"Une des meilleures personnes du peloton", "ce qui se fait de mieux en cyclisme"... Le peloton raconte Romain Bardet, qui fait ses adieux au cyclisme

Article rédigé par Théo Gicquel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Romain Bardet en discussions avec l'Italien Jonathan Milan au départ de la 3e étape du Critérium du Dauphiné, le 10 juin 2025. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)
Romain Bardet en discussions avec l'Italien Jonathan Milan au départ de la 3e étape du Critérium du Dauphiné, le 10 juin 2025. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Le coureur français sera officiellement à la retraite dimanche soir, à l'issue du Critérium du Dauphiné. L'occasion pour d'anciens coéquipiers et adversaires de dessiner la personnalité du grimpeur français.

Il en a terminé avec le cyclisme professionnel. Au soir du dimanche 15 juin, à l'issue du Critérium du Dauphiné, dont le peloton lui a rendu hommage avec une haie d'honneur au départ de la 8e étape, Romain Bardet rangera son vélo, à 34 ans, après quatorze ans chez les professionnels et 11 victoires, dont quatre sur le Tour de France. Pour l'occasion, anciens coéquipiers et adversaires ont raconté le grimpeur français à franceinfo: sport.

Si une caractéristique devait ressortir, ce serait son professionnalisme. Pointilleux jusqu'au bout des pédales, minutieux et appliqué à l'extrême, Romain Bardet n'a jamais rien laissé au hasard depuis ses débuts chez AG2R, en 2012, jusqu'à son ultime course cette semaine. "Il a toujours maximisé son potentiel sur un objectif avec beaucoup d'intelligence et de brio", analyse notre consultant Lilian Calmejane, qui l'a précédé de six mois pour se retirer du peloton. "C'est quelqu'un qui fait les choses avec beaucoup de professionnalisme et d'investissement. Il n'aurait pas accepté de faire une demi-saison en guise de tournée d'adieu et à un mauvais niveau", ajoute celui qui a terminé sa carrière chez Intermarché-Wanty.

Méticuleux et précurseur

Le symbole de sa méticulosité repose notamment dans les stages en altitude, qu'il a apportés à son équipe dès ses premières années. "Au départ, il le faisait même de manière individuelle. Et petit à petit, on l'a accompagné avec un certain nombre d'équipiers", rembobine son ancien manager Vincent Lavenu. "Il était précurseur. Il le faisait en 2012, il n'y avait que Sky qui faisait ça. Lui, il y allait déjà plusieurs fois. Il s'est documenté, il a testé et expérimenté des choses bien avant d'autres équipes. Là-dessus, il était à la pointe", ajoute Lilian Calmejane.

En course, tous saluent un coureur ouvert, respectueux et fondamentalement gentil, comme en témoigne ce bidon donné à Remco Evenepoel, pourtant pas de son équipe, lors de la 6e étape du Dauphiné vendredi. Ils y ajoutent une science de la course inégalée. "C'est un coureur qui est vraiment respectueux dans le peloton, ce n'est pas le cas de tout le monde ! Au-delà de ses capacités physiques, il a une constance, une science de la course à saluer", loue Guillaume Martin-Guyonnet (Groupama-FDJ). "C'est quelqu'un qui était discret, toujours respectueux, vraiment aimé dans le peloton. Pour moi, il incarne vraiment ce qui se fait de mieux en cyclisme, c'est la tête et les jambes", complète Yoann Offredo, qui l'a côtoyé huit ans sur les routes.

Un côté leader par l'exemple dont se souvient Lilian Calmejane. "Je l'ai vu souvent bien gérer ses troupes, ses équipiers. Je ne pense pas qu'il maîtrise tout, mais il a des connaissances et des capacités intellectuelles et physiques pour ne pas avoir à côté de lui un directeur sportif qui lui parle dans l'oreille. C'est ça qui est incroyable chez lui", admire le vainqueur d'une étape sur le Tour de France 2017.

Pourtant, Romain Bardet est-il le même une fois qu'il pose le vélo ? C'est en grande partie le cas, mais pas tout à fait. "Il est plutôt réservé dans l'ensemble, notamment vis-à-vis de l'extérieur, il se mettait une petite carapace. C'était une façon de se protéger, il tient à son intimité. Par contre, dans le cercle très fermé des copains, il se lâchait, il n'y a pas de problème, il savait le faire", rembobine Vincent Lavenu. Et l'Auvergnat s'intéresse à tout.

"Il a une passion pour le vin, la gastronomie, les bonnes tables. C'est quelqu'un qui n'hésite pas à ouvrir la discussion, à poser des questions et s'intéresser aux autres. Il a beaucoup d'humour, c'est un garçon très cultivé et intelligent."

Lilian Calmejane, ancien coureur

à franceinfo: sport

Quinzième pour son premier Tour en 2013, 2e en 2016 puis 3e en 2017, Romain Bardet a connu ses heures de gloire entre 2015 et 2018, mais il a su durer jusqu'à la fin, avec notamment une deuxième place sur Liège-Bastogne-Liège en 2024, ou de bons résultats sur le Giro. "Il a réussi à continuer à faire des podiums sur les Monuments, des gros résultats sur les grands tours dans la génération actuelle. Il a réussi à exister dans ce vélo-là avec les quatre fantastiques alors qu'il existait déjà en 2013", constate Lilian Calmejane.

En concurrence avec Thibaut Pinot lors de leurs années fastes, Romain Bardet n'a peut-être pas tout à fait autant touché le grand public que le grimpeur de la Groupama-FDJ, malgré une exceptionnelle régularité. "Au contraire d'un Pinot qui est tellement spontané, qui a touché le cœur des Français, Bardet est plus froid en apparence et plus mesuré dans ses propos. Sur le terrain, il est encouragé mais il n'a pas la même popularité que Pinot alors que les deux ont créé des vocations et fait une carrière incroyable", constate Lilian Calmejane. "Le grand public aime peut-être les coureurs un peu moins lisses. On se rend compte qu'on aime bien aussi la dramaturgie du sport. Mais dans le milieu, Romain a le respect de tout le peloton, de ceux qui suivent de près", pondère Yoann Offredo.

Passé en 2021 chez la Team DSM (désormais PicNic PostNL) après neuf ans chez AG2R, sa formation de toujours, Romain Bardet s'est éloigné du public français, mais aussi de la pression qu'il a longtemps dû gérer. "Romain aspirait à ça. Avec sa nouvelle équipe, il a pu être un peu plus libre de son programme", estime Vincent Lavenu, son manager qui l'a lancé chez AG2R.

Un rôle de transmission chez DSM

Dans la dernière phase de sa carrière, Romain Bardet a encore évolué à un excellent niveau, mais il a aussi endossé un nouveau rôle, celui de vétéran respecté que son statut lui offrait. "Il a un rôle incroyable. Il s'est mis au service de jeunes talents pour faire de la transmission. C'est un champion mais il l'a fait naturellement, ça reflète son caractère. Il a une certaine modestie mais dans l'ombre il agit, c'est vraiment tout à son honneur", dévoile Christian Guiberteau, son directeur sportif chez la formation néerlandaise.

S'il ne devrait pas trop s'éloigner du monde de la petite reine, son départ va donc laisser un vide dans cette formation, que les jeunes de 22 ans Max Poole et Oscar Onley tenteront de combler. "Il a amené énormément d'expérience. En dehors du vélo, il a aussi joué un rôle primordial, c'est une des meilleures personnes du peloton. Je vais beaucoup m'inspirer de comment il est, comment il gère sa vie, c'est quelque chose de vraiment précieux", a salué le premier.

Le mot de la fin revient à Romain Combaud, son compagnon de chambre et d'entraînement autour de Clermont-Ferrand. a va faire un grand vide, c'est une génération qui s'en va. Il a inspiré beaucoup de jeunes qui arrivent, comme Lenny Martinez ou Paul Seixas." Désormais, c'est Romain Bardet qui pourra observer leurs futurs exploits sur le Tour de France.

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