existe plus". Une grande partie des droits TV étant reversée aux clubs, Mickaël Terrien ajoute que les diffuseurs auraient tout de même intérêt à ce que la baisse de leur valeur ne soit pas trop importante: "La qualité du spectacle proposé dépendra du prix qu’ils voudront y mettre".
• A quoi peut-on s’attendre pour la suite ?
Si Canal+ semble confiant en demandant un nouvel appel d’offre, la chaîne cryptée n’est néanmoins pas à l’abri que d’autres acteurs débarquent sur le marché des droits TV de la Ligue 1, comme Amazon Prime. "On peut imaginer que des acteurs internationaux viennent se positionner parce qu’ils se disent qu’il y a peut-être des droits à récupérer à des prix qui seront bien inférieurs à ce qu’ils ont pu être", explique Pierre Maes. Mais le lancement d’un nouvel appel d’offre pourrait prendre du temps, alors que Mediapro doit cesser de diffuser le championnat le 31 janvier prochain: "Le délai peut-être réduit si on demande aux opérateurs de se positionner en une semaine, mais ça ne renforce pas, pour la Ligue, les chances de recevoir de belles offres", commente le spécialiste. Un risque d’écran noir est-il alors envisageable ? "Personne n’y a intérêt, et des solutions seront trouvées. La Ligue peut envisager d’autres alternatives, comme la création de sa propre chaîne", répond Mickaël Terrien.
• Quelles conséquences pour les clubs ?
Les droits TV représentent en moyenne 50% du budget des clubs, il est donc urgent de trouver une solution. Selon Mickaël Terrien, "cette situation retarde simplement le moment où les droits seront de nouveau versés aux clubs, mais ça ne va pas changer grand chose pour eux, puisqu’à l’heure actuelle, ils ne perçoivent quasiment rien depuis que Mediapro a cessé de payer". Quid de la proposition de Maxime Saada de diminuer le nombre de clubs professionnels qui se partagent les revenus des droits TV ? Pour Mickaël Terrien une telle réforme présente à la fois des avantages et des inconvénients: "Plus il y a de clubs, plus il y a de matches, donc le produit à vendre est plus important. Mais avec moins de clubs, le championnat peut-aussi être plus compétitif, avec des équipes qui pourraient augmenter leurs dépenses pour éviter la relégation. La Bundesliga fonctionne très bien à 18 clubs, la Premier League fonctionne très bien à 20 clubs. C’est un grand débat, pour lequel il n’existe pas de réponse".
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