: Info franceinfo Une quatrième plainte déposée contre le "psychosociologue" Jacques Salomé, pour tentative de viol et escroquerie
Franceinfo et "La Provence" ont recueilli le témoignage de la plaignante, une ancienne collaboratrice de l'écrivain. Trois autres nouvelles femmes accusent par ailleurs le fondateur de la méthode Espere de viol et d'agression sexuelle.
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"Je tente de me libérer de ce cauchemar." C'est par ces mots que Françoise* commence sa plainte contre Jacques Salomé, adressée par courrier au parquet de Carpentras (Vaucluse) le 10 juin et consultée par franceinfo et La Provence. Plus de trente ans après les faits qu'elle dénonce, cette femme, aujourd'hui âgée de 81 ans, s'est décidé à saisir la justice après l'article consacré par franceinfo au "psychosociologue". Nous révélions, début février, les accusations de viols et d'agressions sexuelles de cinq femmes contre le fondateur de la méthode Espere, dont trois avaient porté plainte. Françoise dénonce, elle, une tentative de viol mais aussi une escroquerie, subies, selon elle, en 1995. Sollicité, le parquet de Carpentras affirme avoir été dessaisi de l'affaire au profit du parquet d'Avignon, où la plainte doit être traitée.
Ce nouveau signalement à la justice porte à neuf le nombre de femmes qui accusent Jacques Salomé de violences sexuelles, dont quatre ont porté plainte. L'intéressé, âgé de 90 ans et victime d'un AVC en 2014, a "réfuté toutes les accusations portées contre lui", par le biais de son épouse – son état de santé ne lui permettant "pas de le faire directement" –, comme lors de la publication de notre premier article.
Françoise affirme être entrée en contact avec Jacques Salomé de la même manière que plusieurs autres femmes qui se sont confiées à franceinfo : après un coup de fil pour solliciter un rendez-vous auprès de cet auteur d'une cinquantaine de best-sellers, tels que Le Courage d'être soi, ex-chroniqueur chez Psychologies Magazine. Cette formatrice en bilan de compétences et développement personnel veut lui proposer ses services et travailler avec lui. "Il m'a répondu illico et m'a invitée à déjeuner au restaurant le surlendemain. On s'est retrouvés chez lui", témoigne-t-elle. Après s'être vue servir "une boîte de sardines et des yaourts", cette femme raconte que Jacques Salomé lui a fait visiter "ses chambres". Les choses en restent là.
"J'ai tout perdu, je me suis retrouvée RMiste"
La fois suivante, Jacques Salomé l'invite bel et bien au restaurant et ils signent un contrat pour créer des centres de formation sur sa méthode Espere, une approche censée apprendre à mieux communiquer, citée dans un rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) en 2008. "Mon entreprise a engagé de très gros frais", poursuit Françoise, parlant de "millions" de francs investis, notamment avec la création d'un centre à Lyon. Malgré son succès, l'affaire va tourner court. Un jour, "lorsque je suis allée le raccompagner à son véhicule, il a commencé à vouloir passer ses mains sous mon chemisier, affirme-t-elle dans sa plainte. Poliment, je lui ai dit que je ne mélangeais pas travail et sexe. Il a insisté."
"Il a voulu aller trop loin, je lui ai filé une gifle. Et ensuite, il a rompu le contrat. Je me suis retrouvée avec 2 millions de francs d'investissements perdus."
Françoise, plaignante contre Jacques Saloméà franceinfo
Si Françoise établit un lien entre cette gifle et la rupture du contrat, elle mentionne d'autres éléments dans sa plainte. "Au cours des séminaires, j'ai été très choquée par sa violence envers certaines apprenantes. J'ai fini par lui dire que c'était l'opposé de nos valeurs et de notre éthique", écrit-elle, précisant que "la plupart ont fini par [lui] dire qu'elles avaient été sa compagne, puis qu'il avait rompu la relation." Françoise évoque aussi un dernier épisode : son refus d'embaucher une "jeune formatrice" recommandée par Jacques Salomé, "laquelle n'avait pas la compétence". "Il m'a envoyé des dizaines de fax menaçants. (...) Environ deux heures plus tard, par fax, il a dénoncé le contrat", relate-t-elle.
S'en est suivie, selon Françoise, une période très difficile, dont elle déclare ne s'être toujours pas relevée aujourd'hui. "Je n'avais plus d'argent, je ne pouvais plus payer personne. J'ai tout perdu, je me suis retrouvée RMiste", souffle-t-elle, affirmant avoir dû vendre sa maison et ne plus avoir "aucun lien avec ses enfants depuis cette époque. L'une de mes filles m'a demandé si j'étais dans une secte." Aujourd'hui, Françoise vit avec le minimum vieillesse et "cette situation [la] mine".
"J'avais mis ça sous le tapis"
D'autres femmes ont contacté franceinfo, après la parution de notre article, pour dénoncer des faits de viol et d'agression sexuelle de la part de Jacques Salomé. Elles n'ont pas porté plainte et, pour elles aussi, les faits dénoncés sont anciens. Pour autant, Odile* se souvient très bien du stage effectué du 21 au 23 mai 1986 au lieu-dit de Haut-Crêt, à Saint-Claude (Jura). Et ce pour deux raisons : elle y a rencontré son futur mari, et elle affirme y avoir subi un viol digital de la part de Jacques Salomé. "Les deux évènements se sont superposés", confie cette femme de 65 ans, qui en avait 26 à l'époque.
Odile raconte qu'après des discussions sur les "femmes fontaines", une des "obsessions" de Jacques Salomé selon ses accusatrices, ce dernier lui a dit "viens, je vais te montrer quelque chose" à l'étage. "Je l'ai suivi sans savoir, il avait cette aura", poursuit-elle. Après un "passage" par "la salle de bains", où "il prend une serviette", "il me fait m'allonger sur le sol, met un de ses bras sous ma tête et va farfouiller dans mon vagin avec son doigt", rapporte Odile.
"J'étais dans la sidération donc je n'ai pas opposé un refus net. Quand il a vu que ça ne donnait rien du tout, il m'a dit 'bon, ça ne marche pas'. On est redescendus."
Odile, qui accuse Jacques Salomé de violà franceinfo
Odile dit avoir "compris" qu'il s'agissait d'"un viol bien plus tard, au cours d'une thérapie. J'avais mis ça sous le tapis". Elle n'a donc pas songé à porter plainte.
Jacqueline*, elle, n'a jamais parlé de l'agression sexuelle qu'elle affirme avoir subie de la part du "psychosociologue" au début des années 90. C'était, selon elle, lors d'un séminaire dans le cadre d'une formation de "sophrologie relationnelle" dans la villa La Magnanarié, à Villedieu (Vaucluse). "Un jour, il m'a demandé de rester lors d'une pause, car il a senti que je n'étais pas bien", témoigne cette formatrice dans le sanitaire et social, aujourd'hui âgée de 59 ans. "Il m'a dit que je refoulais mon homosexualité et que je devais avoir des difficultés à être pénétrée." Selon Jacqueline, l'écrivain a alors "pris [sa] main et l'a tirée sur son sexe en érection au travers de son pantalon". "Choquée", elle dit avoir "vivement retiré" sa main, le traitant de "porc" et s'enfuyant de la salle. "D'en parler, j'ai encore la sensation, c'est horrible", tremble-t-elle aujourd'hui. Comme les autres, Jacqueline dit s'être sentie "coresponsable", un des fondements de la théorie des relations de Jacques Salomé, et a "enfoui" l'évènement qu'elle affirme avoir subi. Elle non plus n'a donc pas fait la démarche de se tourner vers la justice.
Quatre plaintes déposées
Hélène* a longtemps culpabilisé, elle aussi. Cette femme d'une soixantaine d'années, ex-grande lectrice de Psychologies Magazine, affirme avoir contacté Jacques Salomé à l'été 2001. A sa grande surprise, l'écrivain la rappelle et, faute de places restantes pour une conférence donnée à Paris, lui propose de faire le trajet en taxi avec lui jusqu'à l'aéroport d'Orly. Hélène accepte. "J'étais en recherche de quelque chose, je n'allais pas bien. Cet homme avait une prestance, j'avais lu ses livres", justifie-t-elle. Au cours de la conversation pendant la route, "il met sa main dans mon chemisier et me touche les seins, affirme Hélène. Il me dit 'tu vois, tu n'as pas à t'inquiéter, ton corps t'appartient', tout en me pelotant". La jeune femme d'alors, "sidérée", ne parvient pas à dire "stop". Arrivés à l'aéroport, "il a pris son bagage sans me dire au revoir, je suis restée sur le bord du trottoir, je ne sais même pas comment je suis rentrée chez moi", lâche cette femme qui, elle non plus, "n'en a jamais parlé à personne". "Si j'avais poussé la porte d'un commissariat à l'époque, qui m'aurait crue ?", regrette-t-elle.
Depuis, la parole s'est libérée. Jacques Salomé n'a pas été inquiété par la justice à la suite des trois premières plaintes pour viols déposées contre lui entre 2016 et 2023 par Claire*, Christine et Elisabeth, comme le révélait franceinfo. Toutes ont été classées sans suite, malgré des faits non prescrits pour Claire. Actuellement, seule la plainte d'Elisabeth fait encore l'objet d'investigations au parquet d'Avignon, après un recours. Le signalement de Françoise va-t-il y être associé, alors que les faits dénoncés par ces femmes s'étalent sur une période de quasi trente ans ? Depuis 2021, une circulaire sur les violences sexuelles prescrites recommande en tout cas d'ouvrir une enquête malgré la prescription, afin de découvrir l'existence de potentielles autres victimes. Si Françoise ne se fait guère d'illusions sur les suites judiciaires de sa propre plainte, elle souhaite que sa démarche puisse "servir à d'autres personnes".
*Les prénoms ont été modifiés
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