Mondiaux d'athlétisme : dernier tour de piste argenté et adieux orchestrés pour la légende du sprint Shelly-Ann Fraser-Pryce

Sur le relais 4x100 m, la Jamaïcaine a décroché une 17e breloque mondiale, dix-huit ans après la première. Après son abandon lors des JO de Paris, la sprinteuse de 38 ans a prolongé d'un an sa carrière pour s'offrir une tournée d'adieu aux championnats du monde.

Article rédigé par Anaïs Brosseau - envoyée spéciale à Tokyo
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Shelly-Ann Fraser-Pryce, après son nouveau titre sur le relais 4x100 m, avec ses coéquipières jamaïcaines, lors des Mondiaux de Tokyo, le 21 septembre 2025. (JEWEL SAMAD / AFP)
Shelly-Ann Fraser-Pryce, après son nouveau titre sur le relais 4x100 m, avec ses coéquipières jamaïcaines, lors des Mondiaux de Tokyo, le 21 septembre 2025. (JEWEL SAMAD / AFP)

Une dernière médaille mondiale pour la route, la 17e, preuve d'un appétit insatiable. Alignée pour son ultime course en championnat, la légende du sprint Shelly-Ann Fraser-Pryce a parfaitement lancé le relais 4x100 m jamaïcain, dimanche 21 septembre, à Tokyo. À l'arrivée, le collectif décroche l'argent, le même métal que Shelly-Ann Fraser-Pryce avait décroché dix-huit ans plus tôt, au Japon déjà, à Osaka lors de ses premiers Mondiaux et déjà sur le relais. 

"J'ai eu une carrière incroyable et la médaille d'aujourd'hui est la cerise sur le gâteau. Mon fils va être content. Aujourd'hui, la boucle est bouclée. J'étais remplaçante à mes premiers Mondiaux à Osaka", a réagi l'athlète de 38 ans à l'issue de la finale. Avec ses huit médailles olympiques, dont trois sacres, et ses 10 titres mondiaux, la Jamaïcaine figurait déjà au panthéon de l'athlétisme mondial. Au Japon, la sprinteuse s'est offert une tournée d'adieu.

Une revanche sur les Jeux de Paris

Ovationnée à chacune de ses apparitions sur le tartan, Shelly-Ann Fraser-Pryce a pu profiter dimanche d'un tout dernier tour d'honneur, son large sourire affiché sur le grand écran du stade national du Japon. Une semaine plus tôt déjà, la sprinteuse savourait sa sixième place en finale du 100 m, les cheveux aux couleurs de son pays. "J'ai pu, après toutes ces années à faire cela, honorer une finale une fois de plus. C'est déjà en soi une grande victoire", se réjouissait-elle.

"Savoir que je courais mon dernier 100 m, c'est un moment surréaliste. Il y a dix-huit ans, j'ai commencé comme une athlète qui ne savait pas vraiment ce qu'elle voulait faire, qui elle était, et maintenant, être toujours ici à continuer d'essayer de me transcender, j'ai pu repousser les limites."

Shelly-Ann Fraser-Pryce

en conférence de presse

Au Japon, la star a voulu tirer sa révérence selon "ses propres conditions". À l'origine, celle qui est surnommée "Pocket Rocket", eu égard à sa taille (1,52 m), avait annoncé vouloir se retirer à l'issue des Jeux olympiques de Paris. Mais son forfait avant sa demi-finale du 100 m a rebattu les cartes. Dans une vidéo dévoilée en avril, Shelly-Ann Fraser-Pryce qualifiait sa fin de carrière "d'entreprise inachevée", laissant alors entendre qu'elle concourrait finalement en 2025.

L'athlète tenait alors à pouvoir saisir "l'opportunité de se retirer en sachant [qu'elle] avait tout donné". Avec seulement deux 100 m en meeting dans les jambes, la sprinteuse a gagné son ticket pour Tokyo en coupant la ligne de son épreuve fétiche en troisième position de ses championnats nationaux. Symbole d'une résilience à toute épreuve.

De "Pocket Rocket" à "Mommy Rocket"

En plus de briller sur le tartan (10"60 sur le 100 m et 21"71 au 200 m), Shelly-Ann Fraser-Pryce aura marqué le monde d'athlétisme en devenant le porte-voix de ces athlètes qui deviennent mères au cours de leur carrière. Après avoir donné naissance à son fils Zyon en 2017, et repris la compétition en mai 2018, la Jamaïcaine s'offre un nouveau titre mondial en 2019 à Doha (Qatar).

Shelly-Ann Fraser-Pryce et son fils Zyon, après sa victoire sur le 100 m des Mondiaux de Doha (Qatar), le 29 septembre 2019. (NARIMAN EL-MOFTY/AP/SIPA)
Shelly-Ann Fraser-Pryce et son fils Zyon, après sa victoire sur le 100 m des Mondiaux de Doha (Qatar), le 29 septembre 2019. (NARIMAN EL-MOFTY/AP/SIPA)

Sur la ligne, elle célèbre sa victoire son fils dans les bras et gagne un nouveau surnom : "Mommy Rocket". "Quand j'ai franchi cette ligne, j'ai su que cette victoire n'était pas que pour moi, mais pour plein d'autres femmes, plein d'autres mères", confiait-t-elle à l'époque à World Athletics.

Shelly-Ann Fraser-Pryce impressionne aussi et surtout par sa longévité. Depuis son premier titre mondial individuel en 2009 à Berlin, la Jamaïcaine a continué de gagner en traversant les décennies, jusqu'à son dernier sacre planétaire à Eugene (Etats-Unis) en 2022, à 35 ans.

"Pour beaucoup de gens, dès qu'une femme passe les 35 ans, c'est comme si son talent, son don diminuait."

Shelly-Ann Fraser-Pryce

en interview après son titre mondial en 2022

Connue pour sa personnalité solaire et extravertie, la sprinteuse a réussi à trouver sa place dans une ère marquée par la suprématie de son compatriote Usain Bolt. Elle s'est toujours distinguée par ses folies capillaires (colorations, tresses, extensions, perruque...). Rien d'étonnant donc quand, en février dernier, elle annonce avoir lancé sa marque de produits de soin pour les cheveux appelée AFIMI ("c'est à moi" en patois jamaïcain).

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"Les cheveux, les ongles, les cils, ils n'étaient jamais des distractions. Ils étaient des rappels que vous pouvez vous montrer tels que vous êtes, que vous pouvez être puissante et jolie, concentrée et en train de voler. Ne laissez jamais personne dire que vous êtes différent. Vous n'avez pas à choisir. Je ne l'ai jamais fait et vous ne le devez pas", a justifié Shelly-Ann Fraser-Pryce, dans un post sur le réseau social Instagram, quelques heures avant la finale du relais. Un message parmi de nombreux autres publiés lors des Mondiaux de Tokyo. Femme d'affaires, la Jamaïcaine a orchestré son départ en retraite jusque dans sa communication pour s'offrir des adieux à la hauteur de son prestige. 

Si la future ex-athlète tient désormais à se consacrer à sa famille, elle ne devrait pas pour autant quitter le devant de la scène. "Je veux me concentrer sur le plaidoyer pour défendre les femmes et les athlètes. Je veux continuer à avoir un impact."  Un nouveau chapitre, un nouvel héritage à écrire.

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